Avant de commencer : le thème de votre roman.

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Si on reprend un peu les choses dans l'ordre, avant de progresser dans cet atelier : vous avez une idée, un début d'histoire en tête, l'envie, la motivation. Vous avez rangé le chat dans la machine à laver, votre cher et tendre au placard avec du lexomil, placé les enfants à la DDASS, et coupé les notifications de votre smartphone avant de le plonger dans les toilettes. Donc vous avez le temps. Ou plus simple et moins extrême, vous vous êtres mis au vert, profité d'un arrêt maladie pour une jambe dans le plâtre, d'une période off au boulot ou dans vos cours à la faculté, bref, vous avez enfin pris le temps pour vous et votre passion, désir, envie, besoin (rayer la mention inutile).

Ce temps il faut l'optimiser, c'est une denrée rare, l'inspiration est une maîtresse très versatile, donc c'est maintenant ou jamais !

Cette petite idée, pour en faire un premier jet assez solide et éviter la déconfiture des corrections et de la phase de réécriture, voire même pour tout simplement parvenir à finir un texte quelle que soit sa longueur, il existe deux trois étapes que j'appelle communément "le travail debout". En gros pas besoin d'être devant votre clavier ou votre feuille, ce seront les fondations de votre roman.

Vous avez sûrement déjà entendu parler des jardiner vs architectes. On les oppose très souvent, à tort je pense tant les jardiniers construisent bien plus qu'on le pense, tant les architectes oublient trop souvent les fondations. En gros, c'est LE débat plan ou pas plan.

Il n'y a pas de règle magique, certains ont besoin d'un plan à compléter pour ne pas perdre le fil, d'autres ont besoin de suivre le fil pour aller au bout et chaque case les enferme. Mais dans les deux cas, il y a ce travail debout qui est indispensable. Donc plutôt que les opposer, je vous propose de les fusionner et de trouver dans cette fusion une place qui sera la vôtre.

Première étape avant de commencer : extraire le thème de votre idée.

Votre idée de départ contient forcément un thème, quelque chose qui peut se résumer à un mot. Un seul, et qui est universel. Il paraît qu'il en existe seulement 350 (à un poil de couille près !) originaux et que l'ensemble de la littérature n'est qu'une déclinaison de tout cela. Donc si vous aviez l'impression d'être original, je suis désolée de briser votre petit rêve, mais non. En revanche l'accepter d'emblée permet d'avancer dans l'écriture ;-)

On peut en lister déjà quelques uns assez récurrents et surtout déclinable à l'envie.

  • L'amour : sans doute le plus fréquent. Qu'il soit passionel, platonique, charnel, adultère, filial, heureux ou malheureux, incestueux, multiple, interdit, pervers, chaste, toxique, il se décline sous toutes les formes. En sous thème, on retrouve le sexe, l'amitié, la famille, le divorce, l'abandon... etc. L'amour est le thème qui peut se retrouver dans tous les genres et surtout les relations entre les individus. Si c'est votre thème, vous savez déjà que vous devez miser sur les personnages et leur intéraction.

  • La mort : seconde position pour celui-ci. Que la mort soit violente ou naturelle, volontaire, provoquée ou accidentelle, issue d'une vengeance, d'un hasard, qu'importe, la mort est surtout l'occasion de replacer l'individu dans son rapport à lui même, sa finitude et celle des autres, sa propre vie. On peut décliner ce thème sur le deuil, la perte, l'immortalité, la guerre, le crime, l'héritage, la vie, la resurrection, la vieillesse, la maladie, le temps, l'inutilité de sa vie, l'impermanence de son existence, l'éphémère, l'instant, l'éternité, etc. Si c'est votre thème, c'est le rapport à soi qui sera votre axe de développement.

  • Le bien / le mal : l'un ne va pas sans l'autre, on touche là au troisième thème le plus répandu. Ce qui compte ici, c'est l'opposition sur le plan moral : lumière contre obscurité, vie contre mort, homme contre femme, enfant contre adulte, gentil contre méchant, norme contre monstre, reel contre imaginaire. En sous-thème on peut poser la morale, l'intégrité, le fanatisme, le doute, la religion, le dépassement de soi, la tentation, la divinité, l'équilibre etc. Ce qui compte si votre idée vous révèle ce thème, c'est l'ambivalence et la lutte qui oppose deux conceptions, deux réalités, deux façons de penser. Pas obligé de trouver un vainqueur d'ailleurs, ce qui est important c'est le combat, individuel ou collectif et donc la manifestation concrète de ce combat. C'est le thème de l'éthique humaine.

  • La vengeance : moteur ultra puissant, la vengeance c'est la motivation qui entraîne un personnage vers le côté obscure de la force, le point de bascule qui fait qu'un individu va se retrouver capable de faire ce qu'il n'imaginait pas pouvoir commettre. En sous-thème on trouve la violence, la colère, le sacrifice, la détermination, le fanatisme, la haine, la justice, l'injustice, etc. Ce qui est important dans ce thème, c'est le pourquoi, le lien de cause à effet et l'exploration de l'âme humaine, et donc le déroulé des évènements. C'est le thème du retournement de l'individu, de sa bascule.

  • La rédemption : mouvement inverse, on est ici dans le pardon, la transformation de l'individu qui décide de sortir de sa condition, de sa perception de lui-même ou la façon dont les autres le perçoit. Se pose parfois la notion de survie, de dépassement de soi, de sacrifice, de pardon, de résilience, de transformation, de révélation, l'oubli, la mémoire, le courage, le trauma, etc. Là aussi, comme il s'agira d'un récit transformatif, c'est le déroulé des évènements et l'évolution de votre personnage qui sera important, ainsi vous explorez la construction de l'être.

  • Le pouvoir : thème protéiforme, le pouvoir peut-être subi ou désiré, absolu ou relatif, magique ou politique selon l'angle d'approche. De même, ce thème se décline selon différentes temporalités, de l'ascension à la chute, du rêve de grandeur à la décadence, ses dérives, ses illusions, ses fantasmes, ses responsabilités, tout peut y passer. En sous-thème on y voit l'ambition, la corruption, l'emprise, la lutte, la manipulation, la perversion, la liberté, l'oppression, l'injustice sociale, l'inégalité, le domination, l'égalité, la puissance etc. Ce qui est intéressant avec ce thème, c'est qu'il interroge l'individu face au groupe, social ou familial, quelle que soit sa position (puissant ou faible) et c'est cet aspect de la relation seul face aux autres qui sera le coeur de votre récit et de votre scénario.

  • La survie : qui peut s'apparenter très fortement au thème de la mort mais que je trouve un peu à part tant on va dans ses motivations différentes. Le thème de la mort est plus contemplatif et emprunt du deuil ou de la fascination, la survie met une notion d'urgence et de dénuement. Instinct universel de tout individu (et animal), la survie révèle les comportements et les mécanismes les plus primaires, débarassés des construits sociaux ou éducatifs. On plonge au plus pur de la nature humaine, même si l'auteur en dira ce qu'il veut au final. Que ce soit pour échapper à un assassin ou à une catastrophe naturelle, qu'on soit seul sur une île déserte ou solidaires face à une horde de zombie, en période de guerre ou juste parce qu'on sent la fragilité de sa position et de ses privilèges, l'éventail des possibilités est très large. En sous-thème on y trouve la technique, l'instinct, la nature, l'hostilité, la fragilité, la catastrophe, l'espoir, le désespoire, la solidarité, l'individualisme, la liberté, la stratégie, le monstre, l'urgence, la peur, etc. Dans ce genre de thème, c'est l'intéraction de votre ou vos personnages dans leur univers (naturel ou social) qui va être déterminant.

  • La peur : thème très très fort, la peur peut-être un sous-thème de la mort ou de la survie, ou même de l'amour, de la lutte bien/mal, mais aussi un thème central. L'exploration des peurs, cauchemars, psychoses et troubles mentaux fascine la littérature. Peur des autres, de l'étranger, de soi, peur de tout ou de rien au contraire, la peur est un repli qui va engendrer des mécanismes de défense extrêmement fort. C'est aussi un stimulant très fort pour évoluer ou motiver des actes ou des réactions qu'on n'aurait pas en temps normal. Vous verrez que la peur est une notion sans laquelle vous ne pouvez pas écrire, on l'abordera dans le travail des personnages. Thème très polymorphe là aussi, la peur peut être extériosée ou intériorisée, elle propose un mouvement de va-et-vient de soi à soi ou de soi aux autres. De même on peut y aborder les effets de masses, de groupes. En sous-tème, on retrouve le monstre, l'angoisse, l'anxiété, le repli, la propagation, la foule, la survie, la mort, le courage, la lâcheté, la névrose, la psychose, la phobie, la folie, le rêve, le cauchemar, l'horreur, etc. Thème qui met en relation le réel et l'imaginaire, ou les différents mécanismes de construction de l'imaginaire.

  • Le langage : celui-ci peut aussi, comme la peur ou la survie, se retrouver dans les autres ou être plus central. Le langage, c'est le lien, la communication, la base de toute relation humaine. Qu'il soit verbal ou non, qu'il soit conscientisé ou non, imposé ou libre, c'est l'occasion de penser le coeur même de votre matière littéraire, une forme de mise en abîme du roman qui est aussi vecteur de langage. En sous-thème, on retrouve le secret, l'héritage, l'éducation, la société, la liberté d'expression, l'identité, la lutte, la transmission, le silence, le mensonge, le conte, la narration, l'apprentissage, la communication, l'étranger, la culture, la littérature, le mot, etc. Thème qui explore les intéractions sociales au sens large et les systèmes de communication entre individu.

Les autres thèmes que vous pourrez faire sortir, comme la guerre, l'injustice, la famille, l'amitié, seront des mélanges de ces thèmes là, une façon de regrouper les thématiques. Si jamais vous en voyez que j'ai oublié, n'hésitez pas.

Donc dans ce travail préliminaire qui consiste à extraire le thème principal de votre idée de départ, vous voyez que déjà on va pas partir sur les mêmes zones d'exploration. Certains thèmes peuvent être très centré sur le personnage principal quand d'autres doivent s'inscrire dans un univers pensé et réfléchi. Si le thème et transgenre en littérature, certains genres sont très marqués par des thèmes récurrents, ce qui paraît logique car une sorte de formalisme a fini par sortir dans le traitement de ses thèmes : l'horreur, la romance, le thriller, la SF. Cela ne veut pas dire que vous devez vous cantonnez à un genre spécifique pour le thème que vous avez choisi, juste que statistiquement, on retrouve plus de roman sur la survie en SF et plus sur les peurs ou la mort en Horreur et plus de roman sur l'amour en Romance. Elementaire mon chez Watson.

Une fois que vous avez votre thème principal, et ne trichez pas, pas de thèmes secondaire, mais un seul qui prédomine, on peut passer à la suite.

(L'exercice fonctionne aussi pour les roman en cours de réécriture, ou terminé, ça permet de voir si votre oeuvre tient la route dans sa globalité, ou de rédiger vos notes d'intentions si besoin.)

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