Ouèch, madame ! Ch’uis un muffin ! »

Je me prends une claque. Visiblement, le côté « bad boy » n’est pas une bonne manière d’aborder les macarons. C’est dommage, elle était jolie. Enfin bref, j’en trouverai d’autres. Ce ne doivent pas être les amourettes qui manquent sur ce comptoir à la propreté un peu douteuse. Il ne sera pas dit que moi, Robert, muffin encore chaud des flammes de la création, finirai ma vie en miettes sans entrainer avec moi un cœur attendri dans la tombe !

Enfin, je l’espère. Je ne sais pas trop où je suis ni pourquoi je suis là. Il fait plutôt sombre. C’est dommage ! On ne verra pas mes jolies couleurs. Attendez, quoi ! J’ai mis des heures à m’apprêter dans cette chaleur divine afin d’être présentable, et j’apprends que tout ceci n’a servi à rien ? C’est injuste ! La vie ne me convient pas. Je veux trouver une petite copine !

J’ai une soudaine envie de brownie. Je sais que malgré les évolutions de la société dont on parlait déjà dans le pot de pâte, ce genre d’amour n’est pas très bien vu, surtout par les conservateurs. Et pourtant, j’ai envie de brownie. Quoique non. J’ai juste envie de courir. Je cours.

Bing !

Je me prends une brioche qui stationnait là. J’ai un peu mal à la tête, mais ça va. A présent, je sais que je peux voler. Je suis certain que je suis assez léger pour fendre la gente des airs. Après tout, ne suis-je pas fait de crème allégée ? Je bondis du comptoir, mais une main me retient. Elle me tire alors sur le bois craspec. Je fais de grands gestes par terre en m’agitant en tous sens. Il faut que je danse la Macarena ! Je m’éclate trop ici !

« Dis donc, toi ! Je sais pas c’que t’as fumé, mais tu m’as l’air de sacrément planer. »

C’est une vieille éclair au chocolat qui m’a empêché de réaliser mon rêve. Pourquoi ? Surtout qu’elle a dit que je planais ! C’est injuste ! Je n’ai plus envie de danser. Je boude.

« Fais gaffe, le marmot ! En bas, c’est pas un endroit pour les pâtisseries… »

Elle s’éloigne en boitant. Son nappage de café s’est effrité et il en manque des morceaux. Soudain, j’aperçois des confrères. You hou ! Les poteaux ! Vous me voyez ? Je vais voir ma nouvelle famille ! Youppie ! Je m’emmêle les pieds et tombe à la renverse. Je fais quelques galipettes, puis atteint enfin le groupe de muffins. Je vois une très belle demoiselle admirablement bien maquillée. Peut-être un peu trop, en fait. C’est bizarre comme tout est soudainement coloré, ici. En fait, je ne me sens plus très bien. J’ai envie de vomir. Je n’arrive plus à me tenir debout.

Je me mets à rire comme un débile. C’est trop cool, la vie ! Ça serait peut-être mieux s’il n’y avait pas toutes ces licornes aux fruits qui volètent dans l’océan. Par contre, j’adore l’arc-en-ciel qui sort de ma bouche. Ca fait une drôle de flaque sur le sol. Oulla ! Tout se déforme. Vous voulez-vous battre, peut-être ? Et puis c’est quoi, ces deux boudins qui m’attrapent ? Lâchez-moi, bande de patapoufs mal dégrossis ! Je vais vous apprendre comment un muffin, ça se défend.

En m’envolant soudain, je vois un grand carré en papier devant mes congénères. Il y a un joli dessein dessus. C’est comme une feuille de marronnier, à cinq branches. C’est trop beau ! De l’autre côté, je vois une grande grotte rouge bordée de trucs jaunâtres. Hey ! C’est super, mec ! J’adore être un muffin ! En plus, c’est tout chaud, ici. Bon, c’est un peu tout noir, là, mais je suis po-sé ! Adios, les loosers !