Entre froid et chaleur

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Je cours de toutes mes forces, allant là où mes jambes me portent, sans même réfléchir, tel un animal pourchassé qui ne pense qu'à une seule chose : fuir son prédateur, peu importe où et comment. Je m'engage dans le premier escalier que je croise et monte les marches quatre à quatre, tandis que le rire de Lucifer résonne dans toute la demeure :

- Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ! C'est ce qui rend les humains si amusants : même quand ils se savent coincés, ils ne peuvent s'empêcher d'espérer s'en sortir, ce qui les conduit à commettre des actes totalement insensés ! Cours, petite Malicia, cours, tant que tu le peux encore. Ha ha ha ha ha ha !

Je sens un frisson glacé parcourir tout mon corps et, quand je ne trouve plus d'escaliers à monter, je pousse la porte me faisant face. Un éclair m'accueillit sur le toit de l'hôtel particulier, tandis qu'une bourrasque de vent me force à m'arrêter, agitant violemment ma jupe et mes cheveux. Je place mes bras face à moi pour m'en protéger, puis fais quelques pas de plus. Je suis déjà trempée par la pluie qui s'abat sans pitié. Au moment où je réalise que je n'ai plus où aller, la porte claque dans mon dos, me faisant me retourner en sursaut. Lucifer se tient face à moi, un sourire sadique étirant son visage. Son regard est si brillant qu'il ressemble à deux braises ardentes, dans l'obscurité de la nuit. Je recule d'un pas, tandis qu'il me demande sur un ton ironique :

- Tu pensais vraiment pouvoir m'échapper ? Je suis tout ce qui te reste, Malicia et nous sommes liés par un pacte éternel. . . Rends-moi ce qui m'appartient, maintenant, ajoute-t-il en redevant soudainement sérieux.

- Non !

- Non ? fait-il en haussant un sourcil. Qu'est-ce que tu crois pouvoir faire avec ?

- Révéler à Mimi et Sassa la vérité que vous leur cachez tous depuis des années ! Ou plutôt devrais-je les appeler. . . Mi'hal et Sarah. . .

- Que penses-tu que ça changerait ? insiste-t-il avec un sourire moqueur. Elles sont dans la même situation que toi : elle n'ont pas d'autre maison que la mienne et elles savent parfaitement ce qui les attend si elles ont l'audace de tenter quoique ce soit contre moi. Cesse donc de jouer les héroïnes stupides et rends-moi ce parchemin.

- Pourquoi leur avoir caché la vérité pendant tout ce temps, alors ? Pourquoi les avoir dépossédées de leurs identités ? Pourquoi les avoir enfantisées ? Pourquoi tenir à récupérer ce document maintant, alors qu'elles ne l'ont même pas encore vu ? Si ça ne change rien, ça ne vous dérange pas que j'aille le leur montrer et leur poser quelques questions, n'est-ce pas ?

- Tu n'aurais pas dû fouiller dans ces papiers sans que je ne t'en donne l'autorisation. En tant que mon assistante personnelle, tu dois m'obéir au doigt et à l'oeil. Je suis vraiment mécontent de toi, Malicia, mais si tu me rends ce qui m'appartient sans plus discuter, peut-être pourrais-je pardonner la vilaine fille que tu es. . .

Mon coeur se serre à l'entente de ces mots : "Je suis vraiment mécontent de toi". Pourtant, c'est avec une expression de défi que je rétorque :

- Cette technique ne prend pas avec moi, "papa", lâché-je sur un ton ironique.

- Il suffit ! s'énerve-t-il en faisant un grand pas dans ma direction. Si tu continues à t'entêter, je. . .

- Vous quoi ? le coupé-je.

- Il se pourrait bien que je refuse de continuer à t'offrir mon aide. Pourquoi continuerais-je à aider une petite désobéissante comme toi ?

- Tout simplement parce que je vous suis indispensable, assuré-je.

Il se fige et un sourire moqueur se dessine sur son visage furieux :

- Toi ? Indispensable ? Quel amour-propre ! C'est que tu me fais presque de la concurrence. . .

- Je suis extrêmement sérieuse. Je sais que je suis irremplaçable pour vous. J'ignore pourquoi, mais c'est assurément le cas.

- Qu'est-ce qui te fait croire ça ? demande-t-il en croisant ses bras sur sa poitrine.

- Vous êtes venu me sauver. Je ne pense que le Diable vole à la rescousse des autres par simple bonté de coeur ou bonne conscience. Si vous êtes venu me sortir de leurs griffes, c'est parce que vous avez besoin de moi. Je ne vois pas d'autre explication. Autrement, j'aurais été tout bonnement abandonnée et remplacée. C'aurait été une occasion en or de faire une nouvelle âme damnée en établissant un nouveau pacte, mais vous ne l'avez pas saisie, parce que je suis plus précieuse que ça pour vous.

Son regard écarlate s'écarquille et scintille dans l'obscurité de la nuit, tandis qu'un nouvel éclair déchire le ciel. L'eau de la pluie s'abattant sur moi et le vent glacial me font trembler, mais je reste bien droite pour continuer à lui faire face, le parchemin serré contre mon coeur.

- Rends-le moi, Malicia, reprend-il calmement en avançant encore.

- Plus un pas ! Il faut me promettre de me laisser montrer ce document aux jumelles et en discuter avec elles, sinon. . .

- Sinon ? fait-il en haussant un sourcil.

- Je saute.

- Tss ! Ne fais pas l'idiote, lâche-t-il d'un air exaspéré. Tu n'oserais même pas. . .

- Vraiment ? le défié-je en reculant.

Je tombe aussitôt dans le vide, sous son regard horrifié, alors qu'un nouveau grondement de tonnerre se fait entendre. Je sens le vent glacial m'envelopper, tandis que le sol m'attire irrésistiblement vers lui à une vitesse affollante, mais je ne tremble pas. Je n'ai pas peur. Il a besoin de moi. J'ignore pourquoi, mais je sais qu'il ne me laissera pas mourir. Je ferme donc les yeux. Les secondes passent. Le temps semble s'écouler à une lenteur infinie et, au moment où une partie de moi commence à croire que je vais vraiment m'écraser, je sens une chaleur intense m'envelopper. Je rouvre les yeux. Lucifer me tient serrée contre lui, nous maintenant suspendus en l'air, têtes en bas. Il lâche échapper un grognement agacé et grommelle :

- Misérable petite humaine ! Tu n'es vraiment qu'une idiote, décidémment !

Sur ces mots, il place sa main sur ma nuque pour rapprocher vivement mon visage du sien. Mes yeux verts s'écarquillent lorsque je sens ses lèvres toucher les miennes. Mon coeur bat si fort et si vite, résonnant puissamment dans mes oreilles, que j'ai l'impression que ma poitrine va exploser. Je sens tout mon corps s'enflammer, mais à peine ai-je le temps de bien réaliser ce qui se passe qu'il écarte un peu son visage du mien pour murmurer :

- Enfin je t'ai trouvée. . .

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