3-RDP

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Chaque mercredi, comme un rituel sacré, Sélène et Hanaé s'aventuraient dans les bois pour cueillir les plantes qui tapissaient la Nature perlée de rosée.

Après une douce nuit peuplée de rêves fabuleux, les premiers rais de lumière qui filtraient à travers les volets venaient chatouiller les paupières d'Hanaé, lui intimant l'ordre de se lever. Un large sourire sur les lèvres, elle repoussait l'édredon au pied du lit et se pressait de rejoindre sa maman dans la cuisine, dont le doux parfum de miel, mêlé à l'arôme du café, imprégnait l'air d'une senteur familière.

Le soleil envahissait la pièce d'une lueur chaleureuse qui se réverbérait dans la chevelure orangée d'Hanaé et illuminait son visage de reflets dorés. Le sourire bienveillant et le regard brillant, Sélène admirait cette enfant dont la beauté n'avait d'égal que sa témérité. Elle devinait au travers de chacun de ses gestes, l'impatience que sa fille avait de se retrouver dans les bois. Elle lisait dans chacun de ses traits, la détermination qu'elle avait à trouver le chemin qui la mènerait dans la Forêt des Secrets.

Après un copieux petit-déjeuner, mère et fille, munies de leurs paniers avançaient côte à côte d'un pas léger. En chemin, elles ramassaient ce que la Nature leur offrait. Dès son plus jeune âge, Hanaé avait appris les vertus de chaque plante. La sauge avait par exemple , le pouvoir de calmer les maux de gorge et de faire baisser la fièvre, la petite pimprenelle pouvait aider à cicatriser brûlures et plaies et la consoude, à soulager entorses et fractures.

A leur retour, elles préparaient de savoureux repas avec le fruit de leur cueillette puis elles s'occupaient de la préparation de leurs recettes médicinales. Elles mettaient les plantes à sécher pour de futures infusions et préparaient les onguents. Durant plusieurs heures, elles laissaient macérer les racines qu'elles mélangeaient ensuite à de la cire d'abeille fondue.

Hanaé se délectait de ces instants complices avec sa maman. Elle aimait feuilleter l'herbier de Sélène que sa famille, depuis plusieurs générations, s'était évertuée à transmettre comme un feu sacré. Elle était fascinée par ces pages ornées de fleurs séchées qui révèlaient leurs noms savants et leurs propriétés. Hanaé passait des heures à les recopier sur ses cahiers en s'appliquant à écrire « en lié », son petit bout de langue dépassant de ses lèvres entrouvertes.

Une page attirait particulièrement la petite, celle de la Paeonia Stella, plus communément appelée « Pivoine étoilée ». La légende racontait que le fils du Dieu guérisseur Péon, celui qui avait découvert les propriétés thérapeutiques de la pivoine, s'aventura un jour au cœur de la Forêt des Secrets. À la merci du monstre qui hantait les bois, le brave héros luttait avec acharnement malgré les multiples ecchymoses et plaies suintantes qui le plongeaient dangereusement dans le Néant. C'est alors qu'une silhouette scintillante apparut dans le champ de vision voilé du jeune homme. Aveuglé par l'éclat diamantin qu'elle arborait au creux de sa main, le monstre lâcha sa proie et partit se terrer au fin fond des bois dans un hurlement strident d'effroi. La divine créature s'approcha de l'homme et saupoudra ses blessures de la poussière d'étoile libérée par le cœur de la pivoine sacrée. Revenu d'entre les morts, il passa le reste de sa vie aux côtés de celle qui l'avait sauvé afin de protéger la précieuse fleur, du Mal qui régnait dans cette sombre forêt.

Ce mercredi là n'échappa à aucun rituel. Après avoir passé la journée au milieu des plantes, la petite famille se retrouva devant la cheminée. Main dans la main, Anton et Sélène observèrent Hanaé tandis qu'elle rejouait la légende de la fleur sacrée. Puis Sélène, allongée tout contre sa fille, lui conta l'histoire de la Fontaine Enchantée avant de lui déposer sur le front un bouquet de baisers.
Avant qu'elle ne quitte la chambre, Hanaé l'interpella :

  • Dis Maman, est-ce que tu vas la trouver la Paeonia stella ?

Sélène sourit, amusée par le nom savant qu'Hanaé prononçait avec fierté.

  • Je crois savoir où elle se trouve, chuchota t-elle. J'irai la chercher demain, dit-elle en scellant sa promesse d'un clin d'oeil complice.

La petite se redressa, les yeux écarquillés.

  • Oh Maman, je peux venir, s'il te plaît, s'il te plaît ?
  • Non petite chipie, demain tu as école !

Hanaé se renfrogna. Attendrie par sa petite moue boudeuse, Sélène s'avança au plus près de son joli minois, et d'un battement de cils, chatouilla les pommettes de sa fille, qui partit dans un grand éclat de rire.

Puis tandis qu'Hanaé voyageait au pays des rêves, Sélène accomplit son dernier rituel. Comme chaque soir avant de se coucher, elle appliqua sur son ventre un cataplasme d'argile qu'elle banda d'un linge en coton. Elle posa ensuite sur l'emplâtre une bouillote qui diffusa dans son corps sa chaleur salvatrice. Chaque jour, Anton observait avec la même impuissance, celle qu'il aimait poursuivre ce cérémonial dans des gestes d'une grâce immuable. Et, les yeux embués, il priait en secret, pour que Sélène trouve enfin cette pivoine étoilée.

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