Un petit susucre?
– C’est trop injuste !
Kali et Méro, le nez collé contre la vitrine de la sucrerie « À la Bonne Bonnière » se lamentaient. Comme chaque jour depuis la rentrée scolaire. Leur lycée se trouvait plus loin, au fond de l’impasse Tag Ada, et le chemin qu’ils empruntaient à pied pour s’y rendre, longeait l’échoppe. Un calvaire, tel pouvait se décrire la perception ressentie par nos deux adolescents pubères. S’échappant par un conduit de ventilation, le fumet sucré régalait leurs narines et leurs papilles, mais les pauvres bougres, fauchés, n’avaient jamais pu se délecter des réglisses, nougats et autres caramels. Un jour, oui un jour, ils franchiraient le seuil et dévaliseraient l’établissement. L’orgie ne prendrait fin qu’au moment où ils ingurgiteraient le dernier croco goût fraise ou l’ultime Dragibus. Pas avant. Leur estomac était prêt, et si la promesse datait de plusieurs semaines, ne manquait que l’argent afin de la tenir. Là était le problème, car le peu d’euro qu’ils percevaient de leurs parents, servaient à gonfler une collection unique. Peu de gens de leur âge pouvaient se targuer d’en avoir autant et de toutes sortes. Des rouges, des noirs, des roses striés, des flexibles, des durs, toute une panoplie de préservatifs remplissait les tiroirs des meubles de leur chambre. Ces gars, malgré leur gourmandise, avaient le sens des priorités. C’était à se demander si l’attirance qu’exerçait le magasin provenait des bonbons ou d’autre chose.
À l’intérieur, la vendeuse les regardait lécher la vitre de son magasin, pas un jour elle ne ratait leur passage. C’est que ces deux jeunes dégoulinaient de charme. Le plus grand, le plus poilu aussi, l’émoustillait. Elle l’imaginait en sucre d’orge, alors que son copain, déguisé en marshmallow, lui servait de trampoline pour l’envoyer au septième ciel. Elle guettait leur arrivée, se plaçait derrière la vitrine puis se pâmait lorsqu’ils bavaient. L’opulence de sa poitrine, ses cuisses fermes, ses fesses rebondies, débordaient de son tutu vert, mais, pensait-elle, les deux idiots n’avaient d’yeux que pour les pastilles Vichy. Quand se décideraient-ils à entrer, à sortir, à entrer ? Peut-être jamais, cela la désolait. Aussi eut-elle l’idée d’un jeu concours. Truqué bien sûr, rien n’arrêtait madame Destine, un nom voué à la magie qu’elle pratiquait assidûment. Miss Laklan, de son prénom, organisa donc le divertissement et le fit savoir en apposant une affiche sur la devanture. Le jeu, très simple, consistait à fouiller un bocal de boules de chewing-gum afin de trouver un bonbon Zizi. À la clé, le ou les vainqueurs se verraient attribuer tout un lot de sucettes à l’anis.
Bien sûr, nos deux acolytes participèrent, pour une fois qu’ils pouvaient franchir le seuil de La Bonne Bonnière et se rincer l’œil, ils n’allaient pas s’en priver. Nombre de clients tentèrent leur chance avant eux, aucun ne trouva le sésame, puis vint leur tour. Melle Destine, par un tour de passe-passe dont elle avait le secret, fit apparaître au-dessus des boules de gommes deux Zizis. Kali et Méro se regardèrent, un étrange sourire en forme de Banan’s étira leurs lèvres. Ensemble, ils plongèrent une main dans le pot et ressortirent le bonbon en forme de sexe entre leurs doigts.
Le magasin vidé de ses clients, Kali et Méro, transformés en mâles à barre se jetèrent sur Destine qui n’en demandait pas tant. Ce qui se passa ensuite n’est pas à mettre entre toutes les esgourdes. Sachez seulement que les Mistral Gagnants sifflèrent, que les Carambars fondirent, que les Coco Boers s’émulsionnèrent, que les Roudoudous coupèrent les lèvres et continuèrent à leur niquer les dents.

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