Pas si bête.
On m'appelle Gribouille. Je sais, c'est ridicule. Mais comment leur dire ? Je ne parle pas, moi. J'émets des sons plus ou moins aigus. Un son long : " J'ai faim ". Un son aigu : " J'ai peur ". Un son très aigu : " Je m'ennuie. " Vous voyez, c'est assez simple. Mais je ne comprends pas toujours ce que me disent les humains. Ils parlent vite. Il y a beaucoup de mots que je ne connais pas. C'est frustrant. En plus, il y a souvent un fond sonore gênant. C'est rythmé, plutôt agréable.
Quelquefois, je les vois danser. Ça me donne envie de tourner en cadence dans ma cage. Oui, mais je suis un peu à l'étroit. Un pas en avant : je me cogne contre ma gamelle. Un pas en arrière : je touche la roue qui ne me sert à rien. C'est une erreur. Ils ont cru que j'étais un hamster. Tout le monde me confond avec lui. Quand même, je suis plus élégant avec mes poils tricolores. J'ai de petits yeux curieux qui enregistrent tout. Mes oreilles sont minuscules mais néanmoins sensibles. Elles fonctionnent tel un radar.
Au moindre bruit suspect, hop je me réfugie dans ma cabane. Heureusement qu'ils ont pensé à en mettre une. J'ai tellement besoin de calme. J'adore les câlins aussi. J'attends toute la journée que les petits humains viennent me prendre dans leurs bras.
Enfin, les voilà : ils me tirent les oreilles, me font danser sur deux pattes, essaient de me dresser. Malheureusement, au bout d'un quart d'heure, je n'en peux plus de leurs façons de faire. Je crie, je m'agite. Résultat : je retourne dans ma cage. Ils me renferment. Je ne les intéresse plus. Ne dit-on pas : " Mieux vaut être seul que mal accompagné ?"
Mon moment préféré est la nuit. Pourquoi ? Parce que les enfants dorment. Je peux faire ce que je veux dans ma cage. En fait pas plus que d'habitude. Mais au moins, j'ai mon espace, un dressing tout à moi. Ce que j'apprécie, c'est de ne plus être observé. Et puis ras le bol de leurs commentaires : "Il a l'air méchant.", "Il n'a pas fini sa carotte", "Il dort les yeux ouverts ?", "Il a du caca au derrière ! " Et gna gna et gna gna gna. Heureusement, la nuit, plus de bruit ou presque. Le soir venu, point de repos.
À peine les marmots endormis, j'entends des chuchotements, des éclats de voix, des fous rires. Les deux grands humains ne dorment pas, à cette heure ? Ils font des va-et-vient entre la salle de bain et la chambre. Ils s'envoient des signaux gutturaux, ils imitent la chouette, bref ils jouent. Etonnant, non ? L'humain aux poils longs n'a pas d'habits, l'autre non plus. Moi, je ne trouve pas qu'il fasse si chaud, pourtant ils semblent bien à l'aise.
Les voilà qui s'approchent de moi. Bien sûr, je fais semblant de dormir, position momie. ( Je sais bien la faire). Comme je suis dans le dressing, je me sens protégé, à l'abri. Eh bien non, c'est justement l'endroit qu'ils choisissent pour se coller l'un à l'autre. Je les regarde sidéré danser en rythme sur la machine à laver. Ils crient ensemble: "Ah, ah", je crois ( le "a" fait partie de mon vocabulaire de base). Cela fait deux heures qu'ils soupirent et halètent dans notre petit endroit secret. Ils sont loin de savoir tout ce que j'ai vu et entendu. Ils pensent que je suis bête, évidemment.
Je m'endors, épuisé par tout ce charivari. Cette famille me rendra fou !
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