Chapitre 16

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Ely étant repartie travailler dans son bureau, Akos invita Freya à revenir dans le sien. La jeune femme lui parut très calme et posée. Blonde, les cheveux attachées, le teint pâle, sa silhouette était plutôt frêle. D’un premier regard, elle semblait plus petite qu’Ely alors que quelques minutes plutôt lorsqu’elles étaient côte à côte, elles avaient la même taille.

« Vous m’avez dit n’avoir été prévenue qu’il y a une heure pour venir ici. Mais avez-vous au moins été informée sur l’enquête que nous menons ?

— Je sais qu’il y a eu un meurtre hier matin et que la victime était un Druide. Cet événement est donc remarquable car ce type d’individu était jusque-là considéré comme disparu. Compte-tenu des faits historiques, cette réapparition pose question et implique de faire toute la lumière sur les conditions qui ont permis à cet individu de se retrouver dans cet hôtel, d’identifier ce qu’il était venu y faire et d’identifier précisément les raisons de sa mort.

— La recherche du meurtrier n’est pas dans vos objectifs ?

— Si c’est avéré, bien sûr.

— Donc, si je comprends bien, pour vous, le meurtre n’est pas la piste à privilégier ? »

Freya sembla surprise par la question et chercher sa réponse.

« Disons que, d’ordinaire, on ne me demande pas de résoudre des affaires criminelles. Mon travail consiste d’habitude à compiler des informations et en extraire des faits que l’on peut considérer comme des certitudes. Je crois qu’il serait honnête de dire que je ne fais pas de travail d’enquête à proprement parler. »

Akos hocha la tête. Il comprenait mais il était surpris. Il aurait pensé que Walmsley allait lui envoyer un profil différent. Il s’attendait à une sorte de bibliothèque d’archives sur pattes ou bien, un agent de terrain. Il ne voulait pas juger Freya trop vite mais elle lui donnait davantage l’impression d’une débutante ayant des capacités qu’une personne expérimentée.

« Il va falloir modifier un peu votre méthode de travail alors, si vous voulez être efficace. Cela dit, de mon côté, ce qui m’importe et je m’appuie sur ce que m’a promis Walmsley hier pour ça, c’est que vous nous aidiez à améliorer nos connaissances sur les Druides. Les informations dont on dispose sont parcellaires et beaucoup sont sujettes à caution. Il faut donc que vous aidiez à démêler le vrai du faux voire apporter de nouveaux éléments sur ce domaine. Vous pensez pouvoir le faire ? »

Freya semble un peu troublée par le fait qu’Akos appelle Walmsley par son nom sans rappeler son titre, mais elle reprit contenance et répondit par l’affirmative. Elle connaissait beaucoup de choses concernant les Druides, elle avait déjà rédigé plusieurs rapports pour la Sécurité Intérieure.

« C’est moi qui suis à l’origine de la méthode d’évaluation des risques sur le sujet. C’était nécessaire car, avant cela, les décisions étaient principalement soumises à la subjectivité des personnes. Cela peut donc fortement varier et dépend pour l’essentiel de l’histoire familiale.

— Que voulez-vous dire ?

— La mémoire collective a peu à peu éliminé le souvenir de la période des Druides. Je parle autant d’avant, pendant et après la guerre. Mais dans certaines familles quel que soit leur clan, la mémoire s’est transmise et surtout les traumatismes. C’est ce qui fait que le sujet amène à des réactions souvent irrationnelles.

— Que la Sécurité Intérieure soit sur notre dos uniquement parce qu’on a retrouvé un Druide mort dans un hôtel, ça ne vous paraît pas irrationnel.

— Non, Monsieur. Ceci est juste le système d’alerte. Aucune mesure, aucune action n’a été engagée. Nous ne sommes qu’à la phase d’évaluation pour l’instant. »

Akos secoua la tête. Le raisonnement de Freya était pour lui complètement hors sol et procédait d’une vision robotisée. Cela dit, elle ne lui servait ni plus ni moins que le discours de Walmsley hier dans le bureau de Mason. Freya avait-elle été spécialement recrutée pour cette raison ? Ou bien jouait-elle à la perfection la même partition que sa supérieure expressément ?

« Je peux vous poser une question, Monsieur ?

— Oui, si vous arrêtez de m’appeler Monsieur.

— Inspecteur ?

— Si vous voulez, ça sera toujours mieux que Monsieur.

— Où vais-je travailler ? Par quoi dois-je commencer ? »

Akos ferma les yeux. Lui qui adorait que les gens de son équipe soient autonomes, avec Freya, il n’était pas sorti de l’auberge. Il regarda l’heure. L’audition des médecins de l’Hôpital de la Résurrection approchait. Fallait-il qu’il embarque Freya ? Cela ne semblait pas le choix le plus pertinent mais en même temps, s’il ne l’avait pas sous le nez, il lui était difficile de l’évaluer. Pouvait-il la confier à Ely ? Celle-ci n’avait pas donné l’impression d’être sereine. Il avait confiance en elle mais était-il vraiment objectif ?

« Pour l’instant, vous allez me suivre, j’ai des auditions à faire. Cela vous donnera peut-être des pistes sur ce qu’on attendra de vous par la suite. Cela vous va ? »

Freya resta égale à elle-même et accepta la consigne sans sourciller.

*

Akos descendit à l’accueil du commissariat.

« Les deux premiers chirurgiens sont arrivés. » lui indiqua le collègue derrière le guichet d’entrée en lui tendant une feuille.

Akos la prit et vit qu’il s’agissait de l’agenda des auditions.

« Vous n’avez prévu qu’un quart d’heure pour chaque ? s’exclama-t-il en découvrant les horaires.

— Tu n’avais rien précisé quand tu as envoyé la liste, c’est la durée par défaut dans le logiciel.

— T’as déjà procédé à un interrogatoire ?

— Non, je ne suis pas inspecteur, moi. »

Akos leva les yeux au ciel. Pendant ce temps-là, Freya avait tenté de faire le tour de lui et se mettant sur la pointe des pieds, elle essayait de lire la feuille par-dessus son épaule.

« Vous faites quoi ?

— Je ne sais pas qui sont ces médecins et pourquoi vous les avez convoqués pour un interrogatoire. Je me disais que les détails étaient peut-être écrits sur cette feuille.

— Dans ce cas-là, demandez-moi. C’est très bizarre ce que vous faites là ! Vous procédez comme cela dans votre unité ?

— Non, Inspecteur. On m’apporte les dossiers généralement. »

Akos se pinça les arêtes du nez. Dans quelques minutes, il sentait qu’il allait être pris d’une migraine carabinée.

« Bon, voilà la feuille, vous verrez qu’il n’y a rien que des noms et des horaires. Pour le reste, je vous donnerai les détails après parce qu’avec un petit quart d’heure par personne, il va falloir être efficace. Et maintenant, vous vous collez derrière moi et vous observez. Et quand je dis que vous vous collez derrière moi, ce n’est pas à prendre au sens propre ! »

Freya ne put retenir une moue qui montrait qu’elle n’avait pas goûté la dernière remarque. Akos ne put s’empêcher d’apprécier cette réaction qui lui permettait de voir qu’il y avait un être humain sous le robot.

*

Lorsque le premier interrogatoire commença, Akos remarqua que l’homme qui s’était assis devant lui ne semblait pas très serein.

« Docteur Valtrum ? C’est ça ? »

L’homme se contenta d’acquiescer.

« Vous travaillez à l’Hôpital de la Résurrection ?

— Oui.

— Vous parlez aussi, ironisa tout bas Akos. Depuis combien de temps ?

— Quatre ans.

— Vous pouvez me préciser ce que vous y faites ? Quels sont vos responsabilités au sein de cet établissement ?

— Je suis chirurgien spécialisé dans la chirurgie plastique. Je fais aussi parti du conseil d’administration de l’Hôpital.

— La chirurgie plastique ? Cela consiste en quoi ?

— C’est principalement une chirurgie de reconstruction des tissus avec assez souvent une composante esthétique quand cela touche à la peau.

— Comment ça se passe pour être opéré par vos soins ?

— C’est-à-dire ?

— Si je suis un patient avec un problème qui rentre dans votre champ de compétence, comment je fais pour atterrir à la fin sur votre table d’opération ?

— Il suffit de prendre rendez-vous, je vous examine et ensuite, si je peux faire quelque chose pour vous, nous ouvrons un dossier pour prévoir une opération avec hospitalisation.

— Qu’est-ce qui peut faire qu’un dossier n’aille pas au bout ?

— C’est assez rare et ce n’est généralement pas pour des raisons médicales.

— Financière alors ? fit Akos en haussant un sourcil.

— C’est cela, même si la plupart du temps, on essaie de faire le tri dès le premier rendez-vous.

— Le tri ?

— Les soins coûtent chers et avec quelques documents amenés par le patient, on sait dans 99% des cas si c’est possible ou pas.

— J’ai cru comprendre qu’à ce propos, votre Hôpital était moins cher qu’ailleurs. Vous pouvez m’expliquer ? »

Akos déroulait le même genre de questions qu’il avait posées au directeur. C’était une manière pour lui de voir la cohérence d’ensemble mais il ne tarda pas à en venir à celles qui l’intéressaient réellement.

« Avez-vous récemment reçu un patient avec une demande qui sortait de l’ordinaire ? »

Le chirurgien sembla un peu surpris par la question et hésita. Il semblait troublé par sa propre réaction et après une trentaine de secondes finit par répondre :

« C’est possible mais je ne peux pas vous donner une réponse très précise. D’une part, je suis tenu par le secret médical et d’autre part, votre question est très vague, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez par sortir de l’ordinaire. Il y a des cas relativement standard et d’autres qui sont plus rares.

— J’entends bien mais ne vous inquiétez pas, je n’attends pas de vous que vous me donniez le nom d’un patient et sa pathologie. Du coup, je vais vous posez la question autrement. Tous vos patients sont des humains ? »

Le chirurgien se recula sur sa chaise.

« Pardon ? Je n’opère pas les animaux si c’est votre question.

— Ce n’est pas ma question. Mais répondez-moi juste par oui ou par non. »

L’homme sembla un peu vaciller. Akos savait d’ores-et-déjà qu’il avait terminé ses auditions. Il laissa tout de même une minute se passer et voyant que le médecin restait muet, il décida de poursuivre.

« Je pense que nous allons en rester là pour l’instant. Si vous n’avez rien à ajouter, nous allons faire une pause et nous continuerons notre entretien.

— Je dois appeler un avocat ? »

Akos haussa un sourcil.

« Je ne vous inculpe de rien. Je ne vois pas pourquoi vous auriez besoin d’un avocat. Mais si vous y tenez, je peux vous envoyer un collègue pour que vous preniez vos dispositions. Je vais juste avoir besoin de réponses de votre part. C’est tout. »

Il fit signe à Freya de sortir de la pièce et lui emboîta le pas.

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