Un soir de tempête
"Je suis un enfant sage !"
Ainsi parlait Jérôme, petit garçon de dix ans, récitant en psalmodiant ses mots comme une sorte de mantra, sans doute pour se donner du courage.
Allongé dans son lit, la couette remontée jusqu'à ses yeux, il écoutait fébrile la tempête qui secouait le cerisier du jardin. Les branches longues et cassantes tapaient et frottaient contre les volets de sa chambre. Les chocs et les chuintements, amplifiés par les fortes raffales de vent, accompagnées par le crépitement de l'eau de pluie, augmentaient sans cesse l'angoisse de l'enfant.
"Je suis un enfant sage !" répéta-t-il de plus en plus inquiet.
"J'aime le vent, j'aime les nuages" dit-il encore improvisant une chanson...
"Je suis tout seul à la maison." ajouta-t-il comme pour éloigner toutes menaces, bien que cela ne fût pas tout-à-fait exact.
Ses parents s'étaient rendus chez des voisins. Comme chaque mois, ils dînaient à quelques maisons de là. Et Jérôme avait sous l'oreiller son téléphone, juste au cas où il se passerait quelque chose de grave.
Il etait habitué à cette situation passagère. De plus, sa nounou Tiphaine, une étudiante en archéologie dormait dans la chambre d'amis. Il savait pouvoir compter sur son réconfort dont elle n'était pas avare.
Il avait lu dans un livre sur les prénoms que Tiphaine venait du grec Théophane qui voulait dire Dieu lumineux. Alors, le garçon puisait dans cette connaissance et ce pouvoir qu'elle détenait, du moins en était-il persuadé, pour se rassurer. Mais ce soir, il n'arrivait pas à contrôler sa peur. Alors il reprit sa comptine.
"Je suis un enfant sage
J'aime le vent, j'aime les nuages
Je suis tout seul à la maison
Mais la déesse lumineuse veille !
Alors qu'il prononçait ses derniers mots, une pâleur enfla dans la penderie à travers les panneaux coulissants à claire-voie. Peu à peu, la lueur prit de l'importance et des drapées de lumières bleues et jaunes franchirent les ouvertures.
Jérôme ne sentit curieusement aucune crainte devant ce phénomène comme si cela s'était déjà produit. Il reprit de nouveau ses paroles en constatant que la pluie avait cessé. Une odeur de pétrichor s'insinuait à présent dans la chambre.
"Je suis un enfant sage
J'aime le vent, j'aime les nuages
J'aime quand la pluie s'arrête
Alors Tiphaine se réveille et apparaît !"
Jérôme trouva dans ses dernières paroles un précieux réconfort et tout en se glissant dans le cocon de son lit, il ferma les yeux et s'endormit.
Dehors la tempête s'éloigna en mugissant parfois par quelques ruades venteuses. Le cerisier grinça de soulagement et Tiphaine éteignit sa lampe de poche tout en sortant de la penderie par un accès opposé donnant sur sa chambre mitoyenne.
Elle rouvrit son livre de civilisation traitant des temples aztèques, un large sourire aux lèvres et reprit son cheminement intérieur, juchée sur les ailes du grand oiseau sacré, le Quetzal.
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