Chapitre 39 : Des baskets qui font Briller une Mercedes

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Georges et Jessica avaient décidé de venir applaudir Léo Masset qui allait se produire le soir même à Toulouse. C’est pour cette raison qu’ils avaient fait diligence pour rentrer à la Ville Rose le plus tôt possible. Ils s’étaient restaurés et se rendirent au jardin public jouxtant le concert. Ils sentirent que l’espace était vibrant d’émotion. Entre leurs conversations passionnées, une incise poétique de Léo Masset résonna dans l’air.

— Et les rêves s'évanouissent dans le vent. Oh ! Les cris des bourgeois des villes ont des intonations de traîtres.

Le garçon dit soudain :

— Vois, chaque feuille des arbres porte en elle une note de musique.

— Mais, sous cette excitation, un sentiment de rébellion latente imprègne l'atmosphère.

— L’air ambiant est un réceptacle des murmures des opprimés.

Tandis que le couple discutait, un groupe de militants politiques se rassembla non loin d'eux. Ils portaient des pancartes peintes à la main avec des slogans tels que « Liberté et égalité pour tous » et « La musique est notre arme ». Ils discutaient à voix haute, partageant des idées sur la façon dont ils pouvaient faire entendre leurs propos. Ils s’approchèrent de Georges et de Jessica et posèrent leurs panneaux. Certains sirotaient du café dans des gobelets en carton, tandis que d'autres feuilletaient des brochures politiques. Un jeune manifestant au visage déterminé, qui parut être le chef, dit :

— Bon, camarades, le concert va bientôt commencer. C’est un bon moyen de faire connaître notre cause.

Un étudiant à lunettes inexpérimenté, son esprit bourdonnant telle une ruche, cria :

— Dirigeons-nous vers la salle de concert en chantant des slogans. Distribuons les tracts que j’ai apportés. Ils sont dans ma sacoche.

— Bien sûr, mais ne soyons pas agressifs. N'oublions pas que nous sommes des pacifistes. Nous ne provoquerons pas la police, dit le chef.

— D'accord, donc une marche non-violente avec nos écriteaux.

— Exactement ! Ensemble, portons notre engagement dans le calme.

— Enfin, qu'attendons-nous ? Allons-y et montrons au monde que nous allons lutter pour un meilleur avenir !

Les activistes se levèrent avec détermination, saisissant leurs panneaux et leurs tracts. Ils rejoignirent la foule qui s'amalgamait aux guichets pour acheter des billets. Georges et Jessica n’avaient pas suivi le mouvement. Ils étaient assis sur un banc en attendant patiemment. Le concert ne commencerait que dans une demi-heure. Alors qu’ils devisaient joyeusement, s’arrêta près d’eux, une Mercedes-Benz 450 SEL 6.9. Son allure imposante reflétait la puissance et la richesse. Le garçon, les sourcils froncés, la pointa du doigt. Il avait un mélange de dédain et de fascination.

— Regarde, un carrosse de capitaliste. Peut-être qu’il se gare ici pour ne pas provoquer une émeute devant la salle de concert ?

— C’est probable. Ce serait de la provocation, il respire l’opulence.

— En connais-tu le prix ?

La jolie rousse secoua la tête de droite à gauche.

— Non, aucune idée, je l’ignore.

Le garçon sourit, révélant une pointe de malice.

— Cent cinquante mille francs, annonça-t-il fièrement.

— Qui est à l’intérieur ?

— Regarde, la portière arrière s’ouvre, on va le savoir.

— C’est un moment digne d’un roman à suspense.

— Oh ! Deux pieds chaussés de bottines.

— Probablement qu’ils sont magiques, j’attends de voir qui en est le propriétaire, dit en riant la fille.

Elle ajouta :

— À bas le capitalisme.

En effet, apparurent deux pieds, comme s’ils avaient été parachutés d’une autre dimension. Le reste du corps était masqué à la vision de Georges et de Jessica par la portière à vitre teintée qui faisait œuvre de paravent. Ceux-ci s’attendaient à voir s’extraire de l’habitacle un magnat de la finance en costume trois-pièces.

C’est alors que deux doigts manucurés dépassèrent du bas de la portière et commencèrent à défaire les bottines. Ensuite, les souliers furent remplacés par deux baskets usagées et sales. Le contraste était saisissant : le luxe cédait la place à la simplicité, l’opulence à la misère. Enfin, le mystérieux homme se déplia et on put voir qui était le mystérieux personnage. Stupeur, c’était Léo Masset, le chanteur anarchiste. Il frotta ses cheveux pour les mettre en bataille et froissa sa chemise. Enfin, il se pencha pour récupérer sa guitare posée sur le siège passager. Ses yeux croisèrent ceux du couple. Ceux-ci étaient autant stupéfiés que déçus. Sans un mot, Léo Masset s’éloigna de l’automobile à pied. Son souhait était d’arriver au concert avec l’humilité d’un simple saltimbanque, musicien de rue. Ainsi, derrière des paroles engagées et une image de révolte, se cachait une réalité bien différente. Bien qu'il prônât la simplicité dans ses chansons, il vivait en réalité dans un agréable confort. Alors, le chanteur anarchiste arriva d’un pas tranquille à la salle de concert. Là, une foule en liesse qui ne l’avait pas vu descendre du véhicule, l’accueillit au cri de :

— Voici Léo Masset ! L’artiste populaire ! La star qui arrive à pied et en baskets ! Il est des nôtres. Hourra !

Le groupe d’activistes le prit et le porta en triomphe sur leurs épaules jusqu’à la scène. Cette joie contrastait avec la tristesse de Georges et de Jessica. Mais, de leur côté, les deux amoureux déçus prirent ce jour-là une leçon. Parfois, il ne faut pas se fier à ce que l’on voit et que la réalité des choses est souvent cachée dans l’ombre d’une portière de Mercedes.

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Et vous ? Avez-vous déjà eu le sentiment qu’un artiste vous mentait sans le vouloir ?

Qu’auriez-vous fait à la place de Georges ?

Vos avis m’intéressent.

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