Chapitre 35.3

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Esmelia comprit que chacune des cartes devaient contenir des données que Will avait triées et ordonnées pour obtenir deux trajectoires de voyage qu'il avait ensuite réenregistrées sur ces mêmes cartes par simple contact avec l’écran de sa tablette. Bref, elles foctionnaient comme des clés à mémoire intégrée. 

Lorsque Will voulut lui rendre la première, Baal refusa :

— C’est une clé, confirma-t-il. À chaque étape ou chaque arrivée, si vous préférez, elle vous donnera les coordonnées à entrer pour actionner le passage suivant, lui expliqua-t-il.

Will allait la ranger dans le sac des premiers secours, mais Baal le prit de vitesse en lui attrapant le poignet, puis le pouce. Lui ordonnant fermement à ne pas le bouger, il l'apposa sur la carte.

— Vous y perdrez votre doigt si vous essayez de le retirer, le prévint-il.

Esmelia vit une expression douloureuse passer sur le visage du scientifique, et les larmes lui monter aux yeux. Sa mâchoire se contracta.

Lorsqu’il put enfin retirer son pouce, celui-ci était rouge comme s’il venait de le passer sur une flamme. Il jeta un regard mauvais au Drægan qui ne sembla pas s’en offusquer.

— Il suffisait simplement de me demander, maugréa l'Écossais. Et puis, vous auriez pu prévenir que c'était bien plus douloureux qu'une piqûre. 

Baal lui tendit la carte, pour de bon cette fois.

Esmelia remarqua une lueur d'amusement dans ses yeux. Malgré leur situation déspérée, l'ancien dieu prenait encore du plaisir à leur jouer des tours.

Will hésitait à prendre l'objet.

— Rassurez-vous, elle ne vous brûlera plus. Vous seul pourrez la lire et personne d’autre que vous. Il vous faudra juste trouver la serrure du portail que vous souhaitez utiliser, ou ce qui y ressemble le plus.

Perturbé par la fumée, le Drægan eut une quinte de toux. Il dut la calmer pour poursuivre :

— Vous avez encodé sur votre carte, comme sur la mienne, les coordonnées de chaque portail par lesquels nous devrons passer, reprit-il d’une voix éraillée. Les vôtres se déverrouilleront à chaque fois que vous passerez votre doigt sur la série de chiffres qui s'afficheront sur la carte avant de les passer sous le faisceau lumineux. C'est une sécurité en cas de perte ou de vol, ce que je ne vous souhaite pas.

— Ce sont des chiffres ?! s’étonna Will en regardant de plus près les fameux chiffres qui n’avaient rien à voir avec ceux romains, arabes ou d'autres formes d'écriture qu'il avait étudiées à l'AMSEVE.

Malgré l'affirmation de Baal, il restait perplexe. Ce qui ne l'empêcha pas de poser une autre question :

— Quel faisceau lumineux ?

L’ancien dieu phénicien sembla ne pas l'entendre et poursuivit :

— Passez la carte devant ce qui vous semblera être un verrou jusqu’à ce qu’un faisceau lumineux relie l’une à l’autre. Cela signifiera que le code d’accès fonctionne et que le portail devrait s’activer. Il est aussi possible qu’il y n’ait pas de faisceau lumineux. Vous serez alors obligé de débloquer la serrure manuellement. Si la carte vire au noir, c’est qu’il faut rechercher une autre porte que celle par laquelle vous êtes arrivés.

Joignant le geste à la parole, Baal passa la carte sous le linteau du portail. Un faisceau vert se posa immédiatement sur elle.

— Comment ça la « débloquer manuellement », s’inquiéta encore Will.

Baal ne répondit pas exactement à sa question. Il dut se racler la gorge pour éviter de tousser à nouveau.

— Il y a parfois des leurres ou des protections à retirer comme une trappe, ou bien de la terre, des pierres, des racines.

— Et si cela ne fonctionne pas ? Ou si je n’ai le droit qu’à un nombre limité d’essais ?

— Vous trouverez un moyen, j’en suis certain, le rassura Baal.

Will en était visiblement moins persuadé que lui.

— Un dernier conseil, ajouta celui-ci en désignant Esmelia qui venait de se rapprocher d’eux. En même temps, il secoua la carte sous le nez du Terrien.

— Ne la perdez pas.

Elle se demanda s’il parlait d’elle, ou de la carte qu’il avait donnée à Will.

Puis, il s’adressa à elle sans équivoque :

— Et vous, ne le perdez pas ! Sinon, je pense que je reviendrai facilement sur ma décision de ne pas vous balancer dans l’espace lorsque nos chemins se croiseront à nouveau. Même si cela devait advenir dans un lointain futur. Je n’oublie jamais rien.

Avant qu’elle ait pu ajouter quoi que ce soit, il la poussa dans la bouche, sans violence mais assez fermement pour qu’elle ne lui oppose aucune résistance.

Will et elle avaient donc fui en prenant le chemin le plus court.

Baal, quant à lui, devait prendre le plus long après avoir enclenché l’autodestruction de son vaisseau.

Will lui avait expliqué le plan de Baal après leur première traversée, lorsqu'ils s’étaient retrouvés dans une clairière plutôt agréable avec sa mousse d’un jaune pissenlit et entourée d’immenses arbres rouges. La serrure du portique d’où ils étaient sortis ne fut pas difficile à trouver, mais ils durent attendre quelques minutes avant qu’il se remette en éveil. Ce qui laissa le temps à Will de lui expliquer ce que Baal et lui avaient mis au point : non seulement, en prenant deux routes, ils tromperaient leurs éventuels poursuivants, mais la destruction du vaisseau empêcherait ces derniers de retrouver leurs traces facilement. Il espérait néanmoins que Baal ait réussi à s’échapper avant la destruction du vaisseau.

Will lui avait expliqué que les signatures énergétiques des sauts successifs s’entremêleraient suffisamment pour perturber tous les potentiels systèmes de pistage de leurs poursuivants. Avec de la chance, ceux-ci perdraient leurs traces après trois ou quatre bonds dans les bouches. Au cas, non exclu, où l’un d’entre eux serait capable d’ouvrir les portails, il faudrait encore que tous ceux qui seraient conduits à les franchir soient assurés de ne pas en subir les effets nocifs. Il s’agissait, selon Baal, d’un moyen d’autodéfense que les bouches avaient sans doute développé pour se protéger d’une exploitation intensive ou contre les corps étrangers. Cette dernière supposition conforta Esmelia dans son idée qu'elles étaient hantées par des entités. Will et elle, comme Baal, étaient devenus des Jonas emportés dans un voyage à travers des mondes inconnus par une étrange baleine.

Au moins, il y avait donc très peu de chances pour qu’ils soient suivis. Il restait que leurs possibles poursuivants pouvaient bénéficier d’un moyen de transport inédit, ou de la chance elle-même.

La galaxie était vaste, et les civilisations nombreuses. Le niveau technologique de certaines d’entre elles surpassaient celui des Terriens, de très loin. Il existait forcément des moyens de voyager d’un point à un autre de la Voie Lactée qui ne faisaient pas appel aux portails. Dans le fond, sur la Terre, toutes sortes de moyens de transport se côtoyaient. Alors pourquoi pas dans le reste de l’univers ? C’était juste une question de temps entre le départ et la destination.

Pourquoi certaines civilisations extraterrestres n’auraient-elles pas mis au point leurs propres moyens de transport, à l’échelle de l’univers, parallèles aux bouches et à leurs tunnels ? Qui savait s’il n’y avait pas des passages différents et plus rapides que les bouches ?

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