Éclatant
Le temps était radieux. Des rayons dorés se déversaient entre les barreaux de la cellule, faisant danser les poussières. Il entendit des pas approcher. Un jeu de verrous, et la lourde porte de bois s’ouvrit. Sans crainte, il se tourna vers le garde qui s’approcha pour lui lier les mains. Celui-ci fit signe au captif de le suivre et tous deux sortirent dans le couloir de pierre. Après une marche de quelques instants, ils franchirent la haute grille de la prison. Toujours précédé par le soldat, il commença à marcher sur le chemin qui s’ouvrait devant lui. Le soleil resplendissait et faisait scintiller le sable comme de l’ambre. De chaque côté s’alignaient d’autres hommes en armes, le séparant d’une foule immobile. Le silence régnait, tout juste parcouru par quelques murmures incertains. Les gardes devant lesquels il passait l’air fier le considéraient d’un œil noir. Combien des leurs avait-il envoyés de l’autre côté ? Mais c’était de bonne guerre, eux-mêmes l’avaient privé de ses plus fidèles soutiens. De tous ses proches amis, une seul en resterait pour le pleurer. Un court instant, il baissa le regard, une ombre presque nostalgique dans les yeux.
Ne va pas te répandre en larmes, Adelphe. Je te connais.
Il prit une inspiration et releva la tête. Il arrivait au lieu de son exécution, sa dernière scène l’attendait. Le soldat s’arrêta au bas de l’estrade et lui indiqua de continuer. Il monta les marches sans se presser, le bois qui craqua lui rappela la maison de son enfance. Il se retrouva face à une tribune où étaient placés les souverains et leur garde rapprochée. Le roi le jaugeait de son masque froid, avec raison. Il avait été le chef de la rébellion, toujours prêt à s’opposer et à perturber son gouvernement. Et maintenant, il allait recevoir sa juste rétribution. Est-ce qu’il avait des regrets ? L’homme qui n’en aurait pas au moment de quitter la vie serait un idiot. En revanche il n’avait aucun remord. Il avait vécu jusqu’au bout et tout donné pour sa cause.
Sans trop y croire, alors que le bourreau s’approchait, il s’écarta d’un pas vif et lui subtilisa le poignard qu’il portait à sa ceinture. Il coupa la corde qui lui enserrait les poignets et se mit en garde avec désinvolture.
« Elain. »
Un seul mot l’arrêta. Il se tourna vers la tribune et échangea un regard avec la princesse. Une expression neutre sur son beau visage, elle parvenait presque à cacher sa tristesse. Il avait été son garde du corps, avant de s’échapper pour la résistance. Le compagnon de ses joies et de ses peines, son confident et plus qu’un ami pour elle. L’avait-il aimée ? Il l’avait taquinée, souvent, jusqu’à se rendre compte qu’il était devenu sérieux, mais de là…
Il se demandait si elle pouvait le comprendre. La raison d’état l’emportait, elle avait fait son choix. Sans résistance, il rendit son arme au bourreau et le laissa lui attacher de nouveau les mains.
« Bravache jusqu’à l’échafaud, hein ? » lui dit l’homme.
Il lui répondit par un coup d’œil plein d’audace. Par orgueil, il s’agenouilla lui-même devant le billot. Il ne guetta pas le bourreau qui allait chercher sa hache, ne leva pas les yeux vers ceux qui l’avaient condamné, mais garda le regard fixé sur le sable qui étincelait comme de l’or. Bientôt son sang viendrait y miroiter. Il esquissa un sourire et murmura :
« Invaincu jusqu’au bout. »
Commentaires
Annotations
Versions