Chapitre 15 : Confidences

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Ingrid était plongée dans son roman lorsqu’elle sentit une présence sur le transat à côté d’elle. Ne s’attendant pas à ce que son amie revienne aussi si vite de son escapade chez les naturistes, elle se retourna avec inquiétude. Le visage de Édith était fermé, dévoilant un certain agacement. Pour la débrider et engager la conversation, Ingrid tenta un peu d’humour.

- Alors, le spectacle ne valait pas le déplacement ? Pas d'Apollon cet après-midi ?

- Non, pas de beau gosse malheureusement. Mais au moins je sais comment ces lieux fonctionnent. J'ai même failli ne pas vivre l'expérience jusqu'au bout à cause de tes mises en garde, coupa Édith en ouvrant un de ses magazines.

Les cris des enfants jouant non loin d'elles ponctuaient le silence qui s'était installé, chacune essayant de se concentrer sur sa lecture. Le vent du large rafraîchissait l'atmosphère trop sèche malgré la proximité de l’océan et, lorsque le gosier d’Ingrid s’assécha, elle proposa à son amie de tester un des cocktails du bar de la plage. Édith accepta sans rechigner et elles s'installèrent confortablement à une table à l'ombre du toit tressé. Après un moment d’hésitation face à la carte des breuvages, tous plus attrayants les uns que les autres, Ingrid opta pour un cocktail à base de rhum et de jus de fruits et Édith choisit apérol spritz, plus léger et amer. Édith avala la moitié de son verre puis, commença à se confier.

- J’ai découvert que Felipe était bi quand il m'a proposé un plan à trois. C'était sans aucune obligation et il s'est montré courtois. J'ai décliné la proposition qui ne me tentait pas mais j'ai pu l'observer avec un vieil habitué. Pas de quoi se rincer l’œil. Après, cela ne m'intéressait plus de rester.

Ne sachant que répondre, Ingrid se contenta de hocher la tête, l’incitant du regard à poursuivre son histoire.

- J’ai merdé... J’espère qu’il ne m’a pas transmis une maladie sexuellement transmissible. Dès que je rentre, je vais me faire tester chez mon gynéco.

La formulation de ce risque bien réelle ramena Ingrid à sa propre histoire. Hier soir, Arturo et elle s'étaient contentés de caresses intimes mais elle se doutait qu'il attendait plus d'elle. Elle se demandait si elle ne ferait mieux d'arrêter avant de se donner à un inconnu et de se retrouver dans la même situation que son amie.

- Au moins demain, je me lèverai un peu moins ignorante demain. Maintenant, je sais que ce lieu n’est pas pour moi, poursuivit Édith en la ramenant à l'instant présent. On ne tombe pas tous les jours sur un beau couple comme celui que nous avons vu la première fois.

- Tu avais sans doute besoin de tester tes limites. Nous en avons tous.

- Souvent, je te taquine et je fanfaronne, mais je joue un rôle. Mon ancienne vie me manque, une vie moins fantasque mais beaucoup moins risquée.

- Nous avons consacré notre vie à notre famille et maintenant nous nous trouvons devant un grand vide. Chacune de nous essaie de le combler de son mieux.

- Je ne t’ai jamais raconté que j’avais demandé à Alex de suivre une thérapie conjugale pour essayer de sauver notre couple. D’autres femmes de coopérants m’avaient conseillé de ne pas divorcer, m'assurant qu’il était courant qu’un homme ait deux familles en Afrique. Mais il ne s’est même pas présenté et la conseillère m’a fait comprendre que le message était clair. Alors je me suis consolée en me disant que cette vie n’était pas pour moi. J'ai préféré le divorce et j’ai été chassée du paradis. J'ai peut-être eu tors. Si tu savais comme j’ai envie d’y retourner par moments.

Ingrid enlaça son amie, essayant de lui apporter un peu de réconfort. Face à l’aveu de Édith, elle sentit le besoin d’être honnête sur sa situation.

- Et moi, si je n’ai pas demandé le divorce, c’est parce que Jean a prétendu que ses aventures extra-conjugales n’étaient que passagères, que nous étions destinés à finir notre vie ensemble. Mais il semble s'être stabilisé avec une brésilienne depuis presque trois ans maintenant. Il est temps que je sorte du déni et que je mette un terme à notre union si je veux avancer. Et cela quelque soit la suite de mon aventure avec Arturo.

- Profite de cette histoire, c'est un moyen agréable de t’aider à avancer. Et tant que tu seras avec lui, tu ne devras pas affronter la faune qui gravite autour des sites de rencontre.

Le ton de voix d'Édith était volontairement enjoué dans l'objectif de mettre fin à la morosité qui les avait embrumés. Elles repensèrent aux quelques anecdotes cocasses et parfois un peu flippantes qu’Édith avait racontées concernant son expérience de ces sites et elles pouffèrent de rire.

- Je vais essayer de vivre mon histoire avec Arturo au jour le jour, sans me prendre la tête. Tu déteints sur moi, Édith, et tu m'apporte ce qui me manquait pour envisager une nouvelle vie.

- Eh bien, bravo Ingrid. Je pense que ce séjour va nous changer toutes les deux. Commandons un autre verre sur ces bonnes paroles.

- Si tu veux poursuivre, je pense que je vais t’accompagner avec mocktail. Arturo m’invite au restaurant ce soir et ce sera l’occasion de tester les vins du pays.

- Pas de limite en ce qui me concerne. Je vais passer la soirée avec ma new romance et découvrir les fantasmes de la jeune génération.

- Désolée de te laisser seule pour dîner. On se rattrapera demain, proposa Ingrid en espérant ainsi de se dédouaner.

La discussion se poursuivit autour des choix possibles pour leur dernière journée en Algarve et la fin de l’après-midi résonna de leur joyeux bavardages.

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