Chapitre 10 : Le Craquement du Monde
Le hurlement du miroir déchira l’air.
Dans le monde réel, la vieille maison se mit à trembler. Les fenêtres explosèrent. Les murs suintaient une brume noire. La Gardienne, seule dans l’ombre, se leva lentement, les yeux écarquillés.
— Elle l’a fait… murmura-t-elle. Elle a réveillé l’éclat du premier reflet.
Le miroir au mur ne reflétait plus la pièce.
Il montrait un autre monde en train de brûler.
Et au centre : Alma, debout, entourée de fragments suspendus dans l’air.
Ses cheveux flottaient comme s’ils étaient dans l’eau. Ses yeux brillaient de lumière blanche et noire.
Elle ne criait plus.
Elle commandait.
Dans ce monde brisé, Alma sentait tout.
Le temps. La douleur. Les secrets.
Elle voyait le vrai visage de l’autre elle, là-bas, dans le monde réel.
Elle la voyait en train de sourire à ses parents, d’embrasser des souvenirs qui ne lui appartenaient pas.
Et elle voyait le vide dans ses yeux.
Un vide qui dévorait.
— Elle ne veut pas ma place, dit Alma. Elle veut devenir moi en mieux.
Mais c’est moi qui ai vécu.
C’est moi qui ai souffert.
C’est moi qui ai été oubliée.
Alors elle prit une décision.
Pendant ce temps, l’autre Alma sentit une douleur intense traverser son front.
Elle se figea devant le miroir de sa chambre.
Puis… le reflet bougea sans elle.
Elle recula.
— Non…
Dans le miroir, la vraie Alma apparut.
Vivante. Entière.
Et furieuse.
— Je viens reprendre ce qui est à moi.
Le miroir se brisa d’un seul coup.
Les morceaux volèrent dans toute la maison, et un vent surnaturel balaya les murs.
Les ombres du miroir sortirent, rampant, hurlant, brisant les lois du monde.
Et Alma… sortit du miroir, nue, couverte de lumière.
Son double tomba à genoux.
— Tu n’es pas moi, souffla la vraie.
L’autre la regarda. Un dernier instant.
Et murmura :
— Peut-être que si.
Puis elle disparut dans un nuage de cendres.
Dans le silence après la tempête, la Gardienne entra lentement.
— Tu es revenue…
Alma tomba à genoux. Les larmes aux yeux.
— Pas toute seule.
Car dans son dos… les ombres du miroir l’avaient suivie.
Et certaines n’étaient pas prêtes à repartir.
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