Chapitre 13 - Les Aventures Nomades

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René Roche, autrefois un homme d'une curiosité insatiable, avait toujours cherché à échapper à la monotonie. Son esprit, avide de nouveautés, trouvait dans chaque profession une aventure éphémère. Pourtant, c'était cette même quête de changement qui l'avait conduit à une routine inédite : celle des voyages en voiture, où chaque virage promettait un horizon différent, mais jamais assez pour combler le vide intérieur. Ces périples en famille étaient devenus une obsession pour lui. Il avait bien senti au début que les garçons étaient curieux de découvrir les paysages environnants. Toutefois, il comprit vite que les itinéraires répétitifs finissaient par les chagriner. Le père disait alors une phrase magique qui répondait aux sollicitations des deux frères. À chaque question ou exaspération du type :

— Quand allons-nous arriver ? Allons-nous nous arrêter bientôt ? Où sommes-nous ? Nous sommes malades !

Il répondait ainsi :

— Si vous vous ennuyez, regardez ce qui nous entoure. C’est tellement magnifique.

Cependant, un enfant, cela aime s’amuser. Et comme l'espace de l'habitacle était réduit, ils inventèrent un jeu consistant à se pincer mutuellement chaque fois qu'une automobile rouge les croisait. Au retour, ils comptaient les bleus qui tatouaient leurs bras et établissaient un classement. De temps en temps, de jour en jour, de mois en mois, le temps s'écoulait lentement tandis que leur jeunesse s'évanouissait. La routine succédait à la routine dans un désert d’ennui.

Cependant, un jour, la berline filait sur une route sinueuse, un bruit sourd retentit soudainement. Les pneus crissèrent et René serra le volant. Une antique carriole tirée par un cheval surgit devant eux, son conducteur paniqué. Georges et Patrick, secoués par l’impact, se redressèrent. La bête hennit, tous crièrent. Le père sortit précipitamment, son visage mêlé de colère et d’inquiétude. Son regard fixa sur quelque chose devant lui. Une silhouette étrange qui émergea des fourrés. C’était une fille vêtue d’une robe déchirée, les cheveux en désordre. Elle portait en elle une beauté juvénile qui contrastait avec la dureté de son apparence. Ses yeux, deux éclats de lumière dans la pénombre, semblaient receler des secrets. Chaque mouvement de sa silhouette gracile évoquait une danse fragile entre l'innocence et la survie. Elle tenait un sac à la main. Elle s’approcha.

— Aidez-moi, murmura-t-elle. Je fuis quelqu’un.

L’homme hésita, puis dit :

— Montez. Nous allons vous transporter.

Alors que la voiture reprenait sa route, la tension initiale se dissipa peu à peu. Elle fut remplacée par une complicité naissante entre la jeune fille et Georges. Elle partagea avec lui quelques bribes de son histoire, révélant les raisons de sa fuite et les craintes qui l'habitaient. Le garçon, touché par sa vulnérabilité, lui offrit une oreille attentive et des mots rassurants, transformant ce voyage en une échappée salvatrice. Ensemble, ils échangèrent des sourires timides et des regards complices, créant un lien sincère dans l'habitacle confiné. Finalement, la famille atteignit une gendarmerie, où ils décidèrent de déposer la jeune fille. Le père, après avoir expliqué la situation aux gendarmes, s'assura qu'elle serait en sécurité et pourrait bénéficier de l'aide nécessaire pour ce moment délicat. Mais ce jour-là, l’intervention de la jeune fille dans la vie du garçon épanouit sa puberté. À partir de ce moment, tel un acteur quittant les coulisses de l'enfance, il monta sur une nouvelle scène, prêt à jouer un rôle plus complexe. Il était prêt à affronter chaque scénario avec bravoure.

Tandis que Georges s'éveillait à une nouvelle réalité, les nouvelles tragiques de l'assassinat de Sharon Tate rappelaient que 1969 était aussi une année de contrastes saisissants. Les exploits côtoyaient les tragédies et chaque instant semblait chargé d'une intensité nouvelle. Pour la famille Roche, ces événements mondiaux résonnaient en écho aux transformations personnelles qu'ils vivaient, renforçant leur détermination à affronter les défis avec courage et à embrasser les changements avec espoir.

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