Chapitre 2 (PDV Sàngó)

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La salle se vide des derniers occupants et voilà que nous restons assis à quatre au milieu de cet auditoire. Soudainement les gardiens des portes s’illuminent dans des couleurs différentes. La substance dont ils sont faits se fait de plus en plus tenue. La plate-forme sur laquelle nous sommes installé se détache et commence à léviter.

— Que se passe-t-il ? demande Eve d’une voix tremblante.

— La tour restructure et nous transporte dans le labyrinthe élémentaire, rassura Quentin.

Les animaux s’animent et commencent à tourner dans des mouvements sphériques au tour de l’adyton. La salle entière se restructure : les portes, les gradins, les couloirs, les murs, les escaliers, … se remodèlent. Nous voilà au milieu d’une sphère architecturale. Les douze animaux se rapprochent de la plate-forme et la touchent. En repartant vers les portes, ils laissent derrière eux des passerelles et escaliers qui nous relient à elle. Les avatars rentrent dans les portails qui deviennent des couloirs.

— Tout ça c’est bien joli, mais cela ne nous dit pas comment nous rendre au cœur de la tour, remarquai-je.

— Toutes les voies mènent à Tritione, mais elles ne sont pas toutes praticables par tout le monde, expliqua-Quentin.

— Cela veut dire que nous allons devoir nous séparer ? gémit-Eve.

— Commençons par chercher un chemin commun à tous, proposa-Indra.

— Il y a bien un chemin ouvert à tous, mais c’est également le plus compliqué à pratiquer, confirma-Quentin.

— Qu’attendons-nous pour y aller ? m’impatientai-je.

— C’est facile, il suffit à chacun de nous de compter le nombre de portes ouvertes. J’en vois douze, dit-Quentin.

— Seulement cinq, ajouta-Eve.

— Neuf, dit-Indra.

Je regarde les différents passages, mais ne distingue aucune ouverture. J’en désespère. Où que je regarde, des murs barrent le passage. Je tourne la tête vers la dernière porte, qui elle est ouverte.

— Je n’en vois seulement une, avouai-je.

— Parfait ! Laquelle ? s’enthousiasma-Quentin.

— Celle-là, désignai-je en montrant une voie au bout d’un escalier en colimaçon.

— Elle est fermée pour moi, objecta-Indra.

— Pour moi aussi, ajouta-Eve.

— C’est plus simple de s’ouvrir à de nouvelles voies quand plusieurs nous sont ouvertes, que quand on est limité à une. Le chemin que nous montre Sángô est celui de la connaissance. Il suffit pour ouvrir la porte de prendre une bouchée du fruit de l’arbre de la connaissance, expliqua-Quentin.

Quentin s’avance sur l’escalier en colimaçon et nous invite à le suivre. Je l’y suis, mais Indra et Eve ne semblent pas comprendre comment nous rejoindre. L’axe centrale de l’escalier est un tronc. En plus des marches, il porte aussi des branches avec des feuilles, des fleurs et des grenades. Notre guide tend le bras et cueille un fruit mur. Il épluche le fruit, redescend les marches et nous en propose. Eve prend quelques grains et les mets en bouche. Je devine qu’elle les savoure. Il m’en propose et j’en mange quelques-uns par politesse. Je trouve que ce fruit à un goût fade. Quentin se tourne vers Indra.

— Je suis en période de jeune, objecta-Indra.

— Il ne suffit que d’un grain, insista-Quentin.

— Vraiment délicieux et j’ai vu un escalier se former au tour du grenadier, dit-Eve.

D’un air contrarié Indra prend un grain et avale. A son tour Quentin prends plusieurs grains et les picore, un à un. Nous nous engageons sur l’escalier et allons vers le chemin du savoir. Soudainement les marches de l’escalier se mettent à tourner au tour de l’axe et à monter vers le portail. Je rattrape Eve qui manque de justesse de tomber. Indra reste impassible sans sourciller et Quentin semble surexcité. Les marches s’imbriquent les unes dans les autres et reforment un sol.

— Merci, m’adressa Eve en rougissant.

— De rien, répliquai-je en lâchant son bras.

— Nous voici dans le labyrinthe élémentaire, fit Quentin.

Le labyrinthe est un immense espace lumineux formé de piliers qui délimitent des cubes.

— Je ne vois pas en quoi c’est un labyrinthe, remarquai-je.

— Ne vous méprenez pas ! Sa structure semble simple et prévisible, mais en le parcourant on peut sacrément s’y perdre. Chaque cube a six faces. Quand nous sommes dans un cube, nous savons que la face qui est à nos pieds est celle par laquelle nous sommes entrés. C’est aussi la face par laquelle nous pouvons quitter la Tournaisscience. Celle-ci est différente de la face d’où nous venons ou autrement dit celle par laquelle on peut rebrousser chemin. Il y a une face cul-de-sac, qui quand nous essayons de la franchir, fait se refermer trois voies restantes. Une face pour se rapprocher d’un cube de notre objectif. Les deux dernières faces nous télé-portent, l’une plus prêt et l’autre plus loin de notre but, commenta-Quentin.

— Comment pouvons-nous nous y diriger ? demanda-Eve.

— Chaque cube symbolise un concept, qu’on peut définir avec les six notions qui le touchent. Ici, nous sommes dans le cube du « grain de grenade ». Il nous suffit de trouver la face qui a le plus de rapport avec le cœur de la tour, dit-Quentin.

— Pourquoi le nome t’on élémentaire ? questionna-Eve.

— Pour savoir cela, il faut observer les piliers différemment, répondit-Quentin.

Je regarde les piliers. A première vue, ce sont des colonnes solides blanches. Mon œil cybernétique détecte cependant quelque chose de bizarre. Sa vitesse de détection s’accélère. Je vois qu’elles commencent à scintiller comme si un flux énergétique les traversait. Je fixe mon attention sur une colonne. Mon œil se focalise sur les colonnes qui ont l’air d’être formées de filaments ondulants et bariolés.

— Je vois, commençai-je.

Je m’interromps immédiatement, car je vois que leurs attentions sont également focalisées par les piliers. Seulement ce n’est pas avec les yeux qu’ils observent. Indra touche un pilier avec sa main droite en fermant les yeux. Il a une mine paisiblement placide. Eve quant à elle, a posé son oreille gauche sur une colonne et semble émerveillée par ce quelle entends. Je me refocalise sur ce que j’observais. J’y tends la main et ne ressens rien d’autre qu’une surface dure, lisse et froide. J’approche mon oreille et la pose également, mais n’entends rien d’autre qu’un silence retentissant. J’entends un ricanement. En me retournant, je vois Quentin s’esclaffer en me regardant.

— Malheureusement, les secrets de ce dédale, souvent ne se révèlent qu’a un seul sens, sourit-il en voyant s’assombrir ma mine.

— Quel sens utilises-tu ? lui demandai-je.

— Qu’un unique sens? Je peux pourtant entendre le labyrinthe, mais aussi sentir ses odeurs, nous interrompit-Eve.

— Ce que moi je ne comprends pas, c’est comment nous allons arriver à trouver notre chemin, dit-Indra.

Mon attention est attirée à nouveau par les colonnes. Les filaments qui ondulent forment des mots : Punica granatum, grenade, arme, Perséphone, enfer, germer, arbre, eau, grenat, rouge, cœur, … Mon œil se focalise sur le mot cœur et délimite la fibre qui forme ce mot. Le fil rouge trace un chemin à travers les cubes.

— J’aperçois un chemin guidé par un fil qui mène au cœur, dis-je.

— Parfait, par où devons-nous aller, s’enthousiasma-Eve.

Les autres opinent du chef. Je regarde la ligne du cœur et la voit en surbrillance passer de cube en cube. Je m’avance dans la surface dans laquelle je vois le filament disparaître. Je me sens aspiré dans un tourbillon couleur grenat. Des disques rouges m’entourent. Le canal dans lequel je me déplace se ramifie et deviens de plus en plus étroit. La vitesse se ralentie. Mon corps frôle les cloisons. Quelle idée de m’être lancé dans cette aventure ! Bientôt je serai coincé ! Comment arriverai-je à satisfaire père ? « Le garçon ne peut en aucun cas achever la mission qui lui a été confié » me disait-il. Père était certain que ce garçon serait choisi par sa directrice. Je ne voyais pas en quoi ce garçon pouvait représenter un danger. Pourtant, j’aurai dû me méfier plus, car je suis sur son terrain ici. Le courant faible m’attire dans une ramification qui me parait impénétrable. Les parois m’enveloppent. Me voilà, perdu ! Mon corps se liquéfie et se fait au canal qui me contiens. J’y avance lentement et me sens oppressé de toutes parts. Soudainement ma tête se sent moins serrée, s’ensuivent mes épaules, mes bras et le reste de mon corps. J’avance lentement dans un vaisseau qui s’élargit au fur et à mesure de ma progression. Les moments d’avancées considérables sont entrecoupés de manière rythmique par de brusques arrêts. Un instant plus tard le flot reprends son parcours. Tout à coup je me sens tomber dans le vide.

Étrangement, j’ai la sensation que les forces s’inversent et de m’élever. Je franchis une membrane et me retrouve dans un cube. Quelques secondes plus tard Eve me rejoins. La tenue de la jeune femme a changé. Elle porte une tenue plus confortable consistant en un haut et pantalon qui mettent en valeur sa silhouette. Je vois le tissu frémir. En fessant le point sur ses habits, grâce à mon œil bionique, j’observe les fibres avec lesquels ils sont tissés. Ce sont des végétaux vivants qui s’entrelacent et modèlent de manière dynamique le vêtement. Leurs enchevêtrements changent précipitamment pour masquer les galbes du corps de la princesse. Elle rougit en me voyant la regarder.

—Excusez-moi, je ne voulais pas vous mettre mal-à-l’aise. J’observais le prodige qu’est votre tenue, bredouillais-je.

— Je n’ai pas l’habitude qu’on me regarde ainsi, dit-elle d’un air tracassé.

— Comment expliquez-vous-ça ? demandais-je.

— De quoi parlez-vous ? m’interrogea-t-elle.

— C’est-à-dire que je ne conçois pas que vôtre admirable beauté ne suscite que peu d’intérêt, remarquais-je.

— La compagnie des hommes m’est étrangère, répondit-elle.

Quel abrutit je fais, bien sûr elle vient de Gé. Le pays le plus méridionale de notre continent. Là où les hommes ne sont pas les bienvenus, d’où ils sont chassés, voir pire, …

—Alors, cela a dû vous faire un choc, d’être en mission avec trois hommes, signalais-je.

— Jusqu’à présent je n’ai été importunée que par un seul d’entre eux, insinua-t-elle.

— Je vous comprends. Ce Quentin est prétentieux, fis-je.

— Vous n’avez rien compris ! se fâcha-t-elle en se détournant.

A cet instant Indra se matérialise dans le cube. La belle boude dans sans coin. Qu’est-ce qui lui prends ? Je fais tout pour la mettre à l’aise et pourtant je me prend un râteau.

— J’arrive à un mauvais moment ? s’inquiéta-Indra.

— Non, je dirais plutôt que vous tombez à pique, fit-Eve.

Mieux vaut me tenir à carreau pour le moment. Où est le garçon ?

— Je ne vois pas Quentin, se préoccupe également Eve.

— Pourtant il est parti avant moi, ajouta Indra.

Peut-être nous a-t-il fait nous engouffrer dans un piège et peut-il sans encombre remplir sa mission. A cet instant le garçon apparaît dans le cube. Sa tenue a changé pour un habit constitué d’un pantalon azur, d’une chemise ciel et un manteau azur avec des broderies scintillantes bleu nuit. Je remarque que ses yeux ont changé de couleurs et son désormais vert pomme.

— En tout cas, nous ne sommes toujours pas dans le cœur de la tour, remarquai-je.

— Vous êtes sur ? dit Quentin en s’avançant vers une paroi.

Il met sa main sur la paroi et une double porte de verre se matérialise. En tournant la poignée, la porte s’ouvre sur une immense bibliothèque blanche. Un couloir incommensurable devant nous donne sur d’autre couloirs de taille égales. Des escaliers mènent à des plateformes qui passent entre les étagères. Partout des livres sur tous les sujets possibles et concevables. Grace, à mon œil j’arrive à voir la signification de certains livres écrits en d’autres langues ou avec d’autres symboles. Cependant 70% des lectures disponibles sont pour moi incompréhensibles.

— La bibliothèque est donc le cœur, affirma Eve.

— Un des cœurs, corrigea Quentin.

— Comment ça un des cœurs ! m’agaçai-je.

— Ceci est le cœur physique de la tour. Là, ou toutes les connaissances de l’univers sont réunies. A ma connaissance il y a plusieurs cœurs, mais je n’en connais pas le nombre, exposa-Quentin.

— Cet endroit est un véritable dédale. Comment nous y retrouver ? s’inquiéta-Eve.

— Il faut pour cela trouver l’endroit où la sémantique et la syntaxe résonnent ensemble, dit-Quentin énigmatiquement.

— Comment cella, elles raisonnent ? Vous voulez dire qu’elles discutent ensemble ? interrogea-Indra.

— On peut le voir comme ça, en tout cas une discussion cela résonne. Même si ce lieu est paisiblement silencieux, quelqu’un à l’ouïe fine pourrait entendre ce débat, conclu-Quentin.

—Attendez, taisez-vous. Je crois entendre quelque chose au loin. Suiviez-moi ! dit Eve.

Nous nous regardons les uns les autres et nous décidons de la suivre. La marche est longue, mais notre guide semble savoir exactement où aller. Nous passons devant des chefs-d'oeuvre littéraires de toutes sortes. Voilà, une section qui s’appelle « université ». Eve avance sans cligner de l’œil. Puis il y a une division nommé « humanité ». Là, encore elle continue d’avancer sans broncher.

— Eve, êtes-vous convaincue que nous allons dans la bonne direction ? fis-je.

Elle ne se donne même pas la peine de m’écouter et mes deux autres compagnons semblent aussi ne pas prêter attention à ce que je dis. Nous continuons donc et passons devant le segment « élémentaire ». Voilà, un endroit où en aucun cas je veux retourner. Nous continuons notre périple à travers les étagères. Finalement Eve s’arrête devant une division nommée « école maternelle ». La dénomination est mise en grandes lettres sur une arche arc-en-ciel. A l’arrêt de nos pas, j’entends qu’il en sort un certain grabuge.

— Allons-voir, proposa Eve.

Nous nous avançons dans une classe où se trouvent une vielle dame et une fillette qui a au maximum 3 ans.

— Quand vas-tu cesser de mettre le désordre, fit la vieille.

L’enfant tenait en main un livre dont elle déchirait les pages. Elle jette le livre par terre et se retrouve en quelques instants avec un feutre rouge en main. Elle peinturlure des marques difformes sur les murs. La dame ramasse les feuilles déchirées et semble totalement dépitée.

— Que va-t-on faire de toi ma petite fille ? C’est une catastrophe, je n’aurai jamais le temps de donner du sens à tous ces ouvrages qui arrivent ici. En plus, tu en a vandalisé la moitié. Que vais-je dire aux artisans dont les volumes ont été anéantis ? dissertait l’ainée.

— Excusez-nous madame pourriez-vous nous aider ? Nous cherchons le chemin pour aller au cœur de la Tournaisscience, quémanda-Eve.

— Le chemin dessus tu es déjà, retorqua-la vieille.

— Ce que nous cherchons c’est la direction pour continuer notre chemin, ajoutai-je.

— Vous ne voyez pas que je suis occupée petit malandrin, riposta-t-elle.

La femme rassemble les ravages que l’enfant avait joyeusement parsemé. Brusquement elle s’arrête, les objets qu’elle tenait dans ses bras tombent, à l’exception d’un bout de papier avec une marque que l’enfant a faite.

— C’est extraordinaire ma petite ce que tu as fait là ! C’est la première fois que tu me fais un croquis original, gloussa-t-elle.

Un sourire éclaira le visage de la vieille, comme si elle détenait le plus beau des trésors. Personnellement je n’y vois qu’un craboutcha dénué de sens. L’enfant arrête de saccager et regarde son ainée attentivement. Leurs regards se croisent et la dame se baise pour la prendre la môme dans ses bras. La femme borde l’enfant tout en fredonnant une berceuse. La gosse s’endort et est déposée dans un lit à barreaux.

— Vous êtes toujours là, nous dit la femme de manière posée.

— Merci de tolérer notre présence, oh, antique Sémélé. Nous sommes à la recherche du cœur de la tour, pouvez-vous nous montrer comment nous y rendre ? demanda-Quentin.

— Je ne sais pas, dit-elle.

— Vous voyez c’est une perte de temps, pestais-je.

— Cependant si vous savez me dire où vous voulez aller. Je pourrai vous indiquer la direction à suivre, continua-t-elle calmement.

— Là où nous voulons aller ou comment nous y rendre, c’est la même chose ! fulminai-je.

— Non, je crois que ce que cette dame essaie de nous demander c’est vers quel cœur nous voulons aller, déduisit-Eve.

— Cette petite à quelque chose dans sa tête, nota l’antique.

—Combien de cœur y a-t-il dans la tour ? interrogeât-Indra.

— Une infinité, répondit-elle.

— Allons, nous perdons notre temps, dis-je de manière irritée.

— Nous cherchons le cœur qui pourra nous aider à interpréter la prophétie, confia-Eve.

— Ah, pour cela un cœur ne vous suffira pas. D’ailleurs vous en avez déjà parcouru quelques-uns avant d’arriver ici : le cœur du gout et des perceptions, le cœur de la vision et de l’orientation et maintenant vous êtes au cœur de l’ouïe et du sens, sourit-elle.

— Ça n’a aucun sens, on aurait pu prendre des routes totalement différentes … commença-Eve.

— Et malgré tout vous seriez arrivés ici. Il y a quatre types de savoirs superposés dans la Tournaisscience : le « savoir », le « savoir-faire », le « savoir être » et le « savoir devenir ». La bibliothèque est le cœur du « savoir », mais ce genre de savoir n’est pas suffisant pour l’interprétation de la prophétie. Il faut que vous traversiez des épreuves à chaque niveau pour atteindre votre but, continua-Sémélé.

— La prophétie constitue un risque pour notre devenir à tous. Il est impératif que vous nous montriez le chemin le plus direct pour le cœur du devenir, clamai-je.

L’ancienne s’arrête et me transperce d’un regard impénétrable. Mes compagnons de routes semblent émerveillés par ce qu’ils voient.

— Mon garçon ; comment pourrais-tu arriver là-bas, alors que tu n’es déjà pas ici ? demanda-t-elle d’une voix douce.

— Vous voyez bien que nous perdons notre temps avec cette ancêtre, retournons sur nos pas et retournons à la section universitaire, dis-je d’un air empressé.

— De quoi parles-tu Sàngô ? Nous sommes dans la section universitaire, répliqua-Eve.

— Voilà, ce que je voulais faire remarquer à ce jeune homme. Vous ne percevez pas cet endroit de la même façon que vos compagnons de route. Pour vous cet endroit n’est rien de plus qu’un humble école maternelle. L’endroit qu’on quitte pour avancer et aller de plus en plus haut vers les enseignements universels. Vous tenez votre « savoir » en grande parte de l’appendice bionique que vous portez. La Tournaiscience peut le percevoir et vous a amène ici pour y remédier. Ce qui veut dire que vous devrez laissez vos compagnons de routes poursuivre sans vous, expliqua-t-elle.

Ce que l’ancienne vient de me dire me fait comme l’effet d’une bombe. Quentin ricane légèrement. Une chaleur remonte en moi. Je sens battre mon cœur dans me tempes. Je suis prêt à exploser de rage, quand je sens une main fraîche sur mon épaule.

— N’y a-t-il pas un autre moyen pour qu’il puisse avancer sans que nous devions nous séparer ? demanda Eve.

— Je crains qu’il perde la raison si vos chemins ne se séparent pas rapidement, infirma-Sémélé.

— Je ne peux accepter de laisser avancer les émissaires des autres nations plus loin sans moi, déclarai-je.

— Il en est hors de question ! proclama l’ancêtre.

— Mais vous venez de dire que nous devons nous séparer pour, bredouillai-je.

— Séparés, vous le serez, mais avancez-vous continuerez à le faire tous ! Si l’un de vous ne poursuit plus son chemin les autres ne pourrons pas arriver à continuer leurs cheminements, avertit-t-elle.

Que puis-je faire ? Je dois empêcher l’avancement du jeune garçon à tout prix. Comment m’y prendre si je ne suis pas avec lui ? Car en restant avec lui, je deviendrai un sot et donc je serai dans l’incapacité de le bloquer. D’autre part si je me débarrasse de lui maintenant, je ne pourrai plus avancer dans ma progression et qui sait si je pourrai sortir d’ici un jour. L’ancêtre fait retentir une petite cloche. Une porte derrière une des étagères grince. D’un pas léger, une femme en sari blanc apparaît. Elle tient dans une main un livre et dans l’autre un chapelet, dans son dos est accroché une espèce de grande guitare.

— Je vous présente Sarasvati, proclama l’ancienne.

— Enchanté, firent mes compagnons de route.

— Bienvenu, dit-Sarasvati.

Elle dépose ses effets sur une table, s’avance promptement vers moi et m’enlace. Je me sens totalement prit au dépourvu et me laisse faire. J’en blêmis.

— Ça fait si longtemps que j’attends ce moment, dit-elle en arborant un sourire larmoyant.

— Pardon, mais est-ce que nous nous connaissons ? demandais-je.

— C’est comme ça que vous saluez votre mère, grommela l’ancienne.

— Ma mère… ? Demandai-je stupéfait.

— Je suis si désolée de ne pas avoir pu être là pour toi, dit Sarasvati avec regrets.

— Ma mère et morte en me mettant au monde, criais-je.

— C’est ce que ton père t’a toujours raconté, mais la vérité est tout autre, dit-elle.

— Eh bien, qu’elle est-elle alors ?! m’exclamais-je.

— J’ai rencontré ton père à Ω, la capitale de Oxid. C’était le Travectice Ignée et des représentants de trois autres nations avaient étés convié. J’étais ambassadrice pour Gé et jouais du veena pendant la cérémonie d’ouverture du banquet. Ton père avait été choisi pour terminer le relais de la lampadéphorie en allumant le brasier. Il était insolent de beauté et sa réputation de séducteur était rébarbative. Pourtant quelque-chose se brisa en moi, dès que je le vis. Il n’arrivait pas à détourner son regard de moi et c’était réciproque. Le respect de l’étiquette nous empêchait de nous frequenter. Cependant ton père ne l’entendait pas de cette oreille. Il me fit parvenir un message quand je fu rentrée dans ma chambre :

Entrevue

Parait à l’éternel feu liquide,

A mon cœur embrasé et ambitieux,

Sous le dôme des astres désireux,

Je t’offre la Marmite du Druide.

Je pris donc un petit aéronef et me rendis sur le volcan qui ne s’endort jamais. C’est là que nous avons passé la nuit ensemble. A l’aube nous nous quittâmes le cœur gros. Quand j’appris que j’étais enceinte, j’ai essayé de fuir Gé, pour rejoindre ton père. Toutefois la garde de la reine Tiamat, me rattrapa avant que je ne franchisse la frontière. J’avais été enfermé jusqu’au terme de la grossesse et à ta naissance elles te séparaient de moi. Dans l’empressement elles n’ont pas vu que tu avais sœur jumelle. J’étais désemparée car je savais quel était le sort réservé au garçons né de la veille et d’autre part je voulais préserver ta sœur de leur corruption, raconta-t-elle.

— Assez ! criais-je.

La femme larmoyante s’arrête de parler et mon monde intérieur s’écroule. Tout me semble irréel et j’ai l’impression de perdre la raison. Retrouver ma mère après avoir grandi sans son affection, me bouleverse. Si ce qu’elle dit est véridique, la vie m’a enseigné d’être méfiant. D’ailleurs, je trouve qu’elle fait preuve de peu de discrétion pour une mère. Bien que ma curiosité soit piquée, je n’ai pas du tout envie que mes rivaux en sachent davantage sur moi !

— Cessez de pleurer ma fille et certainement face à un ingrat ! fit-Sémélé.

— Ingrat !? Ou plutôt abandonné par ma mère ! fulminai-je.

— Elle n’a pas eu le choix, petit insensé ! vociféra la vieille.

— Je vois que la situation est tendue et je me sens embarrassée. Cependant, l’ascendance de Sàngô n’est pas l’objet de notre visite. Bien que je comprenne que vous soyez chamboulés par ces retrouvailles, intervint-Eve.

— Tout à fait, vous êtes à la recherche d’une explication pour la prophétie et je ne veux pas plus vous retardez, mais Sàngô devra rester ici, se reprit Sarasvati.

Avant que je ne puisse emmètre une protestation, elle se tourne vers moi.

— Mon fils, sache que c’est dans la douleur qu’on t’a arraché à moi et je suis prête répondre à toutes tes questions. Tant que tu n’auras pas les réponses tu ne pourras pas continuer ton parcours. En entrant ici, c’est un voyage intérieur que tu as commencé. La tour révèle progressivement les limites des technologies transhumanistes qui te guident dans ton exploration du monde. La technologie de ton œil est extrêmement puissante et adaptative, mais elle reste biaisée pour et par une vie matérialiste. Tes compagnons de voyage n’ont pas la même vision que toi de ces lieux, car leur expérience naïve cette technologie, dit-Sarasvati.

Je me sens de plus en plus perdu au fur et à mesure que ses explications avancent. Comment pourrais-je être moins performant que mes compagnons de route, qui eux ne sont pas dotés d’une technologie si avancée ? Sarasvati continue son récit, mais je n’écoute plus. J’ai le regard vide. J’entends vaguement Sémélé s’adresser aux autres et leur indiquer le portail pour continuer le périple. Ils prennent congé de nous, mais quelque chose m’empêche de leurs enjoindre le pas, comme si j’étais pétrifié.

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