Lancer (se)

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Nina entendit les pas de Liz s’approcher et son cœur faillit exploser. La porte s’ouvrit brusquement pour offrir à Nina le visage d’une Liz désabusée. Mais lorsque leurs regards s’accrochèrent, ce fut la surprise qu’elle vit sur ses traits. Nina était rouge de honte. Elle n’osait rien dire. Liz n’en revenait pas. Elle s’attendait à voir Véro débarquer pour essayer de la faire sortir. Mais Liz n’en avait aucune envie. Elle s’était déjà préparée à la renvoyer sans pincettes et la vision de Nina la laissa sans voix. La petite black se mordait la lèvre inférieure et se forçait à sourire en se trémoussant de gêne. Elle vit ses mains torturer son petit sac à main et remonta aussi sec son regard sur son visage. Bon Dieu qu’elle était canon.

— Qu’est-ce que tu fais là ? lui demanda-t-elle sèchement en retournant vers son canapé pour laisser Nina entrer.

Nina hésita. Liz ne portait qu’un débardeur blanc qui laissait deviner ses tétons et un shorty qui, Nina dut bien l’avouer, mettait bien son petit fessier en valeur. Elle se reprit et s’avança timidement en refermant la porte derrière elle. L’appartement était tout petit. En se retournant, elle se retrouvait face à Liz, assise sur le canapé en train de rallumer son joint. Il y avait une table basse visiblement bricolée avec des palettes et juste derrière le canapé, son lit, sous la pente du toit. Sur sa gauche, la cuisine ou du moins ce qui s’y rapprochait. Il n’y avait qu’une porte qui devait mener à la salle de bain et toilettes dans le même lieu exigu. Nina se sentit à l’étroit mais s’avança vers Liz en respirant fort, essayant de ne pas montrer son stress en lui répondant :

— Tu ne m’as pas rappelée, je...

— Je sais, ouais, la coupa Liz en crachant la fumée épaisse. Écoute, Nina... C’est... compliqué. J’ai vraiment adoré cette soirée. Et être la première à qui tu parles de ça, crois-moi, c’était touchant. Mais bordel, je suis pas faite pour ça. J’arrive pas. J’aimerais vraiment, faut que tu me croies.

Liz ne regardait pas Nina. Elle avait les yeux rivés sur la table basse, ou sur le bas de la porte, peu importe. Elle ne la regardait pas. Et à nouveau, Nina sentit ce qu’elle avait senti lorsque Liz quittait sa chambre. Ce qu’elle ressentait était partagé. Sinon, elle lui aurait facilement dit ça en la regardant dans les yeux. La sincérité de Liz n’était donc pas à remettre en cause, et tous les doutes des jours passés s’envolèrent. Mais elle n’osa pas s’approcher plus, restant debout face à elle, sans savoir quoi faire d’autre de ses mains que triturer les lanières de son sac à main.

— Je comprends, Liz, lui répondit-elle d’une voix cassée tra­hissant sa tension. Tu m’as bouleversée. Je n’aurais jamais cru ça possible, je... Je ne fais que penser à toi. Tout le temps, c’est... Et ce soir, je suis retournée au bar dans l’espoir de t’y croiser.

— Je vois, ricana Liz en posant enfin les yeux sur Nina. C’est Véro qui t’a filé mon adresse ?

— Oui, répondit-elle dans un sourire en coin.

Liz décida alors de détendre l’atmosphère et tapota le canapé près d’elle.

— Assieds-toi, Nina. Je te sers un truc à boire ? Une bière ?

— Oui, très bien.

Assise sur le canapé, Nina regarda la punk déboucher deux bières avec son briquet, pétard en bouche. Elle revint jusqu’à elle, magnifiquement sexy aux yeux de Nina qui sentait son cœur repartir dans les tours. Elle prit la bière et trinqua avec Liz avant de s’avaler une bonne gorgée pour se calmer. Mais c’était sans compter sur Liz, justement. Celle-ci posa sa main sur la cuisse de Nina, qui sentit comme une vague de chaleur partir de cet endroit et envahir son corps. Elle se crispa mais sourit, écoutant Liz :

— Tu m’as foutue en vrac aussi, tu sais. Normalement, t’es plutôt le genre de nana que je baise pour la gloire et que j’oublie. Mais même l’autre soir, j’étais pas sereine. Et j’ai beaucoup pensé à toi aussi.

Elle s’avala une gorgée et retira sa main. Son regard replongea sur la table basse et elle continua d’une voix grave. Nina pouvait sentir sa rage refaire surface. Ce qu’elle n’arrivait pas à définir, c’était contre qui était tournée cette colère.

— Mais j’y arrive pas. Putain, j’ai envie de toi, mais je sais que je te ferai du mal. Parce que je fais du mal aux gens que j’aime.

Nina ne répondit rien. Elle la regardait sans la voir. Comment Liz pourrait lui faire du mal ? Elle ne lui avait fait que du bien, jusque-là, et elle était persuadée qu’il en serait toujours de même. Oh ! Elle n’était pas naïve au point de croire qu’une histoire d’amour n’était jalonnée que de bonheurs et de jouissances respectives. Mais elle ne voyait pas comment Liz pourrait lui faire du mal. Comment qui que ce soit pourrait lui faire plus de mal que cette vermine dans le parc ?

— Mais te voir ici, continua Liz, savoir que t’es retournée là-bas pour me retrouver. Je dois bien avouer que... enfin, je suis contente que tu l’aies fait.

Elle tourna son visage vers Nina, scotchée sur elle, tendue comme un arc, et lui sourit timidement. Posant le joint dans le cendrier, elle leva sa main jusqu’à la joue noire et brûlante de Nina. Leurs visages se collèrent l’un à l’autre et Liz l’embrassa tendrement. Nina se liquéfia. Elle ne réussit pas tout de suite à répondre à ce baiser auquel elle avait pourtant tant rêvé. Son corps ne lui répondait plus. Elle voulait butiner ses lèvres fines, sentir sa langue s’enrouler autour de la sienne, l’enlacer et la serrer contre elle. Mais rien. Juste des yeux grands ouverts, comme surprise, plantés dans ceux de Liz à demi-ouverts et rieurs.

Mais Liz continuait de l’embrasser. Elle passait sa langue sur ses lèvres charnues, les mordillait. Jusqu’à ce que Nina réagisse enfin. D’abord avec parcimonie, posant des baisers sur ses lèvres. Leur baiser devint rapidement plus fougueux. Nina était aux anges, ne pensait plus à rien d’autre que cette bouche dont elle se délectait. Liz se détendait un peu, s’enivrait de l’odeur de Nina, de sa douceur... de son amour ?

Cette pensée la fit reculer un brin. Leur baiser se stoppa, mais Liz colla son front à celui de Nina.

— Je crois que je veux essayer.

Elles restèrent se regarder. Nina ne répondit rien. Leurs yeux communiquèrent de cette manière magique qu’il n’est pas indis­pensable de rajouter des mots qui n’arriveraient de toute façon pas à relater ce qui se passait en elles. Liz sut à cet instant qu’elle faisait peut-être le bon choix. Difficile à faire, mais bon pour elle, voire indispensable.

Pourtant, lorsqu’elle sentit les lèvres de Nina se diriger vers les siennes, Liz recula vivement. Sa petite bourgeoise ne comprit pas. Elle s’attendait à finir dans le lit juste derrière elles, pouvoir jouir ensemble de cette déclaration. Mais cette anguille semblait vouloir lui échapper encore. Liz ne semblait vraiment pas de celles que l’on peut se permettre de croire acquises.

— Mais là, j’ai un rancard, Nina. Que je peux pas me permettre d’annuler.

— Oh... fit Nina, s’imaginant un mec avec qui Liz avait prévu de passer la soirée. Je n’aurais pas dû...

Elle se leva d’un bond, mais Liz lui attrapa le poignet pour l’empêcher de partir.

— C’est pas ce que tu crois, Nina. Disons que c’est quelqu’un que je vais voir pour me sentir mieux, quand je suis en plein stress.

Nina s’arrêta net et se tourna vers elle, surprise autant par son geste de la retenir que de ses mots.

— Un psy ? demanda-t-elle, bien qu’elle trouvait surprenant qu’un psychanalyste reçoive ses patientes à cette heure-ci.

— Non ! s’exclama Liz en ricanant.

Elle reprit pourtant rapidement son sérieux et tira Nina pour qu’elle se rassied à ses côtés. Elle remarqua ses joues. Liz était devenue écarlate. Nina pouvait presque sentir son cœur s’emballer, sa main devenue soudainement moite sur son poignet. Alors elle fut à nouveau perdue. Elle reconnut les signes de la honte sur le corps de Liz. Comment une telle femme pouvait-elle ressentir cela ? Elle qui assumait tous ses penchants sexuels... qu’avait-elle de pire à assumer ?

— Qu’est-ce que tu as ? lui demanda-t-elle, voyant que la punk n’osait pas se lancer.

— Je... Écoute, Nina. Je suis prête à faire ce chemin avec toi. Je dois bien t’avouer. Je suis pas sortie d’ici, quasiment, depuis l’autre soir. Tu tournes en rond dans ma tête. J’ai envie de toi, t’imagines pas à quel point. Mais je peux pas te mentir. Tu comprends ? Je veux que tu saches dans quoi tu t’engages.

— Je ne comprends pas, Liz, lui répondit Nina devenue inquiète. Tu n’es pas une tueuse en série, quand même ? plaisanta-t-elle.

— Non ! ricana Liz. Mais... C’est compliqué. Écoute... Je vais demander à mon rancard si tu peux m’accompagner. Tu ne diras rien, tu ne bougeras pas. Tout ce que tu auras le droit de faire, c’est te lever pour partir. Je veux te révéler qui je suis. Je ne veux pas m’engager en te mentant, tu comprends ?

Liz avait parlé en braquant son regard dans celui de Nina. Elle en avait été glacée d’effroi. Elle s’imaginait les pires horreurs, mais était en même temps curieuse. Ce soir-là, elle avait bien senti qu’il y avait quelque chose de profond en Liz qui l’empêchait d’avancer. Et à cet instant, la main de Liz qui était à deux doigts de broyer son poignet lui fit réaliser qu’elle pouvait peut-être lui rendre le bien qu’elle lui avait fait.

— D’accord, répondit-elle simplement mais avec assurance.

Liz tressailla en sentant la détermination dont faisait preuve Nina. Quelle plus belle déclaration pouvait-elle lui faire ? Nina ne tenta aucune question. Elle avait envie de Liz au point de respecter son silence, et ravaler son envie de savoir. La punk sentit son cœur rater un battement et elle se rua sur sa table de chevet pour attraper son portable. Nina le regardait et pouvait presque sentir cette sorte d’angoisse qui émanait de chaque muscle tendu de la punk. Elle tapait un texto en se mordant les lèvres. Nina mourait d’envie de lui demander à quoi elle devait s’attendre, mais se retint. De toute façon, Liz n’osait même plus poser le regard sur elle. Elle restait maintenant à fixer son téléphone, en attendant une réponse.

Le stress de Liz commençait à devenir contagieux, alors Nina se rabattit sur la bière qu’elle avait laissée en plan. Elle aurait bien tiré quelques taffes du joint, mais ne savait que trop bien quels effets cela avait sur elle. Alors elle but sa bière, pendant que Liz restait figée. Jusqu’à la sonnerie qui la réveilla. Elle vit sa punk manquer défaillir en lisant la réponse.

— Il nous attend dans vingt minutes.

Ce fut à peu de choses près les seules paroles intelligibles que Liz prononça jusqu’à la maison où quelqu’un les attendait. Elles étaient montées dans la voiture de Liz et avaient tracé sans un mot jusqu’à la périphérie de la ville. Liz fumait cigarette sur cigarette. Mille fois, Nina eut envie de lui dire de s’arrêter, qu’elles pouvaient remettre ça, se préparer chacune à tout ça, que rien ne pressait. Mais en même temps, elle comprit que l’urgence était l’élément de Liz, que si elle voulait avoir une chance d’avoir une histoire avec elle, de la sentir à nouveau contre elle, il ne pouvait en être autrement. Avec calme et douceur, Liz avait fait un pas vers Nina, l’avait sortie de sa torpeur. Si elle voulait lui rendre la pareille, elle devait en accepter les règles.

Elle la suivit donc sans un mot jusqu’à la porte. Liz sortit une clé de sa poche et l’ouvrit, sous le regard halluciné de Nina. Mais le regard que lui lança Liz la stoppa net dans toute idée de poser quelque question que ce soit. Complètement perdue, Nina suivait les pas de Liz dans la maison. Après avoir refermé la porte à clé, elle guida la petite black jusqu’au salon. Bizarrement, Nina sentait la punk un peu plus décontractée. Ou alors c’était elle qui divaguait. Elle sentait la tête lui tourner un peu, Liz lui faisant perdre tous ses repères. Elle finit assise dans un fauteuil et Liz lui parla enfin, d’une voix tremblante qui tentait pourtant de paraître assurée et autoritaire :

— Tu attends ici. On va revenir te chercher. D’accord ?

Nina hocha la tête, le regard vide. Elle ne savait plus où elle était, ni pourquoi elle y était. Elle suivait juste Liz, le seul repère qui lui restait auquel elle pouvait s’accrocher. Mais qu’elle vit s’éloigner aussitôt. Puis s’arrêter. Liz se retourna, Nina leva les yeux sur elle. Puis Liz fit marche arrière, prit le visage de Nina dans ses mains et l’embrassa.

— Merci d’être venue. Du fond du cœur.

Et Liz repartit d’un pas visiblement léger. Elle ferma la porte du salon et Nina se retrouva seule à attendre. De longues minutes. À se demander ce qu’elle faisait là, chez qui elles étaient, qu’est-ce qui allait se passer ? De quoi allaient-ils parler exactement, tous ensemble ? Et qu’est-ce que Liz avait de si terrible à lui avouer ?

La porte s’ouvrit et Nina sombra. Elle fut avalée littéralement par le fauteuil. Il lui semblait même que la terre se mit à trembler. Hypoglycémie ? Peut-être. Les symptômes en étaient proches, mais Nina savait qu’il n’en était rien. L’image que lui avait offerte cette porte ouverte lui était tout simplement insupportable.

Liz était nue et accompagnée d’un homme qui avait sûrement dépassé la cinquantaine. Il n’avait rien de spécial, si ce n’étaient ces cheveux poivre et sel qui lui donnaient un air de séducteur. Mais il était habillé de façon très banale. Un jean’s et un t-shirt trop large pour lui. Il était pieds nus et ne faisait aucun bruit en se déplaçant. Tout comme Liz qui s’avançait vers elle les yeux au sol. Son cou était entouré d’un collier duquel pendait une laisse en cuir, l’autre bout dans la main de l’homme.

Nina n’était pas totalement ignorante de ce genre de pratiques. Elle se doutait même que les 50 nuances de Grey ne reflétaient en rien la réalité. Mais comme les trois quarts des personnes qui n’ont jamais approché un dominant, une dominante, un soumis ou une soumise, Nina était bourrée de clichés. Pour elle, les dominants étaient des prédateurs qui devenaient de véritables gourous envers les soumis qui ne voyaient pas le mal que leur maître ou maîtresse leur faisait. Et elle ne comprenait pas que Liz, cette Liz-là, soit tombée dans ce piège.

L’homme souriait en coin, lorsqu’elle le vit lâcher la laisse de Liz. Aussitôt, la punk tomba à genoux, le dos bien droit, sa petite poitrine en avant, les mains dans le dos, le regard toujours rivé sur le sol. Nina avait la bouche grande ouverte devant ce spectacle. Elle regardait Liz sans comprendre, sans pouvoir analyser quoi que ce soit. Pendant ce temps-là, l’homme s’était assis dans le fauteuil juste à côté de Nina. Et c’est sa voix, grave et chaude, presque apaisante, qui sortit Nina de sa torpeur :

— Je ne sais pas pourquoi, elle a insisté pour se présenter de cette façon. Alors qu’apparemment, vous n’étiez au courant de rien. Jean-Paul, lui dit-il avec un grand sourire en lui tendant la main.

— Nina, lui répondit-elle encore abasourdie en lui serrant mollement la main. Qu’est-ce qui se passe, ici ?

— Figurez-vous, chère Nina, que je suis aussi curieux que vous de l’apprendre ! s’exclama Jean-Paul en se tournant vers Liz. Tu m’as dit vouloir montrer cette séance à une amie, Liz. Je m’attendais à ce que ce soit une sorte d’initiation. Laisse-moi te dire que si c’est ça ta façon de...

— Ce n’est pas ça, Maître ! la coupa Liz sans relever la tête.

« Maître » ? Nina n’en croyait pas ses oreilles. Initiation ? Son cœur s’emballa à l’idée que Liz ait pu se moquer d’elle, l’emmener ici pour en avoir une bonne à raconter à ses amis. Peut-être même que cette Véro était dans le coup ?

— Je vais accepter que tu me coupes la parole de cette façon, parce que la situation est particulière, Liz, reprit Jean-Paul avec une autorité que même Nina n’aurait jamais crue possible en un tel homme. Tu as donc l’occasion de t’expliquer, puisqu’apparemment tu me mets, pardon, tu NOUS mets, ton amie Nina et moi, dans une situation très embarrassante et inattendue, pour elle comme pour moi. Nous t’écoutons.

Liz prit un temps avant de répondre. Nina était aux abonnés absents. Elle ne pouvait que subir ce qui se passait devant elle. À aucun moment elle n’eut même simplement l’envie de participer à cette mascarade. Elle avait envie de détaler, mais en même temps, voulait entendre les explications de Liz. Après tout, l’attitude de Jean-Paul révélait qu’il ne s’agissait pas d’un plan pour s’amuser. Peut-être même que Liz prenait de grands risques en l’amenant ici. Alors elle l’écouta, suivant le choix qu’elle avait fait de respecter les règles de Liz.

— Nina est... Je crois... que...

— Dépêche-toi, Liz ! cria Jean-Paul en faisant sursauter Liz autant que Nina.

— Oui, Maître. Je l’aime, résuma-t-elle en serrant les dents.

Il y eut une seconde de silence. Liz ne bougeait pas. Mais Nina tremblait dans son fauteuil. Trop de surprises d’un coup, elle était à deux doigts de calancher. Comment aurait-elle pu s’attendre à entendre ça de la bouche de Liz à son propos ? Elle l’espérait, oui. Mais pas si tôt. Pas alors qu’elle-même aurait été incapable de l’exprimer avec une telle clarté, surtout devant témoin. La douce voix de Jean-Paul la rattrapa encore une fois :

— Intéressant, Liz, dit-il en se grattant sa barbe de quelques jours. Très intéressant. Je suis fier de toi. Mais ça n’explique pas cette petite mise en scène ridicule.

— Maître, je... Je souhaite qu’elle me connaisse vraiment. Qu’elle voit de ses propres yeux ce que je suis, avant de faire un choix qu’elle pourrait regretter plus tard.

Silence. Long silence. Jean-Paul réfléchit. Nina a envie de dire mille choses, de les dire toutes en même temps, dans l’ordre et dans le désordre. Mais l’attitude de l’homme, sereine et tranquille, empêchait toute crise d’hystérie de s’exprimer en ces lieux. Nina bouillonnait mais attendait, sentant les larmes prêtes à couler si Liz prononçait encore le moindre mot.

— Crois-tu vraiment, ma chère Liz, que ce qui te lit à moi peut te définir ? Crois-tu vraiment que si tu n’étais que ça, tu serais ici ?

— Non, Maître. Je sais qui je suis. Mais il n’y a que si elle voit ça et qu’elle reste que je pourrai m’ouvrir à elle.

C’en fut trop pour Nina qui fondit en larmes chaudes. Comme dans le parc, de grosses larmes sans un seul tressaillement, sans un seul gémissement. Et comme dans le parc, Liz sut qu’elle pleurait sans la regarder et reprit avant que Jean-Paul ne reprenne la parole :

— Excuse-moi de te faire vivre ça, Nina. Mais j’ai trouvé que ce moyen.

— Relève la tête, Liz ! cria Jean-Paul sur un ton joyeux.

Il se leva d’un bond alors que Liz regardait maintenant droit devant elle, juste entre les deux fauteuils, sans fixer Nina ni son Maître. Lui s’approcha et passa dans son dos, puis lui tourna le visage vers Nina :

— Regarde, Liz. Tu la fais pleurer de joie. Pas de rire, pas de douleur, pas de tristesse. Ce sont des larmes de joie.

Liz sourit à Nina, gênée. Nina sourit à Liz, encore plus gênée.

— Vous êtes magnifiques ! s’exclama Jean-Paul. Nina ! Venez donc près de nous !

Hésitante, Nina s’approcha. Les jambes flageolantes, elle sentit pourtant le visage de Liz venir se lover contre sa cuisse. Jean-Paul la prit par l’épaule avec douceur. Liz l’appelait Maître et Nina croyait ne comprendre que trop bien ce que ça voulait dire. Il n’avait pour­tant aucun comportement déplacé sexuellement. Au contraire, s’ils avaient été là pour un apéritif entre amis, il n’aurait pas été moins ou plus chaleureux.

— Vous êtes une silencieuse, Nina, à ce que je vois. Et je crois savoir que Liz apprécie ça. Mais maintenant, vous allez devoir nous dire si oui ou non vous accédez à sa requête. Bien qu’avant cela, je ne peux pas rester sans vous dire à quel point je suis fier de ce que je viens d’entendre. Liz est venue vers moi ravagée et voilà cinq ans que nous nous voyons de temps en temps. J’ai des compétences qui lui font du bien, et arrivé à mon âge, peu de femmes souhaitent en profiter. Enfin... à ma petite échelle, je l’ai aidée, dans le secret le plus total, à sa demande. Et elle souhaite aujourd’hui partager cela avec vous. Ne vous méprenez pas. Je ne suis pas un ange quand je m’occupe d’elle et ce que vous vous apprêtez à voir n’est pas toujours joli vu de l’extérieur. Mais en la voyant aujourd’hui, je crois pouvoir dire que j’ai été un bon guide pour elle. Je le serai pour vous aussi dans cette observation. Sachez juste une chose : si vous décidez de nous suivre, je ne tolérerai aucune intervention de votre part. Vous regarderez, vous pourrez même fermer les yeux si ça vous fait du bien, je vous expliquerai à chaque fois ce qui va venir et pourquoi je le fais, vous pourrez même partir et nous attendre ici, mais à aucun moment vous ne tenterez ne serait-ce que de me poser une question, à moins d’y être invitée avant. Nous aurons tout le temps ensuite pour les questions, si vous en avez. Alors Nina ? Êtes-vous prête à entrer dans la vie de Liz par la grande porte ? demanda-t-il les bras ouverts, un sourire radieux sur le visage.

La question de Jean-Paul fut suivie d’un long mutisme de Nina. Elle sentait ses joues lui brûler, elle n’était plus aussi sûre de vouloir suivre les délires ahurissants de Liz. Et pourtant, la punk endurcie caressait sa cuisse de sa tête. Nina posa sa main dans ses cheveux et sentit le courage l’envahir :

— Je suis prête, réussit-elle à prononcer distinctement.

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