Chapitre 4 2/5

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 Ce furent les cris qui le réveillèrent. Il se leva en hâte et déboula dans la rue.

 Un peu plus loin, un abri brûlait. En s'élevant dans le ciel, les flammes dansaient avec l'épaisse fumée rejetée.

 Autour se massaient quelques gueux, dont certains à genoux semblaient prier pour que l'incendie disparaisse. En vain, les larmes pleurées n'ayant le seul pouvoir que d'apaiser le feu dans leur coeur.

 Des dizaines de nains en formation et armures complètes regardaient le spectacle d'un oeil indifférent, la torche à la main.

 Très vite, l'attroupement prit de l'ampleur. Les voix s'échauffèrent, et des insultes fusèrent. Lieserl était trop loin pour entendre ce qui se disait. Cependant, il n'eut pas besoin de s'approcher pour comprendre. Très vite, la situation s'éclaircit.

 Plusieurs soldats s'avancèrent vers les mendiants et les rouèrent de coups, tandis que les autres se dispersaient dans le village. Bientôt, les émanations brûlantes des embrasements succincts formèrent de sombres chimères au-dessus de Lieserl.

 Une nuit artificielle, un voile de désespoir. Des rêves autrefois brisés qui partaient définitivement en fumée, ne laissant derrière eux que l'odeur de la poix.

 Puis tout sembla se figer. Par-delà l'obscur et les pins qui bordaient les collines, en direction de l'Ouest, un cor retentit. Haut, fort, couvrant de sa portée les lamentations et les brasiers. Et le bruit des cavaliers.

 Surgissant de la forêt alentour, de longues rangées de soldats montés filaient vers Dessus-le-Trou.

  • Lieserl ! Par ici, vite !

  Bodran l'appelait. Il accourut.

  • Bodran ! Qu'est-ce qu'il se passe ?!
  • Je... Je n'en sais rien, répondit-il. Il faut que l'on te mette en sécurité. Suis-moi !

 Il commença à se diriger vers la cabane où Lieserl avait dormi.

  • Mais, et les incendies... ?
  • Ne t'inquiète pas, j'ai une solution. Dépêche-toi !

 Prestement, il entra et s'empressa de dégager l'entrée d'une trappe dissimulée, puis invita Lieserl à y entrer.

  • Tu seras en sécurité, là-dessous. Ne sors pas tant que tout n'est pas calme, d'accord ?
  • Et toi, Bodran ?
  • Je reviens le plus vite possible, répondit-il en souriant. Il y a des gens qui ont encore besoin de mon aide. Allez !

 Sans un mot de plus, l'enfant obéit et descendit l'étroite échelle de corde jusqu'au sol. Derrière lui, il entendit la trappe se refermer, puis les débris revenir à leur emplacement d'origine.

 Au-dehors, alors qu'il suivait l'étroit couloir, les plaintes redoublèrent d'intensité, gages des horreurs de la bataille.

 Dans une petite pièce rectangulaire, un homme l'attendait, un carquois à la ceinture et un arc dans le dos. Il se leva et se retourna, révélant un homme ensanglanté, pieds et mains liés derrière lui.

  • Tiens, tiens, qu'avons-nous là ?

 Le ton de l'homme était froid, absent d'émotion.

 Instinctivement, Lieserl s'arrêta, et fit un pas en arrière.

  • C'est... Bodran qui m'a fait entrer. Pour me protéger.

 Le visage de l'homme se fendit d'un sourire mauvais.

  • Te protéger ? Ce vieux fou croit toujours qu'il peut sauver le monde, dit-il, moqueur.
  • Il est parti aider d'autres gens...

 Toute trace de sentiment s'effaça sur son visage.

  • Il mourra, comme tous les autres. Tu n'es pas en sécurité, encore moins ici qu'en haut.

 Il s'avança vers Lieserl.

  • Oui... Quitte à attendre les hommes du pays d'Arcanie, autant s'amuser un peu...

 Le sang du garçon se glaça. Une lueur mauvaise dansait dans les yeux de l'homme. Une étincelle de désir destructeur. Son corps entier lui ordonnait de fuir, mais ses jambes refusaient d'obéir. D'une main, l'homme le saisit par l'épaule, tandis que de l'autre, il dégrafait sa ceinture et déboutonnait son pantalon.

 Au moment du contact, tout devint clair pour Lieserl. Il allait se produire quelque chose d'horrible, d'inhumain. Une autre blessure ardente à ajouter à ses cicatrices. Un souvenir et un fardeau qu'il trainerait toute sa vie, si toutefois il survivait.

 Il refusa. C'en était trop.

 Sans connaître les raisons de ce geste, il posa calmement sa propre main sur celle de l'homme.

 Et tout devint flou.

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