Le travail, les enfants, mon mari, ma vie. Je m’organise afin de ne pas me perdre dans tout ce que je dois gérer chaque jour. Je rends visite à ma mère qui se sent seule, refusant tout autre relation. L’amour est-il inconditionnel ou multiple, je me pose cette question alors que de nouveau comme chaque mardi je vais à ce même rendez-vous. Seize heures, j’entre en saluant, puis m’assied.

« Bonjour Mary, ravie de vous revoir. »

« Merci, même si mon porte-monnaie l’est moins. »

« Vous ne perdez pas votre sens de l’humour, je vois. »

« Jamais, c’est une vraie source de protection. »

« En effet, de quoi désirez vous parler aujourd’hui. »

Mon psy comme toujours me laisse libre de décider du sujet, il sait y faire. Il est un peu manipulateur, mais amical au fond. Je me demande si je ne devrais pas lui parler de mon patron. Ce type me fait des avances constamment, genre tu es belle, tu sais que tu es jolie. Cela semble anodin et je me fais peut-être des idées. Est-ce du harcèlement ou juste des compliments.

Alors que je prends la décision de lui expliquer les faits les minutes s’écoule vite, mais je ne les ressens pas. Parler me fait du bien, surtout en sachant que l’on m’écoute. Il prend des notes, analyse mes mots, hoche un peu la tête, mais son regard ne me quitte jamais. Enfin, d’une voix calme il commence à parler.

« Je ne pense pas que ce soit du harcèlement, mais il ne faut pas minimiser ce comportement. »

« Comment je fais, il reste mon employeur. »

« La première chose est de lui dire que ces commentaires vous mettent mal à l’aise. »

« Ce n’est pas évident. »

« En effet, vous pouvez demander a des collègues, ou au CE de vous aidez. »

« Je vais être mal vue. »

« C’est un risque. Je pourrais contacter votre employeur pour un rendez-vous. »

« Est-ce que c’est dans vos attributions ? »

« Non, mais pour aider il faut parfois oublier le médecin et laisser l’humain gérer. »

Je vois ce qu’il fait, il sait bien qu’il ne doit pas intervenir. Il me pousse à avoir confiance en moi et agir. Bon, je suppose que l’heure touche a sa fin, comme chaque fois que je viens ici. Je lui souris, puis d’une voix calme répond. « Je vais lui parler, c’est encore la meilleure solution. »

« Exact Mary, la communication est le premier pas. »

« On se revoit la semaine prochaine. »

« Oui, sauf si vous ressentez le besoin de parler. Je suis toujours disponible. »

« Merci. »

Voilà, une autre journée, une nouvelle séance, et maintenant je vais chercher les enfants à l’école. Une vie bien établie, dans une routine si apaisante. Je t’aime, Papa.