Chapitre 11.4

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— S’ils ont quasiment tous disparu, ils ne doivent plus représenter un grand danger.

— Ça, je n’en mettrai ni ma tête, ni ma main à couper. On n’entend plus parler d’eux. Cela ne veut pas dire qu’ils ont disparu définitivement.

— Je comprends : les survivants peuvent s’avérer être plus dangereux.

D’un petit mouvement du menton, il désigna Baal.

La preuve, lui, il serait même revenu plusieurs fois d’entre les morts.

— À ma connaissance, il est le dernier représentant d’une grande maison ou d’une famille divine encore existant.

— C’est possible, ça ? À votre avis, quel âge a-t-il ?

— Difficile à dire. Il pourrait avoir deux mille ans environ, ou le double.

— Un jeune homme, comparé à cet Isteme-Rê.

— Et à d’autres plus anciens, répondit-il sans la moindre intention de faire de l’humour.

Elle ne put s’empêcher de pencher la tête pour l’observer à nouveau.

Baal le remarqua et leur tourna ostensiblement le dos. Il savait qu’il était leur sujet de conversation. Y prenait-il plaisir ?

D’après le portrait peu flatteur que Will venait d’en dresser, ce n’était pas l’humilité qui étouffait l’espèce.

— Un âge qui vous coûte plus cher en bougies qu’en gâteau, lâcha-t-elle avec un léger sourire.

À peine avait-elle dit cela que Baal se retourna vers eux. Avait-il entendu sa remarque ? Dans ce cas, il avait l’ouïe incroyablement fine. Elle croisa son regard et y vit une lueur moqueuse. Elle se sentit rougir, mais le soutint.

Pendant ce temps, le Batracien échangeait de nouveau quelques mots avec l’un des trois asiatiques.

Baal était-il réellement coupable de tout ce dont on l’accusait ? Une autre question qu’elle s’était souvent posée lui revint à l’esprit : quel serait son rôle dans toute cette histoire ?

Un sourire, encore plus carnassier que les précédents, se dessina sur les lèvres du Drægan.

Elle réprima néanmoins un frisson tandis qu’il retournait à sa transaction. Elle ne craignait pas les monstres.

— Bien conservé pour un vestige archéologique mais du genre à garder enfermé dans une vitrine ou une chambre froide, en conclut-elle en se tournant vers William MacAsgaill.

Il parvint à sourire. Cette fois, il avait compris son humour, bien que cela n’avait pas été son premier souhait.

— Je ne vous contredirai pas là-dessus.

Son regard bleu se posa sur les quatre Drægans qui discutaient. Le ton devenait de plus en plus vif entre les trois plus jeunes. Ils étaient en parfait désaccord. La force du nombre se transformait en faiblesse.

— J'ignore jusqu’à quel âge peut vivre un Drægan. Ils n’ont pas que le clonage comme technologie supérieure à la nôtre. Ils ont sûrement des connaissances scientifiques qui leur permettent de ne pas vieillir vite, en plus de vivre très longtemps. Ou de guérir de blessures et de maladies mortelles ou invalidantes qui le sont tout autant. Ils les ont sûrement acquises au contact d'autres civilisations. Sur la Terre, beaucoup d’Humains seraient prêts à prendre des risques pour posséder de telles technologies. Les membres de l'AMSEVE et tous ceux qui les financent en font partie. Il y en a même pour trouver que cela ne va pas assez vite, que les retombées des missions sont insuffisantes par rapport aux moyens financiers investis, que nous ne prenons pas assez de risques, humainement parlant.

Elle n’en doutait pas. La cupidité de certains humains était connue. Néanmoins, à l'échelle de l'univers, ils n'en avaient pas l'apanage.

Elle revint à un sujet qui l'intéressait nettement plus.

— Concernant la prétendue résurrection de Baal, il existe une autre possibilité, suggéra-t-elle. Le voyage dans le temps. Imaginez que le CET permette de voyager plus vite que la lumière. Ainsi, votre amie tue le Drægan à l’instant Y, mais revient à l’instant X, C’est-à-dire à un moment où elle ne l’a pas encore tué. Sauf qu’elle, elle se souvient l’avoir tué, alors qu’en réalité… il est encore bien vivant.

William MacAsgaill prit un temps de réflexion avant de répondre.

— On n’a encore jamais vu ça avec le CET.

— Parce que vous n’en êtes qu’au début de son exploitation. À l’AMSEVE, tout le monde suppose que ses possibilités vont bien au-delà de ce pourquoi on l’utilise.

Pourraient aller bien au-delà, la reprit-il. Il a été bridé par les chercheurs de l’ATIDC. Les risques sont beaucoup trop grands. C’est pour cette raison que nous sommes tous soumis à un lourd protocole avant, pendant et après son utilisation, et que nous ne pouvons voyager avec que manière limitée.

— Je sais : pas plus de cinq voyages par personne. Au-delà, le corps humain en subit les conséquences.

L’écossais acquiesça, et pour la première fois, sembla se détendre.

Il se força à sourire.

— En l’état, le CET ne peut pas nous faire voyager plus vite que la lumière… Il se passe autre chose. Quoi ? Je ne saurais pas l’expliquer. Peut-être des raccourcis, des trous de ver… Mais remonter le temps, je ne crois pas que cela soit possible.

— Peut-être que vous ne vous en êtes pas rendu compte.

— Je devrais en être affecté… Normalement. Pourquoi ne le suis-je pas ?

— Peut-être que vous l’êtes mais que vous ne vous en rendez pas compte, insista-t-elle.

— Non, c’est impossible. Cela induirait le fait qu’au lieu d’une semaine, par exemple, nous n’ayons quitté l’AMSEVE qu’un jour ou deux. Je suis certain que je m’en serai rendu compte.

— On vous a peut-être menti sur la durée de votre quarantaine. Quand les jours passent et se ressemblent, on ne voit plus le temps passer. Je veux dire par là qu’il est facile de prendre un jour pour un autre, ou de se tromper dans les heures… ou leur longueur.

— Pourquoi ferait-on cela ? J’aurais été seul, cela aurait été une possibilité… Je pense qu’on peut me tromper facilement. Mais leurrer une trentaine de scientifiques, et de militaires en même temps, c’est parfaitement impossible.

— Si vous le dites.

Elle ne voyait pas comment cela aurait pu être possible en dehors de la quarantaine. Peut-être se trompait-elle… Le C.E.T. n’était peut-être pas une machine à remonter le temps. Si au moins elle avait pu avoir plus d’informations sur la précédente excursion, notamment sa date exacte, elle aurait pu faire une estimation entre le temps passé sur la Terre depuis la disparition de MacAsgaill et celui qu’il pensait avoir passé sur Féloniacoupia. Si seulement, elle en avait eu l’idée.

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