La chute (1/7)

2 minutes de lecture

Le jour du délire premier, la fille de joie était complètement tourmentée par mille et une questions qui demeuraient sans réponses.

" Pourquoi suis-je dans cet endroit terré et terrien ?"

"Que fais-je sur cette misérable terre ?"

"Où vais-je ?"

...

Elle cherchait des réponses en vain et tout fut incompréhension. L'impénétrabilité de la chose lui procura un sentiment d'égarement face à un fait inexplicable et déconcertant.

Cependant que la perte de la fille de joie était une réalité pesante, et au delà de l'obscurité régnante, la vivacité d'un nouveau sentiment d'une limpidité cristalline s'empara d'elle. Ce fut l'amour. L'amour de Être. Cet amour, aussi doux qu'effervescent, lui donna des ailes de volonté. Elle voulait se surpasser et dépasser l'absurdité de sa situation inconvenante et incertaine. L'amour de Être lui procura la force du pouvoir. Elle pouvait s'évader. Ainsi, la fille de joie s'enfuit dans la seule certitude qu'elle connaissait. Ses origines astrales lointaines. Elle savait qui était et d'où elle venait. Cette certitude de l'existence et de l'appartenance adoucit son sentiment d'abandon et lui donna la sensation d'une liberté suave. La liberté de pouvoir se réfugier dans les réminiscences de sa vie céleste. Des réminiscences tendres qui l'accueillirent avec les bras de l'aménité.

Jadis, la fille de joie était heureuse avec ses pantins aimants et attentionnés. Elle se réjouissait de l'allant de sa vie. Une vie aux allures simples, remplie de plaisirs simplets. Son paradis d'amour lui manquait terriblement. Néanmoins, ce manque la plongea dans des abysses de dénouement. Et des douces souvenances surgirent désormais une amertume et un goût obscur d'une aventure imposée et insensée. La peur de l'inconnu attrapa la fille de joie.

" Que vais-je devenir ?"

Le futur lui sembla opaque et un sentiment d'angoisse et d'hostilité l'accapara. De la fragilité de son présent, l'idée d'un demain inconnu l'obséda. Elle se sentait impuissante et de surcroit dégoûtée. Le dégoût lui provoqua la nausée et l'inquiétude l'abattit. Son cœur, incapable de connaitre la rancune, s'emplit de rancœur.

"Est-ce que je mérite le châtiment céleste d'être renvoyée de mon astre ?"

Les dieux étaient jaloux et voulaient lui faire souffrir. La fille de joie, sainte mer, prit consciente de cette injustice. Elle fut submergée par une fureur sous un ciel noir de révolte. La colère se répercuta dans sa poitrine et étouffa ses hurlements et ses cris. Car elle avait envie de crier. Crier tout le noir de sa rage dans les tons de sa couleur bleue. Crier l'ombre de sa fureur dans les traits ondulés de ses vagues. Crier la nuit de sa souffrance dans la lumière de ses écumes. Crier sa fin dans sa vie, dans sa beauté et dans la complexité de son être. Elle était belle. Elle était complexe. Et elle souffrait.

Jusqu'alors, pour faire taire sa peine, la fille de joie riait, et pour faire raisonner son égarement, elle pleurait. Sa souffrance disparaissait par moment, puis elle apparaissait pour disparaitre, réapparaitre, disparaitre, et re-réapparaitre. Et à chaque apparition, à chaque disparition, la fille de joie entra dans une démence terrienne. Elle imagina des processus de création abracadabrants : la pomme inventée par l'Homme, la chair inventée par l'Âme, la vieillesse inventée par la Jeunesse, la maladie inventée par la Santé, la mort inventée par la Vie, et les maux inventés par le Mot. Elle était au bord d'un chef-d'folie.

Pendant les six jours suivants, sa douleur s'irradiait partout et ses paroles fusaient nulle part. La fille de joie délirait.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Hanna Berg ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0