Premier contrat

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Je me retourne, pensant que Lucifer m'a subitement laissée seule, mais il est bien là. Comprenant pourquoi je le regarde, il me dit :

- Cet homme ne peut pas me voir, ni m'entendre. Je peux me rendre invisible aux yeux des humains et tu es actuellement la seule à qui je me montre.

J'acquiesce, attisant la curiosité de l'homme, qui m'interroge :

- Qu'est-ce que vous faîtes ?

Je reporte rapidement mon attention sur lui, tentant de trouver une explication logique à mon attitude, mais mes vêtements me viennent en aide. En les remarquant, mon interlocuteur s'affole :

- Vous. . . Vous êtes là pour l'argent ? lâche-t-il en blêmissant.

- Tout à fait. . .

Il ne me laisse pas le temps de finir ma phrase : il tente de refermer la porte, mais je réagis un temps en glissant mon pied dans l'ouverture.

- Je suis là pour l'argent, mais pas pour vous en prendre, bien au contraire. . .

- Co. . . Comment ça ? Vous n'êtes tout de même pas venue me faire la charité.

- Ha ha ha ! Faire la charité ? Voilà un mot qui n'existe pas dans le vocabulaire de mon patron.

- Hein ? Quel patron ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Si vous me faîtes entrer, je vous expliquerai tout.

Il me regarde de haut en bas avec méfiance, puis, jugeant certainement qu'une simple femme ne représente pas un danger pour lui, il se décale pour me céder le passage. La seule chose qu'il ne remarque pas est que je ne suis pas la seule à entrer.

Pendant qu'il referme la porte, je jette un coup d'oeil à l'appartement. Il est, comme son propriétaire, en piteux état. Tout est sale et en désordre. Une odeur de renfermé vient même agresser mes narines, mais je m'efforce de ne pas laisser paraître mon dégoût.

- Alors ? s'impatiente l'homme. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

Il n'a pas même pas la décence de me proposer de m'asseoir, mais je n'aimerais pas m'installer sur ses fauteuils poussiéreux, de toute façon, alors je reste debout pour lui expliquer :

- J'ai eu vent de vos soucis financiers et je suis prête à vous aider en échange d'une simple chose.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Combien vous faut-il, d'abord ?

Il baisse la tête pour fixer le sol pendant de longues secondes. Je sens d'ici son embarras et son hésitation, mais il finit par marmonner :

- Un million d'euros. . .

Je manque de m'étrangler sous l'effet du choc. Je m'attendais à ce qu'il ait besoin de plusieurs milliers d'euros, mais un million ? ! Comment a-t-il pu s'endetter à ce point ?

Ma surprise n'échappe pas à mon interlocuteur, qui dit avec un petit rire résigné :

- Hin Hin. . . Je vois bien que vous n'êtes pas dans la possibilité de m'aider. Au revoir, ajoute-t-il en posant sa main sur la poignée de la porte.

Le souffle chaud de Lucifer caresse alors ma peau, pendant qu'il me murmure à l'oreille :

- Un million d'euros n'est rien pour le Diable. Tu peux même lui en proposer le double, ce ne sera que plus amusant. . .

Je réprime le frisson que me cause ce contact et m'empresse de dire à notre client :

- Est-ce que deux millions vous conviennent ?

Il se fige, puis tourne lentement la tête vers moi pour plonger son regard dans le mien. Je le soutiens sans aucun souci. Quelques secondes plus tard, il dit enfin :

- C'est une blague. . .

- Bien sûr que non. En échange de ces deux millions d'euros, je n'exigerai de vous qu'une seule chose.

- Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il pendant que l'espoir renaît dans ses yeux ternes.

- Votre âme.

- Pardon ?

- Je vous donne deux millions d'euros en échange de votre âme. Est-ce que ça vous convient ?

- Est-ce que c'est une métaphore pour désigner ma mort ?

Je secoue la tête :

- Absolument pas.

- Qu'est-ce que je perds, alors ?

- Votre âme.

- Ça ne change donc rien à ma vie. . .

- C'est exact, affirmé-je en souriant.

"Rien dans ta vie actuelle" pensé-je ensuite. J'allais lui révéler ce qui lui en coûterait de vendre son âme au Diable dans l'au-delà, mais je me suis souvenue des paroles de mon patron. Il n'a pas l'habitude d'informer ses clients de ce détail. J'en déduis qu'il ne veut pas que je le fasse non plus sans son autorisation et, au vu du sourire satisfait qu'il me lance, j'ai visé juste.

- C'est d'accord, répond l'homme, mais j'exige un contrat signé. Je ne veux pas me faire avoir.

- Bien entendu.

Au même moment, je sens le démon glisser quelque chose dans ma main. C'est un parchemin semblable à celui que j'ai signé, hier soir. Je le déroule sous le regard interrogateur de notre client, qui se demande certainement d'où je l'ai sorti et, surtout, pourquoi je tiens un document à l'apparence aussi ancienne dans mes mains. Je lis les clauses du contrat. Il correspond exactement à ce que nous avons conclu.

Je le présente à mon interlocuteur, qui le lit à son tour attentivement, puis hoche la tête :

- C'est bon. On peut signer.

M'attendant à la réaction de mon patron, je profite du fait que notre client soit occupé à examiner le contrat pour tendre ma main dans sa direction. Il me donne une plume noire, que je présente à l'homme. Le regard de ce dernier passe de la plume à moi, puis il dit :

- Euh. . . Je n'ai pas d'encrier.

- Ne vous en faîtes pas. Nous n'en avons pas besoin.

- Vous êtes sûre ? Je ne pense pas qu'on puisse écrire quoique ce soit avec cette chose sans encre.

- Qui a dit que nous allions signer avec de l'encre ? Si je puis me permettre. . .

J'attrappe sa main pour planter la plume dedans de toutes mes forces. L'homme lâche un cri de douleur et se dégage brutalement en hurlant :

- Vous êtes folle ? ! Qu'est-ce qui vous a pris de faire ça ? ! Je vais me plaindre à la police. . .

- Faîtes, dis-je d'un ton détaché, mais si je suis arrêtée, je ne pourrais pas vous aider.

Il serre les dents, puis insiste :

- Pourquoi avoir agi ainsi ?

- Mon patron n'accepte que les contrats signés avec le sang du client. Ce n'est pas de ma faute.

- Votre patron ? C'est lui qui vous envoie ?

- Bien sûr. Qui d'autre convoiterait votre âme ?

- Qui est-il, au juste ?

J'esquisse un sourire sinistre pour lui répondre :

- Le Diable.

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