La voix (hommage à Dune)

5 minutes de lecture

La troupe s’était remise en route. Le paysage me devenait familier : une forêt froide, humide, dense. J’aurais pu me croire dans mon monde d’origine, mais le message de Merlin dans mon rêve m’avait mis sur mes gardes.

De la magie, oui, partout, il y avait de la magie, dans les arbres, les plantes, les insectes. Ma perception changeait, cette forêt n’était qu’un décor mobile animé par des milliards de pulsations invisibles.

Vivante, oui ce lieu, cette planète ?, était vivante, et derrière une simple feuille se cachait de l’énergie, positive ou négative. Une boule d’énergie qui menaçait, à chaque instant, d’exploser et de tout anéantir, y compris mon monde d’origine.

Zirki et ses compagnons avançaient rapidement, mes maigres pattes peinaient pour les suivre. Mes amis avaient fière allure, l’entraînement intensif leur avait redonné toute leur force physique et morale. Toutefois je m’inquiétais : Serions-nous vraiment prêts pour le combat ?

La réponse vint vite, bien trop vite. A l’orée d’une clairière nous fumes attaqués, directement, sauvagement, sans sommation, ni défi. Je voulus combattre, mais un regard noir de Kavali me fit battre en retraite : j’allais gêner mes compagnons, je n’étais pas prêt.

Mon aide était inutile. Les dizaines de mangeurs d’âmes, armés d’épées et de couteaux couraient vers le combat, confiants, bien trop confiants. La troupe les avaient laissé s’avancer, avant de lancer une contre attaque foudroyante.

Le combat faisait rage, d’un seul coup d’épée, Kavali avait décapité trois ennemis.

Les rangs denses des assaillants se clairsemaient, l’ennemi reculait, terrorisé, incapable de se défendre. Bientôt ce fut la panique. Les mangeurs d’âmes se mirent à courir pour se réfugier derrière un bosquet.

Nous commencions à chanter notre victoire, quand lentement le chevalier noir apparut sur son cheval d’ébène. Il regarda la clairière, rouge du sang de ses troupes.

Le chevalier noir eut un rictus et nous défia plein de haine :

« Et bien les bestioles, vous avez bien progressé, je vous félicite. J’avais choisi des troupes novices, force est de constater qu’elles n’étaient point prêtes. Maintenant, les choses sérieuses vont commencer, mais avant, je vous réserve une surprise. »

Le chevalier noir revint en arrière puis s’avança , accompagné d’un cheval blanc,

chevauchée par une ravissante jeune fille : Julie, c’était Julie !

Je fus bouleversé par sa beauté. Cynique, sadique, le chevalier noir avait choisi la plus belle des tenues pour la superbe blonde aux yeux bleus : nue, elle était entièrement nue !

Tous pouvaient apprécier la blancheur de sa peau, la fermeté de sa poitrine, la perfection de ses courbes féminines.

Mes larmes coulèrent, et un vieux poème surgit du néant :

Nue

Totalement nue

Une belle femme nue

On a beau faire

Sur terre

Il n’y a rien de plus

Beau qu’une femme nue

Nue

Totalement nue

Elle m’a mis au défi

De la mettre dans mon lit

Et comme je suis joueur

j’ai volé son cœur

Malheur

Je demandais à Zirki :

« Il fait cela pour nous humilier ?

— Pas seulement, répondit mon amie ailée, une jeune fille nue réduit la magie des adversaires et augmente la sienne.

— J’aimerais tant le tuer.

— Ne fais rien, murmura Zirki, il veut te provoquer. Si tu l’attaques, il sera en légitime défense et il n’aura plus besoin de tenir sa promesse : le sacrifice de ton amoureuse, qui te protège, deviendra vain.

— Je le tuerai de mes mains.

— L’avenir ne ressemble jamais à nos désirs, philosopha Zirki. »

Je ne pouvais quitter ma bien-aimée des yeux. Elle me regardait, douce, triste, me suppliant de ne surtout pas me lancer dans la bataille. Ma rancœur disparut, je compris qu’elle faisait tout cela pour me préserver. Un ange, oui elle ressemblait à un ange. Je chantai :

La beauté d’un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

Auditeurs

Auditrices

Inspecteurs

Inspecteurs

Instituteurs

Institutrices

Et surtout

Vous musiciens

De cette chanson

De rien du tout

Sans façon

Prenez soin

La beauté d’un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

Toi le musicien

Je t’en prie

Avec soin

Écris une mélodie

Je t’en prie

Pour ce qui suit

La beauté d’un ange

Jamais ne passe

Jamais ne lasse

Et pourtant elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

La beauté d’un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

La beauté d’un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

Au hasard

Je pars

Dans ton regard

Au hasard

Cheval blanc

Crinière au vent

Puissant

Mais le remords

S’instaure

Un mur

Tout aussi blanc

Murmure

La beauté d’un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

La beauté d un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d’un ange

Un mur

Tout aussi blanc

Murmure

Sans hareng saur

Un vilain sort

Sec

Trop sec

Bride les velléités

De liberté

Du cheval blanc

Crinière au vent

Et je repars

Dans ton regard

La beauté d un ange

Toujours elle dérange

Tant elle est étrange

La beauté d un ange

Kavali s’avança et défia le chevalier noir :

« Toi aussi , tu vas t’enfuir comme un lâche ?

— Ta mort est proche, hurla notre ennemi.

— Je te défie, chevalier noir.

— Avec ta peau, je pourrai habiller ma prisonnière. »

Le combat commença, âpre, violent, équilibré.

Le fauve maniait l’épée avec dextérité, mais toujours son ennemi paraît les coups, avec son bouclier noir orné d’un serpent. Kavali essaya de désarçonner le cavalier, mais le cheval était aussi vif que son maître.

Le chevalier noir prit l’initiative et une pluie de coups s’abattit sur le fauve. Mais, rapide comme l’éclair, Kavali ne cessait de parer, courir, bondir. Le combat allait être long, car les deux adversaires étaient de force, mentale et physique, égale.

Soudain le chevalier noir s’approcha du fauve et murmura quelques mots. Kavali se figea, tétanisé. Le fauve allait succomber sous le fer, quand Zirki s’envola et vint narguer le Chevalier noir.

Hélas , le rapport de forces était par trop inégal et le fauve sortait trop lentement de sa torpeur. Sous mes yeux horrifiés, je vis la brute s’emparer de mon ami ailée et lever son épée pour l’occire. Impuissant, j’allai assister au meurtre de mes amis.

La rage s’empara de moi, tout autour de moi se mit à rapetisser ou plutôt je me mis à grandir et à me métamorphoser. Du plus profond de mon âme, un cri surgit : « JE T’ ORDONNE D’ÉPARGNER MES AMIS ! »

Stupéfié le chevalier noir lâcha l’oiseau,courut vers son cheval et s’enfuit, accompagné de Julie, au triple galop,

Je demandai à Zerki :

« Comment ai-je pu ?

— Ta nudité a annihilé la magie du cheval blanc, répondit mon amie.

— Ma nudité ? »

Je descendis mon regard vers ma virilité humaine, exacerbée par la fougue du combat, qui s’exposait à tous. Pris de honte, malgré le soutien du regard complice et moqueur de la jeune fille, je repris immédiatement la taille et l’aspect d’un matou roux.

Le fauve, de son côté, me regarda étrangement et demanda :

« Qui t’a appris à maîtriser la Voix ?

— Quelle voix, demandai-je ?

— La Voix qui ordonne et se fait toujours obéir, précisa Kavali. Je n’aime pas trop cette magie noire.

— Tu ferais mieux de le remercier, intervint la jeune fille ailée, il vient de nous sauver la vie »

Un lourd silence se fit parmi la troupe.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire phillechat ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0