Chapitre IX. Larmes de pluie

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Mercredi 30/11/22, fin d'aprés-mid au boulot de Reeve.

Claire attrapa au vol le portable que son amie, rageuse, venait de jeter. . Elle essaya de se mettre en travers de sa route pour l'arrêter, essayant de comprendre ce qui avait pu bien la mettre dans cet état. Pierre devait avoir dépassé les limites du supportable. La jeune femme était inquiète, les derniers mots que Reeve avait criés avant de sortir étaient insensés. Pour l’heure, son sac à main gisait sur le sol, elle toucha l’écran et découvrit le dernier numéro composé. À l’autre bout du fil, la voix d’un homme qu’elle ne connaissait pas, ni le prénom encadré d’un cœur auquel il correspondait. Et plus surprenant les soupirs d’une femme. Sans hésiter, elle lui dit :

  • Je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que mon amie vous as dit…mais si vous l'aimez il faut vous hâter, Reeve est sortie comme une furie, en pleurs, elle a hurlé qu'elle allait se jeter dans la Seine du pont Neuf !

Puis elle raccrocha, espérant qu’elle n’avait pas fait une erreur en l’appelant.

***

Reeve se mit à courir dans les rues. La pluie redoublait , les trottoirs avaient été abandonnés par les Parisiens. Les rares personnes qu’elle bousculait ne s’en offusquèrent pas, malgré sa détresse, elle prenait le temps de s’excuser avec un sourire. Les gouttes d’eau dissimulaient ses larmes qui se déversaient sur ses joues. Tout autour, d’elle devenait flou, dans sa tête les pensées s’emmêlaient. Impuissante, elle ne comprenait pas. Pourquoi le visage d'Etienne revenait sans cesse devant ses yeux ? Ils ne se connaissaient pas plus que ça, hier encore ils étaient de simples inconnus. Pourquoi se comportait-elle toujours en gamine quand son cœur vibrait ? Pourquoi avait-elle balancé ces mots, qui ne voulaient strictement rien dire. Se foutre en l’air, quelle connerie ! Elle ralentit le rythme, reprenant son souffle, prit une grande inspiration avant de s’effondrer sur les marches du Sacré Cœur. Est-ce qu’il avait vu son message où elle lui demandait de la rejoindre ? Il n’avait pas répondu. Après pourquoi viendrait-il ? Il ne lui devait rien. Tout était allé trop vite, brûlant les étapes. Elle frissonnait à l’idée de ne pas le revoir. Que penserait-il ? Qu’elle n'était qu’une chouineuse sans cervelle. La tête enfouie dans ses mains, elle ne réalisa pas qu’on l’observait.

  • Madame, tout va bien ?

Surprise, elle se redressa et découvrit un homme qui la scrutait.

  • Vous allez prendre froid. Que faites-vous seule ici ?

Reeve s’interrogeait, que voulait-il vraiment ?

  • Non, c’est gentil. Je vais rentrer chez moi.
  • Je peux vous raccompagner. Partageons un coin de parapluie.

Elle accepta l’invitation, elle grelottait. Elle rêvait d’une bonne douche brûlante, une couverture et un chocolat chaud. Enfin ce dont elle avait le plus envie, c'était d'être à nouveau dans ses bras. Perdue dans ses songes, elle n’entendait plus celui qui l’accompagnait. Mais la main qu’il posa dans la sienne, la fit sursauter.

  • Pardon, je ne voulais pas vous effrayer. C’est juste que je vous parlais et comme vous ne me répondiez pas, je m’inquiétais.
  • Rassurez-vous tout va bien, juste les affres d'un amour naissant.
  • Vous n’êtes donc pas seule ?

Quelle étrange question ! Il croyait quoi, qu’elle acceptait de conclure dès le premier rendez-vous ? Remarque vue son allure à cette heure, songeât-elle. Son reflet dans la flaque ne pouvait démentir quoique ce soit. Son patron ne l’avait pas traité bien différemment jusqu’à présent, une fille facile dont on pouvait profiter. Quel abruti ! se répétait-elle. Tous les mêmes les mecs, ils ne parlent qu’avec leur queue. Il suffit de les flatter et ils perdent la tête. Elle entendait encore les mots de Sarah, quand elle avait appelé son voisin. Elle qui voulait confier à Etienne ses derniers déboires au boulot. Seule la voix de la paumée du pont Neuf résonnait à ses oreilles. Et si c'était elle qui Interprétait mal la scène, pourquoi ne lui laisserait-elle pas une chance ? Quelque chose au plus profond d’elle, lui disait que l'homme aux tulipes était différent.

  • Je vous offre un taxi si vous voulez, il vous ramenera chez vous, proposa l'inconnu.
  • C'est vraiment aimable de votre part mais je ne suis plus très loin.
  • Alors tenez prenez mon parapluie vous en avez plus besoin que moi.
  • Comment pourrais-je vous le rendre et vous remercier ? Je n'ai rien sur moi pour vous offrir un café.
  • Voici mon numéro, si un jour vous en avez envie, je serai ravi d'en partager un avec vous.
  • Promis. Au fait, je m'appelle Reeve.
  • Quelle belle promesse. Moi, c'est William. Peut-être à bientôt.

Elle regarda autour d'elle, l'homme venait d'entrer dans le taxi qui disparut au bout de la rue. Elle poursuvit son chemin, un voile brumeux remontait de la Seine donnant au pont neuf, une allure irréelle, elle eut le sentiment d'appartenir à un autre monde. Le seul choix qui se présentait, le traverser ou fuir.

  • Reeve, que fais-tu là à cette heure ?

Elle scruta l'oscurité, une ombre se matérialisa devant elle. Un homme d'une trentaine d'année, vêtu d'un vieux manteau en laine défraîchi apparut. Cette présence la rassura, elle ne risquait rien à ses côtés. Il prit sa main et l'entraîna à l'abri sous le pont.

  • Tiens attrape cette couverture, tu en a bien plus besoin que moi.
  • Merci, Marc.
  • Raconte ce qui ne va pas. Tu sais que tes larmes vont finir par faire déborder la Seine.

Cette plaisanterie dessina un sourire sur ses lèvres, elle s'écroula sur le matelas de fortune qui composait la litière de l'homme des rues. Il n'avait rien et pourtant cette vie le satisfaisait. La jeune femme l'avait rencontré, il y a un an, par hasard, en se promenant sur les quais. Depuis Reeve trouvait toujours un moment dans sa semaine pour l'inviter à manger, le seul jour où il concédait à ce monde qui le revulsait un semblant de convenance. Ce rituel qu'ils avaient instauré, il l'espérait avec impatience. Marc appréciait sa bienveillance qui était tout sauf de la pitié. Elle ne le jugeait pas, elle l'écoutait tout simplement. Et lui chaque jour, sans qu'elle ne le sache, veillait sur elle.

  • Tu veux parler, osa-t'il pour rompre le silence qui les enveloppait.
  • Je ne sais plus trop où j'en suis.
  • C'est ton boss, il a recommencé.
  • J'ai claqué la porte avant la fin de réunion. Je ne pouvais plus le supporter. Mais maintenant je fais quoi.
  • Rentre chez toi, dors. Demain tu auras les idées plus claires.
  • Tu as sûrement raison.

Elle déposa un baiser sur sa barbe sombre qu'il entretenait, seule forme de coqueterie qu'il s'accordait. Milord, son berger Allemand fut en charge de raccompagner la belle jusqu'au pied de son immeuble. Avant qu'elle ne disparaisse dans le brouillard qui regagnait son domaine Marc lui cria:

  • Méfie toi de Sarah.

*A.R*

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