Le galop des chevaux fait résonner la terre, leurs sabots furieux soulèvent le sable qui danse entre les pattes des gracieux animaux. Le coup de feu qui retentit est porté en écho par les montagnes : aussitôt chevaux et hommes foncent vers la carcasse de chèvre encore chaude, qui a été lancée au milieu du terrain. Mansour porte bien son nom puisqu'il n'a jamais connu de défaite. Son équipe a fière allure :

Ahmadullah, le front ceint de son sala - lungi* blanc, les pantalons bouffants, le fouet de cuir tressé tenu fermement dans sa main droite, alors que la gauche mène son destrier adroitement entre les adversaires.

Mahdi, au regard si profond qu'il noie ceux qui s'y perdent, guide une monture blanche qui rue la bave aux lèvres face à la course que la victoire l'oblige à livrer.

Jahan le beau, surnommé ainsi parce qu'il est courtisé par toutes les femmes, a attrapé la patte de la chèvre et talonne son animal pour passer entre les ennemis dont les fouets le cinglent douloureusement, il lâche la chèvre quelques mètres plus loin en jurant.

Shirshah le sage, tance sa monture bais jusqu'à la dépouille de la chèvre, mais ne parvient pas à l'attraper, poussé violemment il est désarçonné. D'un coup de reins il se remet en selle.

Yazdan, chevauche fièrement sur sa selle sculptée qui lui a valu plusieurs mois de paie, c'est le plus bel ouvrage de tout le village. Son destrier rue permettant à son cavalier de prendre la chèvre, de la lancer à Mansour qui chevauche à ses côtés, mais séparé par une bande rivale.

Ce dernier attrape l'animal avec force faisant galoper son cheval à travers les coups de fouets, les hurlements, les tentatives de déstabilisation. Il tient bon, lui et sa monture ne font plus qu'un, le soleil embrase ce couple qui défie le temps face aux montagnes qui les ont vus naître. Ils ont gagné !

* Turban afghan