Chapitre 7

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« Mason à l’appareil.

— Mason ? C’est Akos.

— Ah, des avancées sur l’enquête ?

— Un peu tôt pour le dire. J’accumule les pièces pour l’instant. Aucune idée de celles qui feront partie du puzzle à la fin.

— Il va falloir des résultats. La SI va nous mettre la pression.

— Vous m’en direz tant. À quel titre ?

— Pas de détails pour l’instant mais la nature de la victime sûrement. Cela doit s’agiter dans quelques têtes.

— Je ne dois pas être très sensible alors.

— Vous connaissez l’Histoire tout de même ? Les Druides n’ont pas laissé de très bons souvenirs.

— J’ai effectué des recherches oui. Le récit tient aussi pas mal de la légende, si j’en crois les sources. Et puis, il faut se dire que c’est un individu isolé pour l’instant, mort de surcroît. On ne sait ni pourquoi il était là, ni pourquoi faire. C’est un peu léger pour anticiper une catastrophe.

— Ils n’ont pas été éradiqués pour rien. Les derniers conflits ont laissé un lourd bilan.

— Surtout pour eux, il me semble. Après je ne suis pas historien et personnellement je suis comme Saint-Thomas : je ne crois que ce que je vois.

— Si un jour, vous voulez grimper dans la hiérarchie, il vous faudra évoluer et être un peu moins terre à terre.

— Pas sûr que cela m’intéresse, mais bon, ce n’est pas le sujet pour le moment.

— Pourquoi m’appelez-vous du coup, d’ailleurs ? Si vous n’avez rien de neuf.

— Parce que j’aimerais avoir un entretien avec quelqu’un de la Sécurité Intérieure. Vu qu’ils ont un œil sur l’affaire, ça serait peut-être utile d’en comprendre les raisons. Ce serait l’occasion d’échanger des infos qui pourraient peut-être m’aider à faire du tri. Ce ne serait pas du luxe. En plus, même si je ne suis pas fan, ce serait du plus bel effet de montrer qu’on collabore entre services. »

Il y eut un silence assez prolongé et Akos pouvait quasiment entendre la gêne dans la respiration de Mason.

« Bien sûr, bien sûr, finit-il par répondre. Ce serait un bon point. Cela lancerait un signal positif.

— Mais ? asséna Akos qui sentait que Mason était de chercher quelque chose à baratiner.

— Il n’y a pas de mais, il faut juste que je trouve à les contacter et qu’ils me répondent.

— Bah, vous pouvez commencer par la personne qui vous a demandé de garder un œil sur l’enquête, non ? »

Encore une fois, Akos sentit un flottement gêné dans la réponse qui se faisait désirer dans la bouche de Mason.

« Ce n’est pas si simple.

— Ah bon ? fit Akos. Bah tenez-moi au courant, moi je viens d’arriver sur mon nouveau lieu d’enquête et je ne dois pas traîner.

— Pas de problème. Je vous tiens au courant. » répondit son chef qui raccrocha dans la foulée.

Akos ne voyait pas d’où pouvait venir la difficulté de Mason à organiser la rencontre. Peu importe de la manière dont il le tournait et même dans le cas où son patron ne voulait pas, il lui était facile de mentir et ne rien faire ensuite. Là, laisser apparaître des hésitations ne pouvait qu’attiser la curiosité. Drôle de stratégie à adopter devant un inspecteur comme lui. Mason n’était pas un fin psychologue mais il avait montré par le passé qu’il savait gérer. Tout cela était étrange.

Akos ne resta pas longtemps sur cette considération car il venait d’arriver au niveau de l’adresse que lui avait indiquée Eliya. Là se situait une résidence d’une dizaine d’étages qui faisait partie d’un ensemble d’habitations plus vaste qu’on taxait généralement de cité ouvrière du fait de la population qui y vivait. L’inspecteur se pinça les lèvres car il ne savait pas comment il devait aborder l’endroit pour faire avancer son enquête.

Il y avait là une agitation continuelle composée d’allers et venues incessantes de personnes qui partaient ou rentraient de leur travail ou vaquaient à des tâches de leur vie quotidienne. Devant l’entrée, une dizaine d’hommes et de femmes discutaient, les uns et les autres buvant, fumant ou regardant passer les voitures. Quel rapport cette populace pouvait-elle entretenir avec un Druide qui s’était fait dessoudé quelques heures plus tôt ? Sûrement que la plupart ne le connaissaient même pas mais, par acquis de conscience, Akos décida d’aller parler avec.

« Vous êtes un flic ? fit une femme, la quarantaine, dont le physique dénonçait la dureté de son quotidien. Nous, on n’aime pas trop ça, les flics et ils nous rendent bien en général. Du coup, ils évitent de traîner par ici. »

Le ton était donné.

« Je ne compte pas m’éterniser si ça peut vous rassurer, j’ai juste besoin de savoir si c’est arrivé que vous croisiez un homme très grand à l’allure un peu étrange.

— Comment ça, étrange ? Ici, il n’y a que ça, des gens louches. Alors en remarquer un plus qu’un autre, railla un autre homme qui s’était approché en entendant Akos engager la conversation.

— Celui-ci, si vous l’avez croisé, vous devriez vous en souvenir car sa couleur de peau n’était pas celle qu’on voit tous les jours.

— Quoi ? C’était un petit homme vert ? plaisanta la femme.

— Plutôt un grand homme, vert. »

Les gens se regardèrent les uns et les autres en secouant la tête.

« Et tant qu’à parler de sa taille, quelqu’un de plus de deux mètres doit sortir des standards du coin. Je me trompe ? »

Akos lança un regard circulaire pour observer la réaction de toutes les personnes présentes. Malgré les dénégations, il acquit la certitude que tous lui mentaient. Il ne devait pas montrer ses doutes et faire croire qu’il prenait leur parole pour argent comptant. En rentrant au commissariat, il demanderait à Eliya d’organiser une infiltration discrète pour en savoir plus.

« Une dernière chose, messieurs-dames, je ne vois ni ado, ni enfant dans le coin, il y a une raison ? »

Un gros barbu aux yeux étincelants d’une morgue malsaine se mit à rire grassement :

« Vous ne savez vraiment rien de la réalité, vous autres ! Personne ne veut voir des gosses ici, cela fait des années qu’ils ont décrété qu’on ne savait pas s’en occuper. Dès la naissance, on les envoie aux services sociaux pour les éduquer correctement qu’ils disent. En fin de compte, c’est pour leur bourrer le cerveau et en faire ce qu’ils veulent. Cela ne les intéresse pas que leurs parents leur enseignent ce qu’est la vraie vie. On les renverra ici, une fois qu’ils auront bien rempli leur mission et qu’ils s’en seront pris suffisamment dans la tête pour croupir comme nous dans une boite à chaussures de huit mètres carrés. »

Akos regarda l’homme avec une certaine lassitude. Encore un mec qui devait passer son temps à se plaindre et à gémir alors qu’il ne faisait pas le moindre effort pour sortir le nez de sa situation. Mais il ne dit rien et acquiesça simplement avant de repartir en direction du commissariat.

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