Chapitre 33.5

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Elle se rendit compte que Will lui parlait...

— D’après ce que je sais d’elle, Jor Pʘnyl est devenue chasseuse de primes.

— Elle l’a toujours été, lâcha Baal en aidant l’un de ses Labirés à attacher une dernière caisse sur un chariot avant de la pousser vers la porte. C’est dans sa nature. Les représentants de son espèce sont très forts dans ce domaine.

— Nous devrions nous presser, suggéra Grama en criant à travers le vacarme. Elle est loin d’être stupide. Elle doit déjà avoir compris que nous avions un moyen d'évacuer le vaisseau.

— Je ne vois pas comment elle pourrait savoir que nous possédons un moyen de transport autre que nos vaisseaux, lui répondit Baal de la même manière.

— La Jor Pʘnyl que j’ai connue était quelqu’un de très intelligent, dit Will. Mais aussi quelqu’un de bien à l’époque.

Dans sa voix, perçait une once d’admiration qui n’échappa pas à l’ancien dieu.

— Vous avez envie de la rejoindre, MacAsgaill ?

La question était inattendue de la part de Baal. Il semblait vraiment sérieux.

Will s’en trouva pris au dépourvu.

— Je… Enfin… Vous… Nous…

— Décidez-vous, MacAsgaill, le temps presse.

— Vous n’êtes pas sérieux, je suppose.

— Bien sûr que si.

Il semblait l'être... Il l’était.

— Alors, c’est non.

Il n’y avait aucune hésitation dans la voix de Will. Au contraire, il semblait n’avoir jamais été aussi sûr de lui.

Baal s’arrêta net et le scruta droit dans les yeux.

Pour la première fois, il avait l’air sincèrement surpris.

Le chariot qu’il poussait repartit en arrière à la secousse suivante. Il fit de son mieux pour le retenir. Le labiré qui peinait lui aussi à la retenir étouffa quelques jurons.

Dès qu’il s’en aperçut, Grama vint à leur secours. Le labiré et le chariot entrèrent dans la Bouche et disparurent.

Baal semblait les avoir instantanément oubliés pour se concentrer sur Will.

— Cette fois, c’est à moi de vous demander si vous êtes sérieux, Will MacAsgaill ? Est-ce notre dernière sortie qui vous a fait changer d'avis ?

— Non, pas vraiment. Mais disons que, depuis peu, je me sens… plus utile et plus en sécurité loin de l’AMSEVE.

— Plus en sécurité ? s’étonna Grama en faisant passer la caisse dans la bouche.

Pour lui, les paroles de Will relevaient le plus souvent de la plaisanterie idiote. Puis comprenant qu’il était intervenu en lieu et place de son maître, il haussa les épaules, considérant que cela ne le regardait pas.

— Et je préfère être du côté de ceux qui ont le plus de chance d'emporter la partie dans le match pour la survie. Même si ce n'est pas forcément du côté de ceux qui ont la meilleure réputation en matière d'honnêteté. Du moment qu'on reste en vie, et à peu près droits dans nos bottes, cela me convient.

Esmelia étouffa un sourire d’amusement.

Baal s’approcha de Will.

— Tant mieux, dit-il simplement. J’en suis heureux. Cela m’aurait ennuyé de perdre le seul médecin de ce vaisseau.

— Je ne suis pas médecin, protesta Will dans un faible soupir comme s’il avait renoncé à ce que l’ancien dieu comprenne la différence entre un médecin et un exo-archéologue, ou un historien.

— Chirurgien alors…

— Et je ne suis pas chirurgien non plus.

— En tous les cas, faute de mieux dans ce vaisseau, vous êtes MON médecin et MON chirurgien.

— Sauf qu’il n’en reste plus grand-chose de votre vaisseau, osa Will. Ce n’est plus qu’une question de temps pour qu’il soit atomisé, et nous avec si nous n’évacuons pas immédiatement. Dommage, je commençais à m’y habituer.

Combien de fois l’avait-elle entendu dire qu’il aurait préféré être ailleurs que dans le vaisseau de Baal, n’importe où, même sur la Terre s’il n’avait pas d’autres choix ? Assez peu finalement ces derniers mois.

Elle se demandait ce qui l’avait fait changer d’avis. Et depuis combien de temps ? Ils avaient tous évolués, mais elle ne pouvait s’empêcher de se demander si Will avait vu, entendu, fait ou compris quelque chose qui l’avait exposé, voire perturbé pendant leur expédition secrète ?

Et si Will avait été parasité, lui aussi, par un Drægan ?

Elle n’avait pas senti de présence étrangère en lui. Par ailleurs, ce n’était pas la façon de faire des Drægans. Du moins pour autant qu’elle le sache.

À moins que ce soit à cause d’elle…

Baal se rapprocha d’eux et tendit une dague à Esmelia :

— Je tiens particulièrement à cet objet. Votre ami vous expliquera pourquoi. Je vous la confie. Moi, seul, vous la réclamerai. Si tel n’est pas le cas, alors méfiez-vous. Certains Drægans sont capables de prendre une apparence différente de la leur. J'ai laissé pas mal de sang dans certaines batailles. Quelques gouttes suffisent pour qu'ils se transforment en une version de moi. C'est un processus rarement utilisé, et extrêmement douloureux. Mais la prime sur ma tête vaut bien ce sacrifice. D’autres pourraient en avoir besoin pour me retrouver…

— Comment le pourraient-ils ?

Au lieu de lui répondre, il s’adressa à Will :

Le Pʘnyl que vous avez connu n’existe pas. Il avait une mission à remplir, et il l’a sûrement très bien exécutée.

Esmelia eut un frisson. Elle n’avait passé que quelques jours à l’AMSEVE, mais l’idée que la Capricorne ait laissé des mouchards dans la base, ou des surprises d’un genre plus meurtriers l’horrifiait. L’AMSEVE avait encore un rôle à jouer dans la suite des évènements. Ses membres, ses lieux, ou un objet qui s'y trouverait, elle n’aurait su le dire. Mead’ avait-elle la réponse ? Elle eut beau chercher, en vain. Aucune réponse ne lui vint à l'esprit.

— Une dernière chose, ajouta le Phénicien. N’allez surtout pas croire, Will MacAsgaill que Jor Pʘnyl voulait vous renvoyer à l’AMSEVE. En tous les cas, il ne l’aurait pas fait sans vous avoir soutiré, de gré ou de force, tous les renseignements qui lui aurait échappés durant son séjour sur la Terre, ou ce que vous faisiez sur Feloniacoupia, et avec moi… Je vous l’ai dit, l’être que vous avez connu n’existe pas. C’était juste un rôle parmi d’autres qu’il connaît par cœur pour les avoir joués au sein des Isseï Baccaï. Cela a coûté la vie à deux de leurs dirigeantes.

— Ce n’est pas il, mais elle, le contredit Will. Et je connais bien Jor, elle n’est pas comme cela.

Sa voix, son attitude indiquaient néanmoins qu’il n’en était plus aussi certain.

— C’est la preuve que vous ne la connaissez pas. Elle peut être mâle ou femelle selon sa volonté. En fait, elle est les deux à la fois selon le point de vue terrien. Pour d’autres civilisation, elle n’est ni l’un ni l’autre.

— Je ne comprends pas, admit Will.

Will regarda Esmelia, cherchant un soutien qu’elle ne put lui donner. Elle aussi n’aurait pas su dire que Pʘnyl était autre chose que ce qu’elle semblait être. Comme elle...

— Vous avez encore beaucoup à apprendre Will MacAsgaill. Et j’espère que j’aurai encore l’occasion de vous donner quelques leçons sur la vie extraterrestre, ou bien d’autres choses.

Cette fois, Esmelia ne se retint pas de sourire.

Will acheva de la sangler.

— Je crois qu’il a raison, Will. L’univers est vaste, lui chuchota-t-elle.

Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n’en rêve votre philosophie, leur cita Baal avant de s’éloigner.

— Je ne serais pas étonné qu’il ait connu Shakespeare, soupira Will.

— Et qu’il ait pris quelques cours de théâtre auprès de lui en échange de quelques anecdotes drægannes, ironisa Esmelia.

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