Chapitre VI - Concrétisation

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Thar’vel Lun’esh – Jrivan – Zytheor - Niv 3

***


30 pulsations plus tôt :


Thar’vel avait attendu ce moment pendant douze longues rotations. Douze rotations à observer, planifier, se préparer. Douze rotations à nourrir une colère sourde contre Zytheor, contre ce système qui avait détruit sa vie et volé ses derniers instants avec son amour. Contre le monde, qui lui avait peut-être pris son enfant. Mais maintenant, enfin, l’opportunité se présentait. Var’ek Zhar’in était en position de tout faire basculer.

Thar’vel se tenait dans son bureau, les mains posées sur le rebord de la fenêtre, contemplant la ville de Jrivan qui s’étalait devant lui. Depuis les hauteurs du domaine ancestral, enchâssé sur la colline comme une excroissance de calcite blanche et de métal, il dominait la cité suspendue. Jrivan se déployait en contrebas, vaste canva architectural flottant, tissé de masses organiques, de structures argentées, entrelacées de végétation luxuriante. Chaque bâtiment lévitait au rythme irrégulier des courants telluriques, relié les uns aux autres par des passerelles souples, bardées de vrilles bioluminescentes.

Les bâtiments, mêlaient courbes fluides et arêtes fractales avec une précision remarquable. Façades blanches serties de dorures, balcons enchâssés de vitraux irisés, corniches où s’épanouissaient des lianes héliotropes : chaque détail évoquait une esthétique maîtrisée, une élégance érigée en dogme. Tandis qu’entre les Vesh’ralen - ces arbres-tours dont les disques foliaires pivotaient lentement en suivant la lumière des deux soleils - ruisselaient des cascades d’énergie, canalisées dans des filaments translucides vibrant à faible fréquence.

Il observa, impassible. Tout cela - cette beauté suspendue, la chorégraphie fluide de cette utopie urbaine - lui paraissait désormais aussi fragile qu’un château de cartes. Il avait endossé le rôle qu'on attendait de lui, au cœur de cette haute société zytheorienne aux allures de vitrine : généreux mécène, conseiller discret, diplomate mondain. Il avait appris à sourire dans les salons suspendus, à feindre l’admiration sous les verrières kaléidoscopiques, à parler le langage des fluxions et des faveurs. Mais derrière chaque salut, chaque mot, il y avait la morsure. Celle d’une rage brûlante, d’une soif de vengeance qui ne pouvait être étanchée que par la chute de ce système Nhaar'vel-nar et corrompu.

Il se souvenait encore du jour où il avait rencontré Var’ek pour la première fois. Le jeune homme - à une rotation de sortir de sa formation sur Lunaris - avait été envoyé sur Zytheor (plus précisément ici à Jrivan) pour servir Le Conseil, en futur remplaçant de son camarade mystérieusement disparu. Il avait toujours eu cette allure trop droite, presque théâtrale, comme s’il fallait justifier chaque geste par une forme de maîtrise. Grand, sec, les lignes du corps tendues sans être raides, Var’ek lui avait moins évoqué un fonctionnaire en devenir qu’un danseur formé dans l’ombre. La peau lisse, cuivrée et irisée - trahissant un sang appartenant au troisième niveau - encadrait un visage aux angles précis : pommettes hautes, mâchoire ciselée, lèvres pleines. Tandis que ses cheveux - d’un blond ambré ponctué de reflets auburns - étaient tirés en une queue basse qui laissait à découvert le dessin discret mais distinctif de ses oreilles effilées : définitivement du sang des niveaux élevés, n’avait-il pu s’empêcher de penser. Une silhouette de peu de contraste, si ce n'était son regard qui tranchait, d’un lilas vibrant. Il se souvint avec nostalgie de son sourire timide - mais bien présent - qui avait laissé place à son froncement de sourcil…

Thar’vel avait immédiatement vu en lui un potentiel, une intelligence vive et une détermination qui lui rappelaient la sienne. Mais il avait aussi perçu quelque chose d’autre : une naïveté, une innocence, qui le rendaient vulnérable. Et ce sont tous ces aspects de sa personnalité qui avaient fait de lui l’outil parfait pour son plan.

Thar’vel l’avait alors pris sous son aile, lui offrant protection, conseils et opportunités. Il l’avait guidé à travers les méandres de la bureaucratie zytheorienne, lui avait appris à naviguer parmi les intrigues et les pièges de la bourgeoisie. Il l’avait félicité, consolé, écouté, avait fêté sa naissance et lui avait offert des cadeaux. Toujours présent, attentif à sa maturation… à l’affût du moment opportun.

Il n’avait pas prévu de s’attacher à Var’ek... Au début, il ne voyait en lui qu’un moyen, un instrument pour atteindre ses propres fins. Le serviteur avec le plus de pouvoir sur Zytheor… Un oxymore à lui seul. Car Var’ek n’en avait jamais vraiment eu conscience, mais sa voix portait presque autant que celle de la Haute Société. Par les Flux, il avait le pouvoir de moduler les décisions du Conseil !

Son intelligence, combinée à la protection qu’il lui offrait, lui avait permis d’asseoir ses positions et de rester en vie jusqu’ici. Le premier serviteur du Conseil à avoir occupé cette fonction douze rotations : une véritable réussite !

Au fil du temps, leur lien changea et Thar’vel commença à voir chez son protégé quelque chose de ce qu’il avait été plus jeune, mais aussi, une part de ce qu’aurait pu être l’enfant qu’il avait perdu. Cette réalisation l’avait rempli d’un sentiment de culpabilité qu’il ne pouvait ignorer… Pour autant, il n’avait pas dévié de son plan initial. Et maintenant, il ne pouvait plus reculer devant l’opportunité que représentait l’Accyum Pur. Le minerai qui incarnait la promesse d’une scission entre les différents gouvernements. Et qui, pour couronner le tout, se trouvait sur Lunaris : du pain béni !

Le message de Var’ek à peine reçu, il quitta son bureau sans un mot. La voiture attendait au seuil du domaine, silhouette basse, sans emblème ni fioriture, un bijou d’ingénierie silencieuse, toute en lignes fluides et en éclats métalliques discrets. Le chauffeur ne dit rien : il ne disait jamais rien. Le véhicule s’engagea alors dans une descente sinueuse, glissant entre les arches suspendues et les passerelles végétalisées qui reliaient les habitations. Dans ses pensées, il ne prêta plus attention au paysage qui défilait.

Il se souvenait encore du jour où il avait décidé de lui montrer La Fosse. Le jeune homme avait alors 17 rotations et Thar’vel savait qu’il était temps de lui ouvrir les yeux sur la réalité de Zytheor. Il l’avait emmené dans la ville, lui montrant dans un premier temps les ruelles sombres, la pauvreté et la servitude, la vraie, qu’il ne connaîtrait sûrement jamais. Puis, il lui avait montré l’entrée du marché noir, lui expliquant ce qu’il y trouverait, lui « interdisant d’y mettre les pieds ». Il avait vu la peur dans les yeux de Var’ek, mais aussi quelque chose d’autre, d’indéterminée. Curiosité malsaine ? Désir de liberté ? Goût pour le danger ? Peu importait à Thar’vel tant que le jeunot affûtait son regard sur son pays d’accueil.

Il n’avait pas fallu longtemps pour que l’apprenti conseiller descende, pensant passer inaperçu. Thar’vel n’était jamais loin quand il quittait La Tour. Son traceur l’aidait grandement à suivre ses déplacements. N’importe quel haut placé avait accès à ce type d’information avec le bon matricule. Il l’avait suivi à chacune de ses escapades, s’amusant de ses stratégies pour se fondre dans la masse. Saluant les hommes et les femmes avec lesquels il avait tissé des liens utiles à sa soif de réparation et de justice.

Il ne pouvait détourner son esprit des raisons qui l’avaient mené jusqu’ici…

Il avait aimé, profondément, avec pureté et naïveté. Il y avait cru, avait espéré…

Zar’tar Va’lun n’aurait jamais permis un mariage entre un homme de son rang - parti très convoité - et une femme de basse extraction, sans statut, ni fortune. Ils avaient donc dû se cacher : d’abord leur relation, puis la grossesse. Elle avait même résidé dans sa demeure en tant que servante durant deux rotations. La gestation démarrée, son véritable serviteur avait pris soin d’elle en son absence.

Mais elle avait perdu les eaux une phase en avance et été menée sur Lunaris en urgence. Thar’vel qui était à la cour de Zar’thar Va’lun, avait dû se départir de toute arme ou dispositif de communication et d’enregistrement. Il n’avait eu aucun moyen d’être prévenu. Et même si quelqu’un l’avait informé, ce système ne lui aurait pas permis d’accompagner sa compagne en tant que conjoint. Une relation - dans la haute société ou non - n’étant reconnue que par le mariage.

Si leur union avait été officialisée, cette situation n’aurait jamais eu lieu ! Il avait appris le départ de sa dame deux jours plus tard. Lorsqu’il était arrivé sur Lunaris, quelques pulsations après, on lui avait appris son décès en couche et celui de l’enfant à naître. Il n’avait pas eu la chance de la toucher une dernière fois, de récupérer sa dépouille et celle de l’enfant.

Les maîtres ne s’encombraient pas des sépultures de leurs serviteurs, encore moins d’une grossesse illégitime conclue par un enfant mort-né. Lunaris s’était chargée de la crémation et les préposés funéraires avaient répandu les cendres au gré des Flux qui entouraient l’île.

Fou de chagrin, il était rentré à Jrivan. Ses amis, les jours et les phases passant, avaient désespéré de le voir remonter la pente, ne comprenant pas sa dépression et ses idées noires. Le serviteur dans la confidence avait été licencié, après avoir été placé sous Scellarii Mnémonique, un procédé très rarement utilisé sur Zytheor. Thar’vel qui faisait confiance à cet homme, n’avait voulu prendre aucun risque inutile. Il l’avait donc replacé à la Tour des Flux au poste de gardien : un heureux hasard, pour l’évolution de ses idées. Il était ensuite resté seul et cloîtré deux rotations durant.

Un jour, il fut de nouveau convié à la cour de Zartar’Valun, une obligation à laquelle il ne pouvait déroger. Personne ne disait « non » au grand dirigeant de Zytheor, jamais. Lors de cette soirée mondaine, d’un ennui à mourir et d’une superficialité écœurante, il avait déambulé sans but, écoutant ici et là les conversations des uns et des autres. Une très jeune femme à la coiffure bouffante s’était extasiée de sa dernière acquisition ; « un enfant, elle allait avoir un enfant ! » Thar’vel se souvint avoir voulu rapidement passer son chemin, mais la phrase qui avait suivi l’avait retenu ;

[« N’étiez-vous pas infertile ? » avait demandé une autre.

« Oh je suis bien infertile. Non, n’oubliez pas que Lunaris permet à la Haute Société d’adopter des nourrissons »

« Vous allez avoir un bébé ! » s’était extasié son amie.

Une autre avait pris la parole ;

« Vous savez, une rumeur court. On dit que certains enfants sont pris à leurs parents puis ‘offerts’ au même titre que les enfants abandonnés » avait-elle ajouté en baissant le ton, grimaçant au mot offert, consciente de l’aberration de son propos.

« Voyons ma chère, les enfants recueillis sont sauvés. Soit de l’abandon, soit d’une vie de misère. N’êtes-vous donc pas ravie pour saï Sel'ryven ? »

« Si bien sûr, félicitations saï Sel'ryven »

« Vous êtes une nouvelle riche, saï Vireth'an. Vous apprendrez rapidement que Zytheor œuvre pour le bien de tous »

Le visage de la jeune femme s’était décomposé : ainsi la rumeur était vraie…]

Il se souvint avec une facilité poignante, de la boule qui s’était formée dans sa gorge, de ses mains moites, ou encore du vertige qui l’avait assailli. Il avait oublié ! Comment avait-il pu ne pas penser à cette possibilité ?!

La porte de l'ascenseur s'ouvrit, le renvoyant dans le présent. Il était arrivé là machinalement, tel un véhicule sur pilote automatique. Il sortit de l'habitacle de métal, rejoignit l'immense porte à double battant, en passa le pas et entra dans la bibliothèque. Là, son pupille l'attendait, l'esprit porté par une intense réflexion, le regard dans le vide, assis dans son coin favori.

— Var'ek Zhariel, mon petit, tu as besoin de mes services ?

— Quand allez-vous cesser de m'appeler ainsi ? Lui avait-il répondu avec agacement.

— Ne mentez pas, vous adorez ça.

Et c'était vrai, il pouvait le voir à ses yeux rieurs et sa moue.

— Passons. Avez-vous entendu parler de l'Accyum Pur sous Lunaris ?

On y était...

— Il faudrait avoir perdu la vie pour l'ignorer.

Thar'vel inclina légèrement la tête, masquant une fraction de seconde l'ombre qui passa dans son regard. L'Accyum Pur... Tout convergeait enfin. Et Var'ek venait de poser le pied sur un sentier dont il ne devinerait pas l'issue… Pas avant qu'il ne soit trop tard. Il se contenta d'un sourire mesuré, s'installant lentement face à lui, le cœur battant à tout rompre.

Il le regarda, détailla la tension dans ses épaules, l'impatience dans ses mains jointes, le feu dans ses yeux. Son protégé n'avait jamais eu conscience du poids qu'il portait, de l'influence qu'il exerçait sans même l'avoir cherchée. Thar'vel, lui, l'avait toujours su. Il l'avait tellement espéré...

— J'ai pensé que peut-être certains livres anciens pourraient aider ?

Il se prit à se demander, de nouveau, fugitivement, ce qu'il adviendrait si Var'ek apprenait la vérité. Non pas celle qu'il cherchait à lui induire, mais la réalité brute, impitoyable, de ce qu'il était en train de lui faire. Il fit mine de réfléchir à sa question, tiraillé par ses pensées. Mais ne se détourna pas de son objectif : il était trop tard pour les états d'âmes. Var'ek était de toute manière en droit de savoir, il était concerné, au même titre que tout Varhen. Son identité et ses origines resteraient au cœur de cet échiquier politique !

Une oscillation passa. Un instant suspendu. Il ne pouvait pas se permettre d'hésiter. Les dés étaient jetés depuis des phases.

— Les livres anciens ne vous seront d'aucune utilité, Nharos ne présentait pas ses problématiques liées à la natalité et bénéficiait certainement de ce genre de minerai en son temps ou peut-être pas, mais le sujet n'est pas là. Il n'existait pas de Ville-Etat sacrée comme l'est Lunaris non plus. Rien dans l'Histoire de Nharos ne va pouvoir vous aider dans votre situation.

— Vous ne me dites pas tout.

Évidemment que non…

— Il y a des questions qu'il est parfois préférable de ne pas poser, mais si vous insistez.

Sa main vint machinalement lisser la manche de sa tunique, un geste anodin, calculé. Il laissa le silence s'installer une fraction d'oscillations de plus, avant de pincer les lèvres et de hocher la tête d'un air entendu. Il était prêt à jouer son rôle.

Il le guida, du bout des mots, sans rien imposer. Des informations habilement posées, des réflexions lancées comme au hasard, laissant Var'ek les saisir et les faire siennes. Il entretiendrait le feu de son indignation, soufflerait sur l'ardeur de ses convictions, le pousserait doucement à envisager des angles qu'il n'aurait pas pris seul.

Thar'vel se sentait déchiré. Il avait passé des rotations à préparer Var'ek pour ce rôle. Nourrissant sa soif de justice, l'éloignant de la cruauté de ce monde dans l'optique de le confronter au choc qui allait suivre. Un choc qui le submergerait, ne lui permettrait pas de réfléchir et qui le pousserait à agir. Mais il ne pouvait s'empêcher de se demander s'il avait fait le bon choix. Il l'envoyait mener son combat à sa place...

— Nous ne sommes même plus en guerre !

— Ne vous y trompez pas, la guerre n'est jamais loin, vos recherches actuelles le prouvent.

— Donc, vous me suggérez de laisser entendre que la Matriarche pourrait révéler une seconde bombe pour dissuader les pays voisins dont Zytheor d'investir sa Terre ?

— Si c'est elle qui le fait, elle pourra aisément nier toute implication. Cette femme est adulée à travers le monde et tous les dirigeants le savent parfaitement. Rappeler les risques c'est ton travail, et c'est le seul levier en ma possession qui puisse t'aider un tant soit peu.

— Une révélation pareille aurait le même effet que la profanation des Terres de Lunaris ; la guerre. Cette fois, ce sont les peuples qui se soulèveront d'eux-mêmes, avec rage et détermination. Mais si le secret est maintenu dans les hautes sphères, il tiendra à distance pendant quelques temps tous les gouvernements qui convoitent l'Accyum Pur.

Tout était une question de perception. Et Var'ek, avec toute son intelligence, sa loyauté, était aussi un homme de cœur. Une qualité admirable. Une faiblesse exploitable. Thar'vel sentait la tension sous sa peau, une brève crampe dans la poitrine, une minuscule alarme que son esprit étouffa aussitôt. Il ne pouvait pas se permettre de s'arrêter sur ses doutes. Il ne pouvait pas se permettre de flancher ! C'était trop tard !

C'était fait, plus de retour possible. Il avait mis le serviteur le plus puissant de Zytheor dans la confidence d'un des secrets les plus honteux et cruels de Varhen. Thar'vel ferma les yeux furtivement, essayant de chasser ses pensées. Il n'aurait pas le luxe de douter maintenant, se répétait-il inlassablement. Le Conseil des Flux allait se réunir et Var'ek serait là, prêt à jouer son rôle. Thar'vel avait tout mis en place : tout était prêt !

— Je m'attendais à ce que cette information vous ébranle davantage mon petit.

Et c'était tellement vrai, qu'il en manqua de paniquer. Il avait tout pensé, tout fait pour que cette révélation impacte Var'ek, lui qui faisait peut-être partie de ces enfants kidnappés, vendus, livrés… Il perçut enfin la légère accélération dans la respiration de son pupille et se retint de souffler de soulagement.

— Je compartimente pour garder l'esprit clair, mais vous avez raison cette information va m'ébranler. Assurément.

Il prit une profonde inspiration, essayant de calmer ses nerfs. Var'ek était prêt, l'opportunité était là et le Conseil était sur le point de se réunir. Son protégé ne lui laissa pas le temps de reprendre la parole.

— Je vous remercie Thar'vel Lun'esh pour votre déplacement et votre honnêteté.

Il en aurait ri de dégoût de soi et de honte ! « Son honnêteté » ! Que ne fallait-il pas entendre...

— J'accepte vos remerciements pour le déplacement, mais ne me flattez pas pour ma lâcheté, j'aurais dû vous le dire il y a des rotations.

Il aurait dû lui expliquer, il aurait pu lui demander son aide, faire de lui un véritable allié. Il aurait pu ... Il aurait dû ...

— Ne vous accablez pas, ça n'aurait rien changé.

S'il savait ...

— Je vais m'accabler Var'ek Zhariel, et avec toute l'affection que j'ai pour vous, acceptez rapidement que cette information va vous changer, car il ne peut en être autrement.

En cette dernière phrase, tout était vrai. Il exprimait ses regrets lâchement, mais il le faisait. Et Var'ek lui faisait confiance aveuglément. Ça ne faisait que rendre les choses plus difficiles.

La pulsation pour la collation sonna.

— Je ne vous en voudrais jamais d'avoir voulu m'épargner l'incertitude et la blessure d'une potentielle trahison.

Thar'vel ferma les yeux un instant, il aurait voulu lui dire la vérité. Lui ouvrir les yeux sur les fils invisibles qui s'entrelaçaient autour de lui. Lui avouer que cette conversation n'avait rien d'innocent, que chaque mot était une brique de plus dans l'édifice qu'il érigeait depuis tant de rotations. Mais il secoua imperceptiblement la tête et releva les yeux vers Var'ek, avant de reculer d'un pas.

— C'est pour ça que je vous apprécie mon jeune ami, vous êtes trop bon pour ce monde. Bon courage et n'hésitez pas à me contacter, même s'il ne s'agit que d'états d'âme ou de chagrin d'amour.

— Passez une bonne journée Thar'vel Lun'esh.

— Zhal'theris en'dorath, mon petit.

Thar'vel se tourna lentement, comme s'il cherchait un appui sur lequel s'ancrer, mais tout ce qu'il trouvait était la sensation du vide, la lourdeur d'un air qu'il peinait à respirer. Pas un mot de plus ne franchirait ses lèvres : il en était incapable.

Il s'éloigna d'un pas mesuré, sans se presser, comme si sa propre volonté ne suffisait plus à faire avancer son corps. La honte lui serra la gorge à chaque mouvement, l'étouffant d'une culpabilité si vive qu'il n'eût pas la force de jeter un regard derrière lui.

Les portes de la bibliothèque se fermèrent dans un cliquetis sec, comme la fin d'un chapitre qu'il n'avait pas osé écrire. Il se retrouva dans le couloir, seul dans l'ombre projetée par les grands murs de pierre. Rien n'avait changé dans l'apparence de l'endroit et pourtant tout en lui se recroquevillait à chaque pas.

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