Le silence d’Isadora

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Elle s’appelait Isadora.

Ce prénom flottait comme une caresse dans un monde qui ne connaissait que le bruit du sang.
Ses pas, légers comme la pluie, ne laissaient aucune trace. Elle n'était qu'une ombre parmi les vivants.

Dans la ville, on la surnommait “la Veuve Blanche”. Personne ne savait à quoi elle ressemblait. Certains disaient qu'elle était une rumeur. D'autres, une malédiction. Mais tous ceux qui l’avaient vue… étaient morts.

Isadora ne tuait pas par plaisir. Ni par haine.
Elle tuait parce que c’était sa langue, son seul moyen d’exister. Chaque meurtre était une lettre. Chaque victime, un mot. Et ensemble, ils formaient une histoire que personne ne lirait jamais… sauf elle.

Son premier meurtre, elle l’avait commis à 12 ans.
Un homme. Un monstre. Son père.
Depuis ce jour, elle avait compris que la justice ne se faisait pas dans les tribunaux… mais dans l’ombre, entre deux battements de cœur.

Elle se glissait dans les villas luxueuses, dans les ruelles sales, dans les rêves des puissants. Sa lame était fine, rapide. Son regard, vide.
On ne l’entendait jamais.
On ne la voyait pas venir.
Mais on sentait toujours le froid, une seconde avant de mourir.

Et pourtant…

Parfois, la nuit, seule dans son appartement vide, elle écrivait des lettres à ceux qu’elle avait tués.
Elle leur parlait. Leur demandait pardon.
Elle signait toujours :
“Isadora. Celle qui vous a compris trop tard.

Isadora ne dormait jamais très longtemps.
Trois heures, peut-être quatre. Son corps avait appris à survivre sans repos, mais son esprit, lui, hurlait dans le silence.

Ce soir-là, elle s’était réveillée en sursaut, trempée de sueur.
Le visage d’un garçon…
Jeune, trop jeune.
Pas une cible. Pas prévu. Juste au mauvais endroit. Au mauvais moment.

Elle s'était agenouillée au bord de son lit, les mains tremblantes.
La lame était là, sur la table de chevet, comme une amante fidèle.
Elle la caressa du bout des doigts, puis la reposa.

Elle n’avait plus tué depuis deux mois.

Mais ce n’était pas un progrès. C’était un vertige.

Elle avait reçu un message, glissé sous sa porte.
Une écriture soignée. Aucune signature.

"Tu m’as épargné ce soir-là. Pourquoi ?
Je veux comprendre. Rejoins-moi.
Minuit. Pont du silence."

Un frisson remonta le long de sa colonne.
Elle n’épargnait jamais.

Jamais.

Minuit.
Le vent siffle entre les poutres du vieux pont, désert et mal éclairé.
Elle avance. Pas à pas.
Pas de piège. Pas de snipers. Pas de policiers.
Juste une silhouette. Assise sur la rambarde.

Un garçon. Vingt ans peut-être.
Cheveux noirs. Regard trouble.

— "Tu es Isadora."

Elle ne répond pas.

— "Tu ne m’as pas tué. Ce soir-là, chez le sénateur. Tu m’as vu… tu m’as visé. Puis tu es partie. Pourquoi ?"

Elle le fixe. Longuement.

Puis murmure :
— "Parce que tu avais les mêmes yeux que moi. Quand j’étais encore vivante."

Un silence.

Il sourit.
Un sourire triste, cassé.

— "Je ne t’ai pas dénoncée. Mais je te cherche depuis. Pas pour te livrer. Pour te comprendre. Parce que… moi aussi, j’ai tué quelqu’un. Et je ne dors plus."

Son cœur se serre.

Enfin… elle se voit dans quelqu’un d’autre.

Ils parlent pendant des heures. Des choses que personne ne comprend.
Des fantômes. Des regrets. Du vide.

Quand l’aube commence à teinter le ciel de rose, elle dit :

— "Tu sais comment l’histoire se termine, n’est-ce pas ?"

Il hoche la tête.

— "Oui. Mais ce n’est pas encore la fin. Peut-être… juste le début."

Elle sourit.

Pour la première fois depuis des années!

FIN

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