7_Marc
Je m’étais pris un peu plus que d’affection pour Milay et ce que je conçus comme une fleurette apparaissait désormais sérieux. Le service rendu à ma sœur me prenait de cours malgré le détachement que je m’y suis assigné dès le départ.
Milay. J’avais ce prénom aux lèvres lorsque mes pensées vagabondaient. Sa présence, sa façon de vivre, de percevoir les événements avec désinvolture, rendait ma propre vision moins guindée, moins bornée par une austérité à l’aune d’une réussite professionnelle, certes confortable, partagée avec les mêmes collègues que je revoyais tous les matins au travail. Assurément, cette fille aux allures légères, insoucieuse du lendemain, m’avait séduite.
Ce constat m’amena à reconsidérer notre liaison, car cela ne devait perdurer. Arriverait, en effet, l’instant où je ne pourrais plus mentir. Aurais-je le courage de lui avouer ? Et combien je l’aurais eu, ce que nous vivions n’y résisterait pas. J’en étais certain. Alors que les semaines passèrent sans que je ne remette indéfiniment la manière de m’y prendre, un souhait légitime en précipita la fin.
Nous rentrions d’un mariage d’une de ses amies. Sur la route, il lui semblait sans doute à-propos de me questionner sur l’avenir de notre couple.
- Comment se fait-il qu’on ne l’ait pas encore envisagé ? commença Milay.
- Au mariage ? Répondis-je, lui jetant un œil en biais.
- Non, bien sûr… Je veux dire, je ne connais aucun de tes proches. Et réciproquement.
- C’est vrai. J’ai une sœur et des parents. Comme tout le monde, lançai-je en plaisantant.
- Oh, arrête. C’est important. Tu n’as jamais eu envie d’en savoir davantage sur moi ?
- Mais je te connais. Cela me suffit.
- J’avoue, j’aimerai par exemple faire connaissance avec ta sœur. Pour les parents, cela peut attendre.
- Pourquoi faire ?
- Pourquoi faire !? Tu plaisantes !? Donne-moi une raison de ne pas le faire ?
- Je suis occupé…
- Tu vois, Tu fais quoi au juste dans la vie ?
- Je travaille dans l’événementiel. Mais, cela je te l’ai déjà dit… fis-je passablement énervé.
- C’est vague, répliqua Milay sèchement.
- Ecoute, les doléances, j’ai eu ma dose aujourd’hui. Ce mariage, je n’ai pas voulu m’y rendre. Tu as insisté. Au lieu de geindre, tu pourrais me remercier et m’épargner ce genre d’interrogation qui ne mène strictement à rien.
- Oh, excuse-moi ! J’ignorai que tu vivais un supplice…
- Maintenant, tu le sais !
- Très bien !
- Très bien !
Un long silence s’installa dans la voiture. Au bout de quelques minutes, Milay mit la radio en marche. Je lui tapotai le bras, en signe de réconciliation. Mais elle me repoussa violemment, fit dévier le volant, manquant de causer un accident.
Cet instant précis marqua pour moi le point de non-retour. Je la déposai à la station de RER le plus proche. Elle ne discuta pas. Je la savais en effet assez orgueilleuse pour protester.
Le lendemain, je restai muet à ses appels.
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