Chapitre 29 - L'escapade Maudite
Après leur discussion animée au Bibent, Georges au volant et Mathieu comme passager décidèrent de partir en escapade en voiture pour cambrioler une maison de campagne occupée uniquement le week-end par des bourgeois bohèmes. Cette vacance périodique était une opportunité offerte pour les amis. Sans propriétaire, il serait facile de subtiliser quelques bibelots afin de les revendre au marché aux puces de Saint-Sernin le dimanche matin. Ainsi, la cagnotte engrangée pallierait les débits bancaires récurrents des deux acolytes. Les deux hommes se dirigèrent donc vers la ville à toute vitesse, l’aiguille du compteur grimpant comme un cow-boy en plein rodéo. Le conducteur faisait attention à ne pas mettre son pied droit dans le trou du plancher, situé juste sous la pédale d’accélérateur. Il avait enlevé la capote de la 2 CV, profitant des conditions météorologiques prometteuses au départ de Toulouse. Mais, une demi-heure plus tard, la pluie commença à tomber dru.
— Seigneur Dieu, c’est un temps idéal pour avoir le toit ouvert, ironisa Mathieu en fronçant les sourcils, les pieds posés sur un grand sac noir.
— Certes, mais j’ai mis mon gros blouson. C’est une chance, répondit son ami de toujours avec un humour pince-sans-rire.
Dans l'habitacle, une atmosphère de tolérance et de respect mutuel enveloppait leur voyage. Le bruit du véhicule était si intense qu'on aurait dit qu'il allait perdre ses roues. En approchant de Rabastens, Georges tourna à droite, empruntant un chemin de campagne mélancolique menant à un château. Absorbé par sa boîte de vitesses manuelle, il manqua le panneau indicateur sur sa droite et ne réalisa son erreur qu'en s'engageant dans un champ cultivé. Obligé de faire demi-tour, il trouva une déviation et poursuivit sa route. Les trombes d’eau redoublaient de violence, transformant le paysage en une scène dramatique où les gouttes, tels des acteurs déchaînés, jouaient une tragédie aquatique sous les éclairs éclatants. Dans cette atmosphère diabolique, une scène digne des présages maléfiques de la littérature se produisit, bien qu'elle fût bien réelle. Soudain, la visibilité devint quasi nulle et une silhouette de chien émergea de nulle part. Ses yeux rouges brillaient dans l'obscurité. Pris de panique, le conducteur braqua brusquement pour l'éviter, provoquant un tête-à-queue spectaculaire. La voiture s'arrêta au milieu du chemin, les pneus crissant sur le bitume. Georges, le souffle coupé et les mains tremblantes, regarda autour de lui. Il n'y avait rien. Pas de trace de l'animal. Le cœur encore battant, il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui venait de se passer. Il jeta une interjection qui aurait fait pâlir sa mère.
— Putain de merde. Qu’est-ce que c’est que ce machin ?
— Quoi ? demanda le passager, assis à côté.
Celui-ci resta un moment figé par l'étrangeté de la situation. Il n'avait pas remarqué l'apparition. Il devinait la panique du conducteur. L’explication qu’il reçut le plongea dans une réflexion ardente. Maintenant, il se posait de nombreuses questions au sujet de son ami. Illusion due au déluge ? Fatigue du voyage ? Il tenta de rassurer en cherchant des mots apaisants. Mais, lui-même, il ne put s'empêcher de ressentir une légère inquiétude. Peut-être était-ce l'atmosphère oppressante et la solitude de la nuit qui jouaient sur ses nerfs. Mais, une chose était certaine : l'incident avait éveillé en lui une curiosité teintée de crainte. Malgré son scepticisme, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil nerveux par la fenêtre, pour se rendre compte du phénomène. Pas de réponse. Seul le bruit de la voiture qui redémarra interrompit son silence gêné. Georges, de son côté, se demanda s'il n'avait pas halluciné. Pourtant, la silhouette du molosse lui avait paru bien réelle. Il ne put s'empêcher de frissonner en repensant à ces orbes écarlates au regard pénétrant, tels des projecteurs démoniaques perçant l'obscurité. L’inconnu, comme une rivière tumultueuse, l'attirait vers des rivages dangereux où chaque rocher diabolique cachait une nouvelle surprise. Ils reprirent néanmoins la route. À mesure que les deux jeunes s'approchaient de la villa, une brume épaisse enveloppait la berline, rendant l'air lourd et oppressant. Ils ressentaient une étrange sensation de malaise, comme si une présence invisible les guettait. Les maisons, autrefois élégantes, paraissaient maintenant abandonnées, leurs fenêtres béantes laissant entrevoir des sombres intérieurs délabrés. Des ombres furtives semblaient se mouvoir derrière les rideaux déchirés, ajoutant à l'atmosphère de désolation. Les arbres, tordus et décharnés, paraissaient se pencher, comme pour observer. Le silence était seulement brisé par le bruit des gouttes de pluie frappant le sol et le clapotis des flaques d'eau sous les pneus. Chaque mètre parcouru renforçait leur impression d'entrer dans un lieu hors du temps, où le danger pouvait surgir à tout instant.
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