La seule et l'unique ?

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Mes yeux verts s'écarquillent. Mon coeur bat à tout rompre et je sens mes joues me brûler. Je reste figée ainsi quelques secondes, abasourdie par les derniers mots de mon patron. Quand enfin je réalise pleinement leur sens, je m'écarte vivement en hurlant presque :

- Hein ? !

Lucifer éclate de rire :

- Allons, Malicia, tu as déjà mené bon nombre d'âmes à la damnation éternelle. Ne me dis pas que c'est ça qui va t'arrêter, dit-il avec un sourire amusé.

- Bien sûr que non !

- Alors qu'est-ce que c'est que cette réaction de pucelle effarouchée ? Quoique. . . pucelle, tu l'es bel et bien, lâche-t-il d'un air moqueur.

- Quoi ? ! Comment. . .

- Je connais tous les êtres humains et, surtout, leurs faiblesses. . . Seul Dieu te connaît mieux que moi, Malicia. Laisse-moi me souvenir un instant. . . Ariste, c'est bien ça ?

Mon coeur manque un battement et mes poings se serrent à l'évocation de ce nom, qui est pour moi comme un revenant. Je n'avais plus pensé à lui depuis si longtemps !

- Tu t'entendais bien avec lui jusqu'à ce fameux incident, mais rien de concret n'a jamais suivi. Enfin, il est vrai qu'il a un charme indéniable pour un humain, mais. . . ce n'est pas une grande perte à côté de moi, n'est-ce pas ?

- Tss ! Qui vous dit que je vous aime ? Plus exactement, qui vous dit que je n'aime pas encore Ariste ?

- Ha ha ha ha ha ! Tu ne l'as jamais aimé, Malicia ! Ariste n'était qu'une simple attirance, sinon, tu aurais souffert davantage, crois-moi. Et, au vu de la façon dont il t'a si facilement abandonné pour te préférer ta soeur, lui non plus ne t'aimait pas le moins du monde.

Je baisse la tête et serre les dents, ravalant ma rage. Lucifer poursuit d'une voix plus douce :

- Je ne suis pas comme lui. Je n'abandonnerai la femme qui m'offrira le plus précieux de mes enfants. . .

- Le plus précieux de vos enfants ? ! m'exclamé-je en relevant la tête.

Il me lance un regard étonné, puis esquisse un large sourire malicieux :

- Enfin, Malicia. . . J'existe depuis des millénaires. Tu n'attendais tout de même pas du Diable en personne qu'il se préserve sagement pendant tout ce temps. . .

- Alors, c'est ça ! me révolté-je en coutournant le lit pour me planter face à la fenêtre. Je ne suis qu'une parmi tant d'autres ! Je pensais que. . . je pensais que je représentais vraiment quelque chose de sérieux pour vous. . . pour votre coeur, mais en fait. . . tout était calculé depuis le début ! Comment ai-je pu être aussi bête ? ajouté-je en tapant mon front contre ma paume.

Ma gorge se noue. Je contiens difficilement mes larmes, alors que le ciel ne se prive pas pour déverser les siennes sur Paris. Lucifer pousse un soupir. J'entends ses pas se rapprocher, alors qu'il m'assure :

- Tu représentes bien plus que toutes les autres, pour moi. Tu es celle qui apportera la concrétisation de mon unique rêve. Tu en es la seule capable.

- Je ne suis donc qu'un outil pour vous. Si je n'étais pas cette personne, nous ne nous serions jamais rencontrés.

- C'est vrai que dans ce cas, je t'aurais laissée te suicider en emportant ta jumelle avec toi dans la mort. Ce double meurtre aurait garanti ta place en Enfer. Je n'aurais même pas eu besoin d'intervenir, mais. . . je ne pouvais pas te laisser mourir. J'ai besoin de toi autant que tu as besoin de moi, Malicia, dit-il d'une voix suave en glissant sa main dans la mienne.

Je la retire aussitôt en lui lançant un regard noir.

- Je savais que j'avais été "sauvée" uniquement par intérêt, mais je m'étais persuadée que quelque chose d'innatendu avait fini par naître entre nous, alors qu'en vérité, cette proximité était prévue depuis longtemps, lâché-je d'un air désabusé.

- C'est vrai. Tout était calculé. Tout, sauf une chose. Quand j'ai appris que j'allais devoir m'unir à une humaine pour pouvoir concrétiser mon projet, j'ai ressenti un tel dégoût que j'en ai frissonné. Je t'ai ensuite recontrée. J'ai appris à te connaître. S'il est vrai que tu restes prévisible, comme tous tes semblables, tu es néanmoins différente d'eux. Pas seulement parce que tu es l'unique être vivant à pouvoir donner naissance à l'Antéchrist. Plus le temps passe et plus tu me surprends. Tu sais m'amuser comme personne et. . . tu as réussi l'exploit de changer mon ressenti quant à l'idée de m'unir à une humaine. Je ne suis plus révulsé. Pas si c'est toi. Même si j'apprends que toutes les autres femmes sont finalement capables de m'offrir cet enfant et que tu refusais fermement de le faire, je tiendrais à ce que ce soit toi et aucune autre.

Je détourne la tête pour cacher mon trouble et réplique :

- J'espère que ces mots n'étaient pas destinés à me rassurer ou me réconforter, parce qu'une menace d'agression. . .

- Non, Malicia, répond-il avec calme et sérieux. J'attendrais le temps qu'il faudra, mais ce sera toi.

Un frisson me parcourt, me secouant de tremblements que je ne parviens pas à contrôler. Lucifer m'entoure de ses bras et me serre contre lui. Une larme coule sur ma joue.

- Tout va bien, murmure-t-il en l'essuyant. Je te laisse le temps qu'il faut pour digérer toutes ces informations. Nous en reparlerons ensuite, d'accord ?

J'acquiesce :

- Oui, mais d'abord, j'ai quelque chose à faire, déclaré-je en me libérant de son étreinte.

- Quoi donc ?

- Je n'ai pas changé d'avis concernant les jumelles, dis-je en brandissant le parchemin.

- Quelle entêtée tu fais ! lâche-t-il en soupirant d'un air résigné.

- Je vous fais de la concurrence, alors, plaisanté-je en me dirigeant vers la porte.

- Malicia.

- Oui ? fais-je en me retournant.

- Sais-tu pourquoi je t'ai raconté l'histoire de Joshua ?

- Euh. . .

- Laisse-moi reformuler ma question : quelle leçon en tires-tu ?

- Que les démons ont autant de libre-arbitre que les humains. On peut donc en trouver de toutes confessions et opinions.

- Exactement, mais cela implique que tous ne sont pas de notre côté. Ceux-là sont nos ennemis. Tu dois donc avoir un moyen de défense face à eux. Le feu dont je t'ai fait don ne suffira pas à les tuer.

Il franchit les quelques pas qui nous séparent et prend ma main pour déposer un flacon dessus.

- Fais-en bon usage, souffle-t-il à mon oreille.

L'instant suivant, il disparait dans un tourbillon de fumée.

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