Chapitre 25.1

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Esmelia aimait imaginer les milliards de planètes de la galaxie comme un ensemble de particules flottantes et dansantes dans les rayons du soleil, derrière les carreaux d’une pièce. Certaines pouvaient se rapprocher, se tourner autour, se percuter. Tout un univers se trouvait ainsi isolé entre les murs de la pièce. L’une des façons d’en voir de nouveaux était d’en sortir pour entrer dans une autre pièce.

Anat avait vaguement écouté les hypothèses d'Era en hochant la tête, mais son regard trahissait des pensées qui l'avaient éloignée du sujet. L'impétuosité de l'ancien dieu mésopotamien lui en rappelait un autre, et les bons moments qu'elle avait pu passer à ses côtés. Elle interrompit néanmoins sa rêverie sans doute un peu trop romantique en ces instants :

— Ceux qui ont survécu au Mal Sombre, comme nous le surnommons chez nous ne sont pas faciles à convaincre, dit-elle. Ce n’est certainement pas parce qu’ils sont potentiellement en état de faiblesse que les Barakins, comme les autres, seront faciles à convaincre. Je suis même prête à parier qu’ils refuseront toute forme d’alliance. Contrairement à nous, ils n’ont rien à perdre, et surtout rien à gagner.

Apollon acquiesça :

— Les Barakins sont difficiles à comprendre, voire impossibles. Ils sont trop différents de nous, confirma Apollon. Nous pouvons juste tenir pour acquis le fait qu’ils nous considèrent comme inutiles, mais aussi dangereux qu’eux.

Anat hocha la tête en signe d’assentiment.

— En nous alliant aux Dananns, aux Keynaanides et aux Nordhals, nous représenterions pourtant une force non négligeable, et une menace évidente pour nos ennemis, consentit-elle. Et qui sait si d’autres peuples ne nous rallieraient pas alors ?

— N’est-ce pas, justement, ce que nous souhaitons ? s’exclama Shamash.

— Encore faut-il les trouver. De plus, nous devrons être attentifs aux termes de nos alliances.

— Bien sûr, sauf que nous pouvons aussi craindre que cet ennemi se contente d’éliminer systématiquement les espèces dominantes telle que la nôtre, celles qui lui sont inutiles, et laisser vivre en paix toutes les autres. Alors qui acceptera de nous suivre ? Ou plutôt, qui refusera d’être contre nous ?

— Peut-être, grommela Erra. Peut-être pas. Peut-être allons-nous devoir redouter plus d’une seule menace.

— Pourquoi s’inquiéter alors ? Attendons que la mort vienne nous surprendre, comme l’a si bien dit Teutatès !

Shamash n’était pas du genre à se laisser démoraliser ou à s’avouer facilement vaincu.

— Sait-on ce qu’il advient vraiment de ceux qui ne sont pas exterminés ? interrogea d’une voix douce et musicale la frêle Damona. Les Barakins que vous avez capturés, Chancelier Apollon, vous l’ont-ils dit ?

— Nous l’ignorons, avoua-t-il. Peut-être sont-ils réduits en esclavage, ou deviennent-ils des objets de torture, ou encore une forme de nourriture. Nous ne savons rien de la partie de l’univers d’où ces envahisseurs viendraient. Alors ils pourraient tout aussi bien vendre leurs prisonniers comme esclaves à des civilisations vivant dans d’autres galaxies, dont nous ignorons tout, ou même dans des systèmes se trouvant dans les territoires inexplorés de notre propre galaxie.

— Par tous les dieux ! s’emporta soudain Divona. Nous ne connaissons même pas leurs motivations. Avouons-le une bonne fois pour toutes, nous ne savons rien. Les Barakins vous ont-ils au moins dit à quoi ils ressemblent ?

— Cela aussi nous l’ignorons, avoua Apollon.

— Rien de rien ! Bref, nous allons nous faire décimer en beauté sans savoir par qui, quand et comment. Au moins, on peut supposer le pourquoi.

— Quelqu’un pourrait le savoir en allant y voir de plus près. Mais il sera extrêmement difficile à convaincre.

— Ne me dites pas qu’il va encore être question de… LUI, grogna Divona.

— Moi, ce qui m’intéresse à son sujet, c’est de savoir comment il a pu disparaître aussi longtemps, en se faisant passer pour mort en plus.

Tous les regards convergèrent de nouveau sur Erra qui ajouta faussement étonné que personne n’ait compris le fond de sa pensée :

— Le savoir pourrait nous servir contre nos ennemis.

— Il est hors de question que nous nous terrions comme des Scrudges, ces horribles petits insectes informes et visqueux, s’affola Metis.

Elle semblait à la limite de l’apoplexie.

Sa remarque fit sourire quelques Drægans de part et d’autre.

— Croyez-moi, assura Teutatès. Lorsqu’on veut échapper à Cottos et à sa recherche de la Perfection Absolue, on est prêt à se cacher n’importe où et aussi longtemps qu’il le faut. On devient plus imaginatif que jamais.

Cottos…

Ce nom fit frémir la plupart des Drægans présents.

Aucun n’avait eu à le rencontrer jusqu’alors, et pas un ne le souhaitait. La réputation de ce Drægan était tellement horrifiante qu’elle justifiait que son nom ne soit pas prononcé à la légère.

En même temps, il relevait quasiment du mythe. De lui, ils ne savaient que peu de choses.

Cottos entretenait de vastes prisons sur une planète nommée Tartar. Il ne vouait sa vie qu’à ses deux principaux sujets de recherche : l'un sur le perfectionnement de l’espèce dræganne, et l'autre sur les façons, tantôt les plus lentes et raffinées, tantôt les plus expéditives et cruelles, de supprimer ses ennemis. Nul ne doutait que ses recherches étaient entremêlées de manière inextricable.

En tous les cas, personne n’ignorait, parmi les Drægans présents que Baal avait été condamné par deux fois à séjourner chez Cottos.

L’une par Héra, mais ils en ignoraient les raisons même s’il en avait une vague idée, l’autre par eux tous ou consentement commun pour planéticide.

Par deux fois, il en était sorti vivant.

Deux personnes, seulement savaient ce qu’il avait pu subir dans cet enfer, et durant combien de temps : Cottos, et Baal lui-même.

— Une perfection totalement pervertie au-delà de tout ce que la plupart d’entre nous peuvent imaginer, fit remarquer Teutatès devinant les dernières pensées de ses pairs.

— Il n'est pas question de nous terrer, mais de disparaître, le temps que l'ennemi poursuive sa route vers une autre galaxie, insista Erra

— Peut-on supposer que Cottos se soit allié avec cet ennemi ? interrogea Apollon dédaignant la proposition d'Erra.

— Alors, nous pourrions lui demander son aide, suggéra Moccus.

— Ce serait impensable ! protesta Priape.

Certains étaient d’accord avec lui, mais d’autres évaluèrent cette possibilité.

— Le prix serait beaucoup trop élevé, connaissant Cottos, de réputation du moins, ajouta Priape.

— Il a raison, acquiesça Horus. Je parle en connaissance de cause, car il fut un temps où Cottos et moi étions alliés, peut-être amis. Mais ce temps est loin, et les travers qu'il avait à l'époque n'ont pu que s'accentuer depuis.

— Depuis quelque temps, une rumeur dit qu’il a un assistant… ou un élève, rapporta Anat.

— Je l’ai aussi entendu dire, confirma Teutatès. Cottos a toujours été un peu particulier. Ses expériences... On raconte qu’il a commencé par les faire sur lui et cela l’a rendu… Disons, très différent de ce qu’il était ou de ce qu’il aurait dû être... Différent de nous. De nous tous.

— Et fou, aussi, ajouta Horus.

— Et fou, acquiesça Teutatès.

— Et donc difficilement manipulable, renchérit Apollon.

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