Chapitre 30 - Horreur Cachée

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L’objectif de Georges et de Mathieu se dressait à cinq cents mètres au nord d'un imposant pont suspendu traversant majestueusement le Tarn. Ils avaient reçu des informations confidentielles sur la résidence. Un correspondant avait résumé les failles dans la sécurité. Bien que la pluie ait cessé, l'atmosphère restait sombre et lourde, témoignant du caractère imprévisible du temps. Des flaques d'eau stagnante reflétaient les nuages menaçants, formant des miroirs troubles le long de la route. Avec précaution, la 2 CV se gara sur le bas-côté détrempé.

Les deux garçons récupérèrent un grand sac noir, dans un tintement métallique distinctif. Les pas résonnaient au milieu du silence pesant alors qu'ils avançaient d'une allure rapide. Ils se dirigèrent vers la porte d’entrée et frappèrent trois fois et attendirent une réaction. Une minute s'écoula, cependant aucun son ne vint troubler le calme environnant. Le bâtiment paraissait inoccupé. Les deux hommes contournèrent l’édifice. Ils virent une échelle sur le côté, laissée par les propriétaires pour leur plus grand malheur. Mathieu grimpa jusqu'au premier étage, en tenant toujours son énorme sacoche. Il regarda par les fenêtres et tenta en vain d'entrer, car elles étaient condamnées. Il redescendit et les garçons continuèrent leur tour de reconnaissance par l'arrière de la propriété. Au bout de quelques minutes, ils tombèrent sur une issue à l’abri des regards. Après avoir dégagé prestement de la besace noire un pied-de-biche, ils l’insérèrent entre le volet et la menuiserie. Quelques coups de droite à gauche et puis un grincement fort et sec, l’huisserie céda. Les cambrioleurs entrèrent et se retrouvèrent à l’intérieur d’une cuisine. Tout avait l’air calme. Il faisait sombre dans la pièce. Cette obscurité avait quelque chose d'à la fois dangereux et inconfortable. Ils allaient repartir lorsqu'un bruit de craquement se fit entendre à l’étage. Georges tenta un appel.

— Y a-t-il quelqu'un ?

Mais, seul l'écho vide lui répondit.

À l'aveuglette, il attrapa une lampe de poche de l’immense fourre-tout qu'il tenait contre lui.

Après plusieurs tergiversations, les jeunes hommes se décidèrent à monter lentement les escaliers et arrivèrent sur le palier du premier étage. Ensuite, ils suivirent le couloir, accrochant des objets, jusqu'à atteindre un passage entrouvert. Ils jetèrent un coup d’œil, puis ils pénétrèrent dans une salle. Ce qui les choqua d'abord, ce fut l'odeur pestilentielle qui les assaillit. Sur une paroi du fond, une grande armoire et une table en bois avec quelques chaises.

Sur le plateau, il y avait une lampe à huile et un livre ouvert parmi de frêles bibelots. Ils regardèrent autour d’eux et ne virent que du désordre. L’attention de Mathieu fut attirée par une énorme croix inversée attachée au mur. Il se signa à sa vue et cria.

— Seigneur Dieu ! Le signe du diable. Cet endroit est maudit.

— C'est incroyable ! Sens-tu cette horrible odeur ?

— Comment peut-on vivre dans une telle puanteur ? Cela ne paraît pas normal. Seigneur Dieu. Je ne sais pas, pourtant il y a quelqu'un ou quelque chose qui pourrit ici.

— Tu as raison. Je vais jeter un coup d'œil au-dessus.

— Va voir. Je patiente à ce niveau ! Cela pourrait être dangereux, je reste en bas, moi.

Maladroitement, Georges tâtonna de sa main gauche le mur et heurta un compteur électrique. Il enclencha le mécanisme. Une ampoule crachota un peu, quelques étincelles, puis s'alluma enfin. Le garçon gravit l’escalier et découvrit alors une salle de bain. Il posa sa sacoche sur le sol avec lenteur et saisit une lampe électrique.

Une odeur de mort inondant la pièce le frappa en premier. Puis, à la lumière électrique se reflétant sur les surfaces mouillées, les yeux du jeune homme s'écarquillèrent. Sur les murs était écrit le mot « CHIEN » en lettres majuscules, répété trois fois. Instinctivement, il posa sa main sur le rebord de la baignoire. Les carreaux étaient froids. Au fin fond de la cuvette, il vit une forme spongieuse. Georges se demandait ce que c'était. Il approcha la lampe, allongea le bras et sentit une substance molle et putride. Il ouvrit la bouche et une expression terrifiée s'afficha sur son visage. On aurait dit de la chair humaine. Avec horreur, c'était un cadavre. Celui d'un chien. Il ressemblait à celui qu'il avait failli écraser quelques minutes auparavant sur la route. Toutefois, ses globes oculaires étaient vides et sans âme. De longs filaments noirs sortaient de la gueule. À la place des yeux, des cavités jaunes semblaient fixer le garçon. Les pattes étaient coupées, le ventre corrompu de l'intérieur. Des morceaux de chair et d'os s’étaient disjoints de la carcasse et flottaient à la surface. Georges pensa :

— Bon sang, qu'est-ce qui se passe ici ? Cette atmosphère me glace le sang. Les murs paraissent vivants, comme s’ils avaient une vie propre. Et cette puanteur. Est-ce que je perds la tête ? Non, non, ressaisis-toi. Garde ton sang-froid. Tu dois garder ton calme, rester rationnel. Comment ignorer cette angoisse qui me ronge ?

Il n’appréhendait pas ce qui se passait, en revanche, il était sûr que cet endroit était néfaste. Il chancela un peu et faillit tomber. Il crut entendre des bruits de pas derrière lui. Ce n'était pas son ami. Celui-ci l'attendait en bas. Il était terrifié. Il se mit à accélérer, alors que le bruit se rapprochait de plus en plus. Il descendit précipitamment les marches de l’escalier quatre à quatre. À l’étage inférieur, le jeune homme se jeta sur son camarade et le poussa violemment vers le fond de l’espace. De concert, ils se mirent à courir. Soudain, sur la droite, les garçons virent une entrée. Ils l'ouvrirent de toute volée. Ils se déplacèrent en courant à l'intérieur et se trouvèrent au beau milieu d’une pièce où il y avait un canapé de couleur claire, une table et une chaise. Georges s'assit sur le divan usagé jusqu'à la corde et essaya de reprendre son souffle. Il tremblait. Il raconta à son ami ce qu’il avait vu à l’étage au-dessus. Son camarade lui dit :

— Ils ont dû travailler la pauvre bête le week-end dernier. Seigneur Dieu ! Ces gens sont dérangés. S’en prendre à des animaux, c’est sinistre. Il se signa trois fois.

— Cependant, il y a pire ! J'ai eu des hallucinations.

— Décris-les-moi.

— J'étais certain qu’une personne me suivait. Toutefois, lorsque je me retournais, il n'y avait personne.

— C'est juste ton imagination. Tu devrais essayer de te détendre maintenant.

— Je ne crois pas que cela me soit possible.

— Certes, moi comme toi, je ne me sens pas à l’aise.

— Nous ne devrions pas rester plus longtemps dans cette baraque.

— Nous devrions simplement partir au plus vite.

Les deux amis quittèrent la pièce et se dégagèrent de la maison. Dehors, ils ne rencontrèrent pas âme qui vive. Ils se regardèrent et se sentirent soulagés.

— Je suis heureux d’être sorti vivant, dit Georges.

— Oui, moi aussi. Déguerpissons d’ici.

— Je regrette d’être venu. Encore une fois, tu as eu une idée foireuse.

— Le cadavre du chien n’était pas prévu au programme.

— Ça, c’est sûr.

— Ni le fait de tomber sur des adeptes de satan, renchérit son copain d'une voix grognon.

— Prévenons-nous la police locale ?

— Tu plaisantes. Comment leur expliquer notre présence sur les lieux ? Ce serait signer notre arrêt de mort.

— Tu as raison. Partons.

Dans l'étreinte ténébreuse de la nuit, la pluie avait cessé. Les deux garçons, portant le poids d'une hâte pressante, quittèrent Rabastens. Alors les ombres des arbres s'étirèrent longuement sur le chemin de retour. Pas une parole ne fut échangée entre eux. Leurs pensées étaient scellées par le mutisme de l'inexprimé. Le silence protégeait leur trajet, comme une couverture sombre cachant les secrets de cette nuit troublante. Une expérience étrange et terrifiante avait été vécue, ses ombres obscures planant encore autour d'eux tel un spectre invisible. Le roulement chaotique de la 2 CV était empreint de la tension d'une aventure sombre. L’escapade avait débordé au-delà de l'abîme du sordide. Pendant que les roues grinçaient sur le goudron, Mathieu, enveloppé d’un voile de prières, récitait des psaumes sacrés. L’esprit perturbé et la voix rauque. Les mots se perdaient au milieu des échos de la nuit. Ils emportaient avec eux les supplications ferventes. Chaque signe de croix tracé dans l'air cherchait le réconfort d'une garantie divine. Jamais plus, lors des jours à venir, cette aventure ne serait évoquée entre les deux hommes. Les portes de la conversation restaient fermées, gardant jalousement les mémoires de cette nuit de terreur, un souvenir qui se fanerait lentement au cœur des méandres de leurs esprits tourmentés.

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