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''Pour échapper à la souffrance, le plus souvent on se réfugie dans l'avenir.''

Milan Kundera

Jean

C'était un après-midi, calme. Maman voulait que nous sortions aux bois d'Elk Island. Mes frères et moi voulions rester au chaud à jouer à la Playstation ; mais elle nous a fait ce regard qui dit "vous ne m'aimez pas assez " et nous avons suivi le pas de papa qui, ne se perdait jamais à débattre des volontés de maman.

Les parents faisaient partir de ces couples qui continuaient de s'aimer après 27 ans de vie commune. La dynamique de leur relation reposait sur un seul et unique axiome : maman représentait la voix de la sagesse. Ce qu'elle exigeait papa l'accomplissait. En réalité, tout le monde était tenu de faire ce que voulait maman.
- Allez les enfants dits-papa, une maman heureuse égale…

- Une famille comblée répétions-nous en chœur mes frères et moi.

À cette rengaine, ma génitrice nous adressa son sourire le plus éblouissant. Il est vrai que son sourire savait réchauffer les cœurs, mais l'adrénaline d'un match de foot sur PS 8 ÉVOLUTIONS pouvait aussi chauffer les sangs.
Le dernier ordre de papa tonna dans toute la maison.

- tous au portail dans 10 min, Cria t'il.

Comme d'habitude, le trajet en voiture passa très rapidement. Étant des habitués, papa connaissait un lieu où se garer à proximité de l'entrée principale, devant le restaurant d'une amie de la famille.
Cinq minutes plus tard, nous entrâmes dans le parc, billet en main. L'esplanade était bondée de monde. Nous étions samedi, c'était toujours plein à craquer le week-end. Très vite, la famille se divisa. Papa prit la main de maman et nous fit signe d'aller voir ailleurs s'ils y sont. J'eus un petit rire face à la situation. Si c'était pour nous larguer au milieu des bois à quoi bon avoir insisté pour qu'on les accompagne me diriez-vous. Ils prirent la tangente main dans la main en direction du lac, tandis qu'Eloh et Lohans murmurèrent quelque chose à propos de piranhas géants à l'Est du parc. En peu de temps, je fus seul au milieu de la foule. J'entrepris donc de flâner entre les peupliers.

Pour moi, tout l'intérêt du parc était là. Le lac, l'esplanade avec sa fontaine, l'aire de jeux ou même l'aquarium a l'est n'avait aucun attrait. À mes yeux, la beauté de cette réserve naturelle de 1200 hectares résidait dans ce tronçon d'un kilomètre de peupliers. Même l'ambiance dans cette partie est différente. Toujours calme et peu fréquentés, les bruits de tout ce beau monde semblait bien loin.
J'avoue avoir toujours eu une fascination pour les Populus Post-mortems. Ces arbustes ont apparu un peu partout dans le monde il y a 12 ans de ça ; apparaître n'est peut-être pas le terme qui convient dans la mesure où le 16 octobre 2039, le parc ne comptait que des peupliers faux tremble, dont l'habitat était menacé et le lendemain des peupliers totalement différents remplaçaient ceux du parc. Il y en avait plus que la veille. Nous avions également constaté la présence de ces êtres vivants dans les jardins de nos maisons.

Au début, les scientifiques y avaient vu un danger, le gouvernement avait fait évacuer les zones habitées où étaient apparues les premières plantes post-mortems ; les premiers prélèvements effectués à partir des premières feuilles tombées de ces arbustes avaient révélé que ces organismes possédaient peu de choses en commun avec les autres plantes de la planète. Pour vérifier ces résultats, ils avaient dû inciser un tronc pour extraire le liquide vital de l'être vivant afin que les plus grands botanistes du monde puissent effectuer des analyses plus poussées. Grande avait ete leur surprise lorsqu'il s'etait avéré que le liquide qui circule à l'intérieur de ces êtres était de molécule similaire à celle de l'hémoglobine humaine. Pour ajouter au caractère lugubre de ces créatures, il figurait que toutes les Post-mortems sans exception avaient pris racine sur des cadavres. Hommes, animaux ou végétaux, tout être vivant décédé constituait un lieu potentiel de germination de ces plantes. C'est d'ailleurs de là que provenais leurs surnoms de "plantes mortes". On ne les plante pas, elles apparaissent justes, jamais devant témoins un jour il n'y a rien et puis le lendemain elle est là. Les seules espèces à fleurs recensées jusqu'a ce jour se trouvent dans les cimetières et mémoriaux des victimes de la grippe verte.
De ces fleurs, on pourrait potentiellement extraire une graine qui permettrait de tenter l'expérience de sa germination. Mais, en raison de tout le mystère qui entourait les post-mortems, le sujet avait créer tant de polémique que le projet avait été abandonné. Pour une fois, toutes les religions existantes s'étaient unies et prononcées contre l'utilisation de cette graine. Une religion universelle était née. Ce fut un autre évènement marquant de cette décennie. La communauté scientifique qui n'avait eu de cesse de clamer l'absurdité de ces oppositions devint l'homme à abattre.
Si je sais toutes ces choses, c'est parce que je suis d'un naturel curieux. C'est aussi parce qu'avant d'être chauffeur routier, papa était botaniste. C'était il y a 10 ans. À cette époque, je rêvais de suivre les traces de papa et devenir un des plus éminents botanistes que la terre ait portée ; puis l'année d'après la naissance des post-mortem, la botanique est devenu une science interdite. Papa a dû se reconvertir en chauffeur routier et mes rêves d'adolescent ont volé en éclats. Résultat : j'ai décidé d'apprendre à tout faire sauter. En toute légalité, évidemment. Je suis donc devenu Dynamiteur professionnel. Ouais, vous pouvez apprendre tous sur les explosifs, mais la botanique vous est interdite. D'ailleurs, aujourd'hui, la botanique relève presque de l'alchimie. Toute documentation y afférente a été détruite parce que juger trop dangereuse par le gouvernement mondial. Si vous la pratiquez, ça doit rester secret a moins de vouloir finir brûler vif par les fanatiques de la religion universelle. Ils utiliseront vos restes pour une cérémonie macabre visant à donner vie à une plante morte. Leur credo l'ode à la vie, résurrection, vie après la mort et que sais-je encore. Pour moi, religieux et fanatiques, c'est la même chose. Pour ma part, ce qui me fascine le plus chez ces êtres vivants est leurs troncs constitués de fibres torsadés, le parfum d'essence que dégagent les fleurs. Ils possèdent tant d'étrangetés que ça les rend presque majestueux.

J'étais donc là, assis sur l'herbe a regarder les rayons rougeâtres du soleil couchant jouer de ses reflets sur ce tronc, s'infiltrant entre ses brins torsader jusqu'à son centre, me demandant quelle odeur pouvait avoir une plante morte qui brûle, quand des hurlements a vous filer une chair de poule monstre briserent le silence. Autour de moi, les gens couraient dans tous les sens, paniqués, je restais sur place pendant un moment (trop longtemps quand j'y repense) a tourner sur moi-même en quête de l'origine de ma peur. Eloh et lohans me rejoignirent précipitamment. Ils m'interrogèrent, je ne sus quoi leur dire. D'un commun accord, nous nous mîmes à la recherche des parents, nous étions près du bâtiment aquatique situé à l'Est du parc et avions laissées les parents roucoulés près du lac au centre de l'installation. En rebroussant chemin à contre-sens de la foule, nous les virent. À dire vrai, Eloh fut celui qui les vit le premier;

- le lac, dit-il.

La foule se faisait moins dense au fur et à mesure que nous avancions vers eux. Ainsi, nous distinguions tout parfaitement. Ce que nous vîmes là sur la berge du lac restera gravé à jamais dans nos mémoires.

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