Chapitre 20 – Des choses qu’on ne sait pas nommer
J’ai passé la journée à marcher.
Sans but précis.
Juste pour ne pas rester chez moi. Ne pas étouffer entre quatre murs. Ne pas penser trop fort.
Mes pas m’ont porté devant l’atelier de Nathan.
Je n’y étais pas allé depuis… longtemps.
Depuis avant. Avant que tout explose. Avant que je sache. Avant que je me perde.
La porte était ouverte.
La lumière chaude contrastait avec le gris de l’extérieur.
J’ai hésité.
Puis j’ai poussé la porte.
Il n’était pas là.
À la place, j’ai vu Franck, accroupi devant un carnet de croquis. Il a levé les yeux quand j’ai avancé.
Un silence court.
Pas tendu. Pas gêné. Juste suspendu.
— Il n’est pas là, a-t-il dit simplement.
J’ai hoché la tête. Je le savais déjà.
— Je passais juste, ai-je murmuré.
Il a refermé le carnet.
Son regard n’était ni fuyant, ni provocateur. Juste honnête. Et un peu fatigué, comme le mien.
— Tu veux rester un peu ?
J’ai regardé autour. Les murs remplis de dessins. La trace de lui partout.
— Non. C’est bon.
Franck n’a rien ajouté.
Il a compris.
Ce n’était pas à lui que je venais parler.
Mais à un vide. À une mémoire.
Je suis ressorti aussi vite que j’étais entré.
Dans la rue, le vent m’a fouetté le visage.
J’ai senti mes yeux picoter, mais je n’ai pas pleuré.
Je ne suis pas triste.
Pas en colère.
Je suis juste… là. Debout dans un monde où tout continue, sauf moi.
Chez moi, j’ai tout refermé.
Les rideaux. Mon téléphone. Mes pensées.
Et dans le noir de ma chambre, une seule question :
Pourquoi est-ce que je reviens toujours là où j’ai mal ?
Je n’ai pas eu de réponse.
Mais pour la première fois, j’ai cessé d’attendre que Nathan en donne une.
Et c’est peut-être ça, le vrai début.
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