Chapitre 23.5

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— Le problème est donc réglé, conclut Teutatès. En conséquence, nous n’accéderons pas à ta demande, Amaterasu.

Son ton résumait bien le côté expéditif de l’affaire.

Amaterasu ne l'entendait pas de la même manière.

— Alors c’est comme cela ?

— C’est comme cela, confirma Horus. Que cela te plaise ou non, il faudra t’y faire. Nous ne pouvons accepter de répondre à une demande dont les intérêts sont uniquement personnels alors que nous devons œuvrer pour le bien de notre communauté.

— Elle sort d’où, celle-là ? s’étonna Divona. Depuis quand formons-nous une communauté ?

— Justement ! gronda Horus.

— C'est bien le moment de devenir philosophe.

— Tu es libre de le croire, Divona. Mais nous devons évoluer. C'est cela ou la mort assurée.

Son ton n’admettait aucune autre réflexion sur ce point.

La déesse asiatique le comprit et haussa les épaules en descendant de son estrade. Intérieurement, elle était furieuse et une foule de mots grossiers à l'encontre de Horus et de ses partisans se bousculait dans son esprit. Et même si elle avait une grande envie de les prononcer à voix haute, elle choisit de les garder pour elle. Elle se disait aussi que, tôt ou tard, ils s’en mordraient les doigts.

— Tout cela n’est que simulacre, se dit-elle en rejoignant sa place, auprès de Priape.

Il adhérait totalement à son point de vue et l’exprima par un sourire affligé qui se transforma en une grimace malgré lui, à cause de sa joue creuse.

La mort aurait pu sourire que cela aurait exactement été du même effet.

Pour une fois, il éprouvait une vague compassion pour une créature du sexe opposé. Oui, il comprenait sa frustration. Oui, il était d’accord avec tout ce qu’elle avait dit, et même avec ce qu’elle avait pu ou pourrait faire… Il n’aurait pas agi autrement… en pareilles circonstances.

Il y eut un bref silence avant qu’une petite voix se fasse soudain entendre.

— De toutes les façons, sa requête, C’était juste pour la forme. Elle savait à quoi s’attendre. Je parierais même qu’elle avait prévu comment cela se déroulerait, et qu’elle se passera très bien de votre autorisation pour accomplir sa vengeance. En tous les cas, moi, à sa place, C’est ce que je ferais.

D’un mouvement parfaitement synchronisé, vingt-six paires d’yeux, dont celle d'une Amaterasu à peine assise, se posèrent simultanément sur la jeune Circé en essayant de deviner jusqu’à quel point elle était sérieuse.

Seule, Calliope resta de marbre comme si elle était aussi sourde que sa supposée maîtresse était aveugle.

La magicienne avait la voix de l’enfant qu’elle semblait être et la conviction d’une adulte. Avait-elle, elle aussi, des raisons de haïr Baal ? Et, surtout, si elle se sentait de taille à titiller un dieu exilé réputé dangereux, l’un d’entre eux devait-il la craindre ?

Dercéto, elle, ne put s’empêcher de sourire. Elle avait pensé, en partie, la même chose que la jeune fille. Cependant, elle l’aurait exprimé d’une manière beaucoup plus fleurie si Circé ne l’avait pas prise de court. Bref, personne n'empêcherait Amaterasu d'attaquer Baal d'une manière ou d'une autre. Peut-être même que certains l'espéraient.

C’était assez inhabituel de la part de la jeune fille qui ne s’était jamais intéressée aux petites querelles qui animaient généralement les Conseils.

— On n’aurait pas d’autres problèmes plus urgents à régler ? interrogea soudain Scáthach de sa voix éraillée, et inhumaine.

Puis elle renifla bruyamment à plusieurs reprises.

Quelque chose agaçait ses narines hyper sensibles.

Elle jeta un coup d’œil furibond à Dercéto qui, non loin d’elle, s’aspergeait le fond de la gorge avec un vaporisateur à parfum.

Ne sentant absolument rien, Esmelia ne pouvait affirmer s’il s’agissait réellement de parfum ou bien d’un alcool quelconque.

Certaines espèces extraterrestres pouvaient s’enivrer avec un verre de lait.

En tous les cas, la Dræganne avait l’air de savourer autant ce qu’elle avalait que le fait d'agacer profondément Scáthach.

— Si j'ai bien compris, on va encore continuer à parler de lui, ajouta Divona toujours revêche. Décidément, on l’a viré du Conseil et on ne l’a pas invité à la moindre réunion depuis des lustres, encore moins à celle-ci, mais il n’aura jamais été aussi présent. Je me demande bien ce que nous ne savons pas encore à son sujet. On devrait peut-être lui faire porter le qa’mus dans ses appartements, sur ton vaisseau, Rhadamanthe.

— En fait, je l’avais invité à se joindre à nous, lui répondit Dercéto d’une voix tranquille comme s’il s’agissait d’une simple formalité. Il a refusé.

Divona la regarda en se demandant si elle avait été suffisamment stupide pour le faire ou non, ou s’il s’agissait seulement d’une provocation. Elle finit par décider que Dercéto l’avait bel et bien fait.

— Manquerait plus qu’il ait accepté, finit-elle par lâcher. D'un autre côté, je me demande bien pourquoi il a refusé. Autrefois, il aurait sauté sur l’occasion.

La discussion prit soudain un autre tour.

— Quelle sont nos forces actuelles ? demanda Anat.

Sa question ne s’adressait à personne en particulier.

Ce fut Apollon qui lui répondit en se levant de son siège et allant se placer sur la dalle centrale, là où s’était tenue Amaterasu, quelques instants plus tôt.

Son physique d’athlète attirait les regards féminins, et les "mâles" le lui enviaient. De sa voix forte et claire, il ne ménageait habituellement pas ses effets pour capter l’attention de l’assistance. Tant et si bien que l’on finissait par en oublier son corps musclé, et quasiment nu. Son visage aux traits déterminés était, quant à lui, diablement avenant.

— Notre situation est aussi simple que limpide : tout ce qu’il reste de notre… peuple… se trouve ici ou presque. Stationné en orbite de Lahassa. Quant aux civilisations que nous avons édifiées… Autant dire qu’elles n’existent plus.

Un murmure d’effroi parcourut l’assistance.

— Vous… vous voulez dire que… que nous ne sommes plus que… que vingt-sept…

Taranis se souvint soudain qu’au moins un Drægan n’était pas présent.

— … enfin vingt-huit…

— Compte tenu de ceux qui ont répondu à notre appel, un peu plus, admit Apollon. Et tous ne sont pas venus. Certains ont préféré continuer à se tapir au fin fond de la galaxie. Leur situation est telle qu’ils ne survivront, hélas, pas longtemps sans notre aide. Autant vous le dire dès maintenant, certains d’entre nous, ici présents, mourront aussi dans les jours, dans les semaines, ou dans les mois à venir.

— Parle pour toi, beau gosse, fit Divona. Moi, je ne compte pas m’éterniser dans les parages quand la communauté s'éparpillera au quatre vents, et j’ai pris toutes mes précautions.

— Si tu penses que ce sera suffisant, libre à toi, lui répondit Apollon.

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