L'entreregard

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Il apparait n'importe quand et fait fi du temps. Quels que soient les chemins et quels que soient les lendemains. Que l'hiver chante ou qu'il vente lui ça ne lui change rien. L'entreregard. Comme une image mêlée de ton esprit et de ta vue, il se faufile tel un renard entre deux de tes regards. Comme un grand saut raté il ne laisse qu'un souvenir vague et amer où tu ne sais plus trop si c'est la réalité ou à force de vieillir que tu l'as oublié. Telle une distorsion de l'esprit il s'immisce dans ce moment où le temps t'est précieux, ce n'est jamais quand tu t'ennuies qu'un rappel survient, mais bien quand tu vis plus que rien.


Il devine l'avenir parfois. Comme un rêve instantané né d'un instant tellement éveillé qu'il a voyagé dans notre devenir pour mieux cueillir le doute entre folie et futur. Une fois tu as vu des choses banales, ce n’est pas marginal mais ça ne servirait pas à grand-chose de s'étaler. Alors tu racontes les frissons que tu as ressentis quand tu as cru voir une scène dans l'entreregard. Quelque chose de spécial, ne le cache pas : une photographie qui en dit autant qu'une biographie. Là, tu distingues chaque détail d'un instant, comment est-ce possible je n'ai jamais voulu frapper Tristan. Mais le jour que ça arrive tu te dis "Merde mais je connais" forcément tu l'avais déjà rêvé. Alors le rêve détruit la réalité et tu retournes le truc dans ta tête, en te disant que peut-être c'était une protection que tu t'étais dictée pour éviter un malêtre.


Il détruit la distance parfois. Ou fait apparaitre l'invisible ou l'inexistant, au choix. Juste après tu cherches dans tous les sens, d'abord tu ne trouves pas, impossible de retomber sur cette araignée que tu as cru percevoir dans l'entreregard pourtant pas si dense. Lorsque tes yeux se posent enfin sur l'araignée, elle te semble différente, plus petite, surtout, comme si tu avais zoomé à cet instant pour mieux la détailler dans cet infime temps que les images chantent dans ta tête. Comme si ce rapprochement avait tout changé, tu ne la tueras pas cette fois-là, ce n'est rien d'autre qu'une bestiole qui n'a pas engrangé toutes les connaissances nécessaires à une vie un peu folle.


Il revient en arrière parfois. Des images que tu croyais avoir oubliées, des émotions déjà trop éloignées de toi. Elles reviennent, non pas galopantes, mais par ce flash de l'entreregard. Elles au pluriel, mais c'est parfois une seule qui entraine toutes les autres. Les images se succèdent dans ton esprit tu te dis que c'est de la folie, mais il s'agit simplement d'un souvenir. Se souvenir pour ne plus faire semblant de ne plus savoir, pour te dire que tu pars toujours de quelque chose, regarde j'ai toutes ces images : comme j'ai bien travaillé. Et puis c'est le second regard, que tu prends le temps de poser à ce moment-là, pour te rappeler toutes les autres images enchainées, et lâcher un sourire au milieu d'actions : c'est peut-être ça vieillir.


Ce qui est chouette avec l'entreregard, c'est qu'il nous oblige à nous remettre en question, comme un cogito ergo sum, il nous fait douter et renaitre : mon grand, tu es bien là, t'en as déjà trop plein la tête. Peu importe que tu voyages dans le passé, que tu visites ton futur ou que tu te perdes dans le vide généré dans tes yeux par la rotation de ta nuque, la force des sentiments qui te vient dans l'entreregard n'est pas caduque.

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