9 - RDP

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Le territoire des Dryades était à présent derrière eux. Fibber s'avança à l'ombre d'un noisetier, et après avoir fait plusieurs ronds sur lui-même, s'allongea sur le lit de mousse qui bordait le tronc. Il posa le menton sur ses pattes avant puis, s'accorda quelques instants de repos.

  • Mais que fais-tu ? s'exclama Hanaé.

Le félin releva les paupières dévoilant deux yeux tous ronds :

  • Ça ne se voit pas ? répondit-il ahuri.
  • Mais ce n'est pas l'heure de dormir !
  • Je n'ai pas fermé l' œil depuis que je t'ai rencontré. Sais-tu qu'un chat dort en moyenne seize heures par jour ?

Sur ces mots, il émit un bâillement sonore et referma les yeux.
Hanaé n'en croyait pas ses oreilles. Sa mère était en danger et ce gros chat ne pensait qu'à flemmarder.

  • Très bien ! Et bien bonne sieste, moi j'y vais !

Fibber jeta un œil amusé à la petite qui s'était éloignée de quelques pas. Celle-ci attrapa la boussole, l'ouvrit mais constata une fois de plus que l'aiguille tournait inlassablement dans le vide. Elle souffla d'exaspération et donna un coup de pied dans le tronc le plus proche. Se rappelant de son dernier éclat de colère, la jeune aventurière regarda, affolée tout autour d'elle mais la Nature n'émit aucune contestation et resta indifférente à ses états d'âme. Le vilain chat releva les babines d'un air satisfait avant de reprendre le cours de sa sieste. A contre-cœur, Hanaé revint s'asseoir près de son compagnon, et patienta plusieurs minutes avant de demander :

  • Ça y est ?

Sans même ouvrir les yeux, le chat grommela :

  • Non.

Hanaé souffla, ramassa quelques noisettes, les lança, puis au comble de l'impatience, l'interrogea de nouveau :

  • Tu l'as déjà vu toi Moréna ?
  • Mouais...
  • Comment est-elle ?

Le chat ne répondit plus, souhaitant plus que tout s'adonner à la paresse.

  • On raconte qu'elle est aussi belle qu'elle est méchante. C'est vrai ?
  • ...
  • C'est loin la Vallée Pourpre ?

Fibber ouvrit grands les yeux et fusilla du regard la petite bavarde.

  • Tu ne t'arrêtes jamais de parler ma parole !
  • Mais je dois retrouver ma Maman, c'est urgent !

Le chat, las, finit par se relever puis, à regret, reprit lentement sa démarche chaloupée.

Au bout de plusieurs heures, ils se retrouvèrent sur les pentes d'une montagne bordée de bouleaux effeuillés dont les longs troncs blancs s'élevaient vers un ciel opaque. Un épais tapis de feuilles aux teintes vermeilles gisait aux pieds de ces troncs striés.

  • Voici la Forêt Blanche ! La Vallée Pourpre se trouve de l'autre côté de cette montagne.

Sur ces mots, Fibber laissa quelques instants à Hanaé pour s'émerveiller de ce décor époustouflant enveloppé d'un silence absolu.

  • Il faut que tu saches jeune fille, que quiconque s'aventure au cœur de cette forêt brumeuse n'en ressort jamais. Des créatures des Ténèbres errent dans ces bois et avalent tous ceux qui ont l'audace d'y pénétrer.

Un frisson parcourut le corps d'Hanaé.

  • Après toi ! ronronna le chat.

Hanaé déglutit, serra d'une main ferme la boussole qui reposait tout contre sa poitrine puis s'avança dans le brouillard épais. Fibber leva les yeux au ciel et suivit le pas jusqu'à ce que sa queue en panache disparaisse au milieu de cette nappe laiteuse.

À l'intérieur des bois, de petits cristaux de neige argentés flottaient en suspension dans l'air et scintillaient comme de la poussière de diamant. Les feuilles cramoisies qui ornaient le bois immaculé brillaient comme des rubis. Hanaé était une nouvelle fois subjuguée par ce lieu enchanteur. Elle avançait, en tournant lentement sur elle-même pour recueillir au creux de sa main, ces flocons diamantins. Elle commença à se détendre, se demandant quelles affreuses créatures malfaisantes pouvaient bien peupler cette sainte forêt et rompre la sérénité qui s'y dégageait.

À cet instant, un croassement se fit entendre, puis deux, puis trois. Les cris des corvidés redoublèrent de puissance puis un grondement sourd résonna et ébranla la forêt toute entière. Les racines émergèrent à la surface de la terre, les arbres s'élevèrent, le sol se craquela, engloutissant les feuilles rubescentes qui gisaient à demi-mortes sur le sentier. Hanaé et Fibber échangèrent un regard d'effroi avant de se mettre à courir tandis que le sol continuait de s'ouvrir sous leurs pieds. Agile et rapide, Fibber sinuait entre les troncs à vive allure. Hanaé, quant à elle, peinait à le rattraper, ralentie par cette nuée vaporeuse qui l'aveuglait. Des corbeaux percèrent le frimas et foncèrent sur l'enfant. En proie à ce bataillon de plumes noires qui la malmenait, elle avançait péniblement, tout en se protégeant le visage de ses bras. Le sol fracturé continua d'étendre sa longue crevasse jusqu'à atteindre la pauvre malheureuse qui perdit l'équilibre et sombra dans les entrailles de la Terre.

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