Chapitre 37 : Entre Mystères et Révélations
Dans les méandres temporels, quatre ans s’étaient écoulés depuis la rupture amoureuse entre Jessica et Alain. Cependant, seulement deux cycles lunaires avaient uni la jolie rousse et son nouvel amour Georges sous le même toit. Tout semblait parfaitement aller entre eux deux, malgré l'insondable secret qui auréolait la demoiselle. Quels mystères préservait-elle avec une opiniâtreté sauvage ?
Alors que le voile d’énigme paraissait s'épaissir autour d’elle, le garçon ressentait de plus en plus le besoin de s'éloigner un peu, ne serait-ce que pour un instant, de l'environnement familier devenu étouffant. Les moments d'absence de sa fiancée, bien que brefs, paraissaient peser lourdement sur lui. Le jeune homme ne pouvait pas s'empêcher de se demander quelles cachotteries elle gardait farouchement ou quelles blessures elle n'osait pas partager. Cette atmosphère chargée d'incertitude et de réflexions incessantes alimentait chez lui un désir ardent de changement, de se retrouver dans un cadre plus dynamique et vivifiant.
Lorsque l'occasion se présenta, Georges décida de saisir l'opportunité et de s'échapper vers un endroit envoûtant, vibrant de vie et de joie, un refuge loin des souvenirs douloureux et des questionnements lancinants. Ainsi, avec une impulsion improbable il proposa à Jessica une escapade vers Cadaqués, une station balnéaire proche de Figueras qu’il connaissait bien. C’était dans son esprit, un havre de paix où les murmures de la mer se mêlaient aux rires enjoués, un sanctuaire où les horizons infinis invitaient à l'évasion et à la renaissance. Un paradis terrestre où les intrigues du passé se dissipaient dans la lumière éblouissante du présent.
Le lieu était réputé pour son ambiance vivante et sa beauté naturelle. Pour le garçon, cet endroit garantissait une échappatoire bienvenue, à l'écart des anciennes réminiscences et des interrogations qui pesaient sur son mental. Et pour la jeune fille, c'était une occasion de se laisser emporter par la magie de nouveaux horizons, à distance des mystères et des tourments qui semblaient la hanter.
Lorsqu’ils furent arrivés sur place, Georges s’effondra sur une chaise, son corps lâche comme celui d’une marionnette dont on aurait coupé les fils. La fête battait son plein. Il s’assit à côté d’un vieux hippie qui s’adressa à lui.
— Tu as repéré que les bouteilles de tequila sont à profusion.
— Prêtes à être vidées. Les verres scintillent sous les éclats des spots. Ils illuminent l'atmosphère de leur lueur étincelante.
— As-tu vu que dans ce coin, de charmantes lesbiennes échangent des baisers tendres ? remarqua le beatnik en faisant un geste du menton.
Après avoir jeté un regard aux deux homosexuelles tendrement enlacées, Georges interpella le barman d’une voix rauque :
— Une Margarita, s’il vous plaît !
On lui apporta. Mais, le cocktail lui parut suspect, dépourvu de la glace concassée habituelle. Il pointa du doigt cette anomalie au garçon qui répondit par un haussement d’épaules indifférent, presque provocateur. Dans l’atmosphère chargée de plaisir du bar, ce détail insignifiant prit soudain l’allure d’un indice à ne pas négliger. Au même moment où le DJ a quitté la salle, un groupe de musique est arrivé sur une scène. Il a joué « Shake your Bouty » de KC and the Sunshine.[Shake Your Bouty, Kc and the Sunshine Band-1976]
— Ce n’est pas la version originale, balança le baba cool, elle a été modifiée et amplifiée.
Ensuite, le marginal a haussé les yeux. Georges s'est levé. Il a tracé son chemin dans un ballet fluide, comme un navigateur sur les vagues de la musique. Soudain, pareil à un phare éclairant l'obscurité, il s'est retourné pour découvrir que le guitariste était en réalité une femme. Elle était parée d'une chemise à carreaux rouges et noirs, à la manière d’un drapeau secoué par le vent de la liberté. Son sourire rayonnait semblable à un soleil vibrant d'une fierté innée et ses doigts sur les cordes de son instrument dansaient telles des étoiles filantes dans le ciel nocturne. Inspiré par cette révélation, tout le monde a commencé à remuer les hanches et à agiter les bras, emporté par le tourbillon de la musique. Alors, la femme a entamé un solo à la guitare, créant une symphonie envoûtante qui semblait emplir l'espace de la salle. Puis, le groupe disparut et le DJ revint aux manettes. Les notes stridentes de Kiss envahirent la piste de danse : un rappel de l'énergie brute et indomptable de l'Amérique. Georges se rassit. Il n'était pas friand de ce groupe. Tandis qu'il cherchait une échappatoire à cette cacophonie, le hippie, visage buriné par les vents de l'ouest, lui proposa de partager un peu d’herbe. Le garçon, toujours en quête de nouveaux horizons, accepta, plongeant de nouveau la tête la première dans le torrent de la décadence.
Ensuite tel un fugitif s'éclipsant dans l'obscurité, le beatnik s'excusa et s'enfonça dans les profondeurs des toilettes. Georges, saisi par l'opportunité offerte, déroba furtivement quelques cigarettes du paquet abandonné par le clochard. C’étaient par chance des Boule d'Or. Le baba revint s'asseoir, une bouteille de tequila à la main, ses yeux rougis par l’alcool. Les manches de sa chemise relevées faisaient apparaître un tatouage majestueux, tracé en lettres capitales: « Peace and love. »
— Que fais-tu dans la vie ? interrogea Georges, curieux, tandis que le hippie se laissait emporter par le flot de la conversation.
Le marginal entama alors son récit, décrivant ses activités de commerce automobile, achetant des véhicules à prix modique en France pour les transporter jusqu'aux confins brûlants du Sahara, où il les revendait avec profit. Georges, subjugué par l'évocation de contrées lointaines, tenta de sonder les secrets de l'Afrique et demanda :
— C'est beau, l'Afrique ?
Le hippie, dans un ton nuancé, parla des splendeurs du Niger, mais réserva un jugement plus mitigé au Sénégal. Sans que Georges ne s'aventure à le questionner davantage sur ce point. Le jeune homme, intrigué, interrogea :
— Qu'est-ce qui rend le Niger si agréable ?
— Les femmes sont superbes, je suis nostalgique.
— Physiquement ?
— Oui, oui ! confirma le baba cool avec un sourire en coin. Puis, dans un sursaut de conscience, il hésita, laissant planer le doute sur ses mots.
— Un jour, j'ai rencontré une fille dans un village, une Djerma. Elle avait un passé intrigant, lié à Hamana Diori. Nous avons partagé des moments intenses, mais...
— Mais, quoi ? pressa Georges, avide de vérité.
Le marginal, confronté à ses propres souvenirs et peut-être à ses regrets, opta pour le silence.
— Oublie ce que j'ai dit, brother, lança-t-il finalement, rompant le fil de la discussion dans un halo d’énigme.
Ainsi, le hippie laissait planer un voile de conjectures sur ses paroles, révélant par bribes un bon vieux temps obscur et troublant. Ensuite, un peu défoncé, passant du coq à l’âne, il notifia au jeune homme, en montrant les lumières qui clignotaient autour de la piste de danse :
— Tu ne perçois pas les étoiles qui papillonnent ? Les portes de la dimension magique sont ouvertes, je peux entrer et rencontrer d'incroyables créatures et expérimenter des aventures fantastiques.
Il se leva et se dirigea vers les toilettes pour y vomir. Georges s'était redressé sur sa chaise, laissant ses yeux errer vers l'étendue éclairée de l’espace. Sans prévenir, Jessica s'avança vers lui d'un pas lent, mais déterminé. Avec une poigne ferme, elle l'attrapa par le bras et le guida hors du dancing. Le garçon était ravi de quitter les lumières et l'atmosphère électrique. Ils traversèrent un jardinet bondé de vacanciers qui se déhanchaient et se balançaient en rythme sur la musique. Ils passèrent par la sortie barrée par des chevelus qui bavardaient et buvaient de l'alcool en riant et en plaisantant. Des serveurs déambulaient au milieu d'eux portant des boissons et des amuse-gueules. Georges et Jessica quittèrent le lieu et firent quelques pas à l'extérieur. Ils posèrent leurs pieds nus et bronzés sur la plage de sable fin et regardèrent la mer de couleur bleu-vert. D'abord, timide et confus, le jeune homme se mit à parler. Il raconta les soucis qu'il se faisait à son sujet. Sa fiancée écoutait attentivement et elle expliqua en retour qu’elle passait un moment difficile. Elle essaierait de se sortir de cette situation et chercherait à retrouver sa plénitude pour reprendre le contrôle de sa vie. Le garçon le comprit et retourna sur la piste de danse.
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