Les Brisés

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Elle laissa échapper un long soupir et prit appui sur le bois poussiéreux du bar pour passer par-dessus. Il se rapprocha, usant de bien plus de précautions qu’elle et la vit ouvrir une trappe qui menait vers ce qui semblait être un gouffre sans fond d’une forme peu naturelle. Il leva les yeux vers elle, interrogatif, tandis qu’elle lui montrait l’ombre avec un sourire légèrement effrayant. En tout autre occasion, il aurait prétexté que les femmes passaient d’abord, mais l’expression sur le visage de celle qu’il connaissait sous le nom de Renouveau le retint. Il tâtonna quelques instants dans le noir et finit par toucher ce qui ressemblait à une échelle.

Comme s’il savait déjà qu’il ne la reverrait pas de sitôt, il jeta un dernier regard vers le liseré de lumière qui s’était glissé sous la porte de la boîte de nuit et commença sa descente. Il n’avait pas encore atteint la moitié de l’échelle qu’il lui semblait déjà entendre des voix et il aurait volontiers préféré ne pas faire la rencontre de ceux que Renouveau, ou Zelda, il ne savait plus comment l’appeler, considérait comme ses collègues. À vrai dire, il avait déjà l’impression d’avoir fait une énorme erreur en lui répondant oui. Pourtant, il savait qu’il était trop tard pour faire marche arrière, tout comme il ne pouvait pas s’arrêter au milieu de l’échelle, puisque la jeune femme le suivait de relativement près. Il finit donc par rejoindre le sol et se retourna, pour voir - évidemment - des dizaines d’armes pointées sur lui et l’œil noir de plusieurs dizaines d’inconnus.

Il n’entendit pas sa camarade arriver derrière lui et la main qui lui serra l’épaule le fit sursauter. Elle la lui tenait avec une fermeté qu’il croyait jusque-là réservée aux boxeurs.

- Tout va bien, vous pouvez baisser vos armes.

- Zelda, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? gronda une voix d’homme qui fit frissonner le nouveau venu.

- Les ordres du boss, Aymeric, c’est tout, soupira-t-elle. Vous comptez libérer le passage ou pas ?

- Le boss n’a jamais fait mention d’aucun nouveau membre venu de l’extérieur, princesse. Personne ne bougera tant que tu ne nous auras pas expliqué qui il est et pourquoi tu nous l’as ramené alors que tu sais très bien qu’il est interdit à tous ceux qui sortent de parler de cet endroit et encore plus d’inviter quelqu’un ici. Je suppose qu’en plus c’est un implanté, hein ?

- S’il-te-plaît, il vient d’arriver, si tu pouvais lui épargner ton speech sur les différences de traitement entre toi et nous et simplement nous laisser passer, il faut que je l’emmène voir le boss.

- Pour à nouveau - deux fois en quelques mois, tout de même - nous refiler un bleu à qui il faudra apprendre à tenir une cuillère ? Qu’il retourne d’où il vienne, je ne bougerai pas d’ici.

- Est-ce qu’il faut vraiment que j’appelle Victoria ou Mamoru ? Hein ? Tu fais honte à tous ceux qui sont ici ! Mais après tout, fait comme tu veux, si tu ne nous permets pas de nous agrandir et de pouvoir exécuter des missions qui nous offriront le monde, alors reste là !

Elle se laissa aller contre le mur et détourna le regard. Elle voulait bien obéir aux ordres, mais ce n’était pas de sa faute si cet imbécile semblait si sûr qu’elle faisait tout pour intégrer le plus possible d’implantés pour… Elle ne savait même pas pourquoi… Et puis, elle aurait bien aimé voir Kazumi… Maintenant que sa mission était terminée, il allait falloir qu’elle s’occupe de deux nouveaux et probablement qu’elle mène la préparation de leur prochain coup d’éclat… Elle n’allait pas beaucoup dormir… Non, vraiment, il ne pouvait pas trouver un autre moment pour faire sa crise, celui-là ?

- Bon, Aymeric, pousse-toi. C’est bon, tu nous as bien retardé, tu as du travail à faire, moi aussi, tout ceux qui nous regardent aussi, est-ce qu’on peut arrêter avec tes bêtises, s’il-te-plaît ?

- Hors de question. Sortez d’ici.

Elle soupira, soupira encore et finit par se laisser tomber au sol, haussa les épaules et s’excusa auprès de son invité.

- Désolée, en principe j’aurais foncé dans le tas, mais la journée va être longue, si je peux éviter de dépenser inutilement de l’énergie… Je n’ai pas vraiment le choix. D’ailleurs, j’en ai même oublié de relever le princesse, Aymeric, tu devrais être content… Tu vas enfin pouvoir me casser du sucre sur le dos, comme quoi j’accepte le statut d’héritière, que je veux que votre faction disparaisse, que je suis de mèche avec INRIS et je ne sais quelles autres histoires à dormir debout… Surtout ne te gènes pas parce que je suis là, je vais faire une sieste en attendant que quelqu’un te reprenne. Tu peux dormir aussi, Anakin, ça peut durer longtemps. Tiens, au fait, c’est quoi ton prénom ?

- Louis…, répondit-il d’un ton qui laissait entrevoir son malaise. Je suis censé t’appeler Zelda, c’est ça ?

- C’est ça, c’est pour éviter ce genre de crises et de rappeler les différences entre ceux qui sont capables de sortir et de s’intégrer à cette société pourrie et ceux qui doivent rester confinés ici pour leur sécurité.

- Ah… Et… Ça fonctionne, d’habitude ?

- Des fois oui, des fois non, c’est surtout une question de personnes, en fait. Il y en a qui s’en fichent et d’autres qui nous sautent dessus au moindre faux pas, même quand ce n’en est pas un, comme Aymeric. Bon, lui il est un peu extrême, les autres se contentent de râler ou de te regarder de travers, même si la majorité des gens ici n’y fait pas spécialement attention. La majorité d’entre nous sont des cas spéciaux, soit ils sont intolérants aux ondes, soit leur cerveau ne permet par l’implantation de l’Optio et ils ont failli être éliminés à la naissance… Donc appelle-moi Zelda, peu importe l’endroit. Kazumi aussi a eu du mal au début, mais il s’améliore.

L’écho d’un bruit lointain résonna brusquement, puis des éclats de voix effrayèrent les quelques personnes qui assistaient à la scène.

- Qu’est-ce qu’il se passe encore, niña ?

- Elle est déjà rentrée ? J’espère qu’elle n’est pas encore blessée !

- Qu’est-ce que c’est que ce bruit ? Ma fille est là ? Déjà ?

Des bruits de pas qui se rapprochaient firent trembler ceux qui tenaient le siège, tandis que les deux victimes se relevaient en remerciant l’écho et les constructeurs de ne pas avoir construit d’autres sorties que celle qui était derrière eux. Ils étaient cernés et eux bientôt libres, merci les renforts !

- Qu’est-ce que c’est… Aymeric, c’est pourquoi cette fois-ci ? Qu’est-ce qu’elle t’a fait, encore ? Zelda, tu m’expliques ? demanda la première voix, irritée.

- Je ne sais pas, dit-elle en haussant d’un ton, je rentre en ayant accompli mes ordres, c’est-à-dire ramener un nouveau de l’extérieur et non seulement ils sont tous armés jusqu’aux dents, mais en plus ils refusent de bouger.

- Et tu es restée là, sin mover ? s’esclaffa la seconde. Dis donc, tu te surpasses !

- Il faut bien qu’elle donne l’exemple, comment tu veux qu’elle se fasse respecter, sinon ?

- Ma fille est rentrée ?

- Oui, monsieur, mais il semblerait qu’Aymeric refuse de la laisser passer… Je vous laisse gérer ça, je vais prévenir Kazumi de vous attendre devant la porte de votre bureau pour accueillir Zelda. Excusez-moi.

- Victoria, s’il-te-plaît, va avec lui et rejoignez-nous dès que vous pourrez. Je m’occupe de ça, soupira la troisième voix.

- Monsieur, elle a encore ramené un…

- Aymeric, le jour où vous apprendrez à écouter quand je parle, peut-être que vous arrêterez de vous en prendre à elle. Je lui ai confié une mission qu’elle semble avoir réussi plus facilement que je ne le pensais, elle rentre victorieuse et vous l’empêchez de me rapporter ce que je lui ai demandé. Vous vous rendez bien compte de l’idiotie de votre geste, n’est-ce pas ?

- Mais, monsieur, c’est… C’est…

- C’est un ordre, débarrassez le couloir. À moins que vous ayez encore du travail ?

Il ne répondit pas et ne s’écarta qu’à contrecœur, en lançant un regard noir au duo qui ne s’était pas encore écarté du mur. Il les regarda passer à côté de lui, les dents à découvert et le nez froncé. Leur simple vue l’avait transformé en bête, tout jusqu’à leur odeur l’incommodait.

Ils l’entendirent pester et l’écho leur rapporta des mots qu’ils lui auraient en toute autre situation fait immédiatement regretter. Un mot du boss lui fit cracher des excuses, mais aucune n’était acceptable.

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