Chapitre XXVIII.1 Entre Chien et loup

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*A.R*

Sarah et Marc prenaient leur petit déjeuner avec la propriétaire de la maison d’hôte, les discussions allaient bon train. Ce bout de femme bienveillante et généreuse leur accordait de délicates attentions. La panière en osier débordait de viennoiseries, elle les avait confectionnées au petit matin, des fruits frais et des boissons chaudes étaient à portée de main. Ils appréciaient cette pause dans leur cavale. Ces petits riens offerts avec gentillesse étaient une bénédiction pour deux affamés. Amélie pimpante et curieuse les questionnait sur leur itinéraire entre Rhône et Alpes. Elle prit la peine de leur raconter quelques anecdotes de son arrière-pays. Eux n’avaient que l’ envie de s’éclipser au plus vite. Ils s’étaient assez attardés, pourtant l’idée de rester n’était point désagréable.

La radio crachotait des musiques vieilles France et accompagnait avec délicatesse ce déjeuner qu’ils prenaient plaisir à partager avec leur hôtesse. Toutes ses victuailles appétissantes remplissaient leur panse, ils se gavaient et la bannette se vida sous le regard amusé de leur hôtesse. Combien de fois, leur repas s’était limité à quelques miettes volées dans une poubelle. Ici, ils étaient une reine et un roi invités à un banquet. Quand ce fut l’heure du bulletin météo, Amélie s’approcha du poste pour monter le son :

De fortes précipitations vont balayer tout le sud de la France d’est en ouest, dès ce matin. On attend dans certaines régions de forts cumuls de pluie, un phénomène cévenol n'est pas à exclure dans l'extrême sud-est. Le Var, les Alpes… et remontera sur le golfe de Gascogne et les Charentes, un coup de tabac sur l'ile de Ré n'est pas à exclure. Si vous habitez la moitié sud du pays, soyez vigilant, une vingtaine de départements, des alpes maritimes à la Gironde sont en alerte orange. Si vous prenez la route, nous vous conseillons la plus grande prudence.

  • Les petits jeunes, si vous le désirez, vous pouvez rester une nuit de plus. En cette saison, le calendrier n’est pas chargé, proposa la maîtresse des lieux.

Sarah regarda avec insistance Marc, elle si sûre d’elle, devenait si fragile. Derrière sa carapace de femme libérée se cachait une fille perdue. Elle voulait que Marc la rassure, elle était suspendue aux lèvres de son amant. Il lui adressa un clin d’œil accompagné d’un sourire pour la rassurer.

  • Ne vous inquiétez pas, dit aussitôt Marc. Je connais les lieux et les petites routes du coin pour les avoir empruntés plus jeune.
  • Ah oui, s’empressa de dire Sarah surprise.

Après la nuit brulante partagée, la jeune femme était prête à suivre Marc jusqu'en enfer !

  • Allez suis-moi, je maîtrise, les intempéries ne me font plus peur depuis longtemps.

Après des recommandations d’usage, la femme les salua comprenant qu’ils ne changeraient pas d’avis. Une fois dans la voiture, Sarah ne put s’empêcher de poser la question qui lui brulait les lèvres :

  • Tu ne voudrais pas rester ? Nous aurions été bien ici.
  • Nous devons avancer pour éviter l’orage, prendre de la vitesse et regagner au plus vite l’Italie.
  • J’en ai marre de fuir, lâcha Sarah dans un soupir, c'est dans un coin comme celui-là que j'aimerais vieillir... avec un mec comme toi.

Marc aurait aimé baisser la garde, la prendre dans ses bras et vivre encore et encore la nuit de folie qui lui avait laissé les jambes ouateuses. Mais il savait que bientôt, Étienne et sa bande seraient à ses trousses si ce n'était déjà le cas. Ses paroles claquèrent sans appel :

  • On a de la route, Sarah, on ne peut fléchir !

Boudeuse, Sarah se cala au fond de son siège confiante, son homme avait l’air si sûr de lui et elle s’endormit après seulement une dizaine de kilomètres parcourus.

***

E.Y

Le dimanche soir,quelque part dans les Gorges du Verdon du côté d'Aiguines ( Var)...

Une Annie Baïdozzir resplendissante dans un pantalon moulant était dos à la carte de France, un veil homme sorti tout droit d'une crêche provençale regardait sa télévision en fantasmant sur la merveilleuse plastique de la présentatrice:

  • Oh Pute borgne! Quelle belle femme !

Mesdames et messieurs bonsoir, de fortes précipitations vont balayer tout le sud de la France d'est en ouest, on attend dans certaines régions de forts cumuls de pluie, un phénomène cévenol n'est pas a exclure dans l'extrême sud-est. Le Var, les Alpes...

  • Elle a vraiment de jolies formes, cette brune, si elle était dans mon lit, je n’aurais pas froid la nuit. Mais pour dire la météo, elle dit beaucoup de bêtises. Le temps est trop sec.

***

Le vieux berger était rentré à temps, il contourna le petit bois pour parquer ses bêtes dans la vieille bergerie. Il savait qu'il ne craignait rien là ou il était, la vieille bâtisse adossée à la montagne était à l'abri du vent et des brusques montées de la rivière. Il l'entendait l'eau de l'Artuby rugir et feuler comme une troupe de fauves en colère. Aristide, trempé comme une soupe regardait les lourds nuages menaçants au couchant, ça ne lui disait rien de bon, il s'ébroua et dit :

  • Oh ! Merde ! la brune au pétard d'enfer ne disait pas de conneries hier au soir, je m'en suis ramassé une belle. Je n'avais jamais vu l'eau sous le pont de l'Artuby couler comme ça depuis...Toujours ! si le vieux pont résiste ce sera un miracle, surtout que le pire est à venir !

***
*A.R*

L'orage et la pluie s'intensifiaient depuis une heure. Sarah se réveillât et découvrit que la situation s'aggravait. Les météorologues ne s'étaient pas trompés. Elle observa Marc, les mains crispées et le regard rivé sur la route et elle lui dit :

  • Tu ne crois pas que tu devrais me laisser un peu le volant, tu conduis non-stop depuis qu'on est parti. Le ciel se déverse sur nous depuis des heures. Tu penses que c’est sa façon à lui de nous punir?
  • Ne dis pas des conneries Sarah, je ne crois plus, depuis longtemps à ses foutaises!
  • Tu as sûrement raison. De toute façon à part en enfer où veux-tu que je finisse ? Ma vie est un purgatoire depuis que je suis toute petite. J’ai dû être bien vilaine dans ma vie précédente pour que j’en bave autant.
  • Qu’est-ce que tu racontes ? Arrête de dire des bêtises. Pour le coup, Étienne a fait une bonne action en t’empêchant de te foutre en l’air.
  • Ouais. Tu crois que je peux avoir le droit à une énième chance de connaître un univers plus rose enfin moins noir que cette nuit?
  • Une fois en Italie, nous serons libres et enfin nous pourrons envisager un meilleur avenir.
  • Si tu le dis, j’ai envie de te croire. Pour l’instant, tu devrais quand même me laisser conduire, tu as besoin de souffler. Fais-moi confiance, je serai prudente. Puis c’est une voiture, elle ne me résistera pas longtemps.
  • Laisse bêton ! Sarah, je vais garder le volant, c’est plus prudent.
  • Putain, vous êtes tous pareils les mecs, dès que vous êtes au poste de pilotage pas moyen de vous en déloger. Tu me gonfles avec ton machisme à deux balles.
  • Ne te mets pas en colère, il y a assez avec ce bruit incessant de grêlons sur la carlingue et les essuie-glace qui vont me rendre dingue.
  • C’est bien pour ça, échangeons les rôles, moi je conduis et toi tu fais un roupillon.

Au même moment la foudre s’abattit sur l’arbre qu’il venait de passer, Marc l’observait, il était coupé en deux sur la route. Hypnotisé par la scène qui se jouait dans le pare-brise arrière il ne réalisa pas le danger qui se jouait devant lui.

  • Marc, mais freine !

En entendant Sarah hurler, il pila, la voiture fit une embardée et termina sa course dans le fossé.

  • C'était un loup, non ? dit Sarah reprenant ses sens.

***
E.Y

  • non c’est un chien pour les moutons, ils sont pires que les loups ces patous. Le berger me fait signe de stopper... pour rien au monde tu ne sors... Oh merde, je le reconnais, je savais que ce n'était pas une bonne idée cette route ! J'ouvre la vitre, tu me laisses faire.

Le berger, un pastre provençal directement sorti d'une crèche avec sa longue barbe poivre et sel de prophète de l'Ancien Testament, sa redingote rapiécée et sa cape hors d'âge semblait échappé d'une messe de minuit. Avec son accoutrement hors d'âge, il n'aurait pas déparé sous un pont avec Marc autrefois. Planté au milieu de la route, il gesticulait avec son bâton et brailla d'un ton bourru :

  • Oh Messieurs dames, vous ne passerez pas. Vous devez faire demi-tour, la tempête cette nuit a emporté le vieux pont de pierre, il n'y a plus de route... Mais, il fait quoi ce chien, là ? Putain, Rita au pied ! il aime bien votre chien... oh pute vierge, Rita a reconnu Milord, son petit. C'est toi Marc ? Je ne te reconnaissais pas, tu as réussi on dirait... non c'est pas possible... restez pas là... montez ... gare-toi . Montes...présente-moi ta femme, oh putain c'est pas possible...putain Catherine tu fais quoi dans cette voiture...Je deviens Jaubi moi !
  • Mais on va m'expliquer à la fin, explosa Sarah, je ne suis pas Catherine, P... déjà sur le Pont-Neuf à Paris Étienne m'a pris pour elle !
  • Écoute ! pitchote, on ne va pas parler cent sept ans, pendant que Marc gare la caisse, tu va me suivre, tu ne va pas mettre longtemps à comprendre

Marc opina du chef et marmonna :

  • Oui, Sarah, tu peux suivre Aristide, il a raison, tu peux comprendre... Tu vas comprendre, tu as le droit de savoir.

Là-haut, dans la vieille masure d'un autre temps, une femme s'accrochait aux rideaux d'une étroite fenêtre. Les larmes dévalaient son visage...Elle n'avait pas tout compris, pourtant elle le savait, ça devait arriver. C'était en train d'arriver, elle n'était pas prête, elle avait encore mal, elle ne savait plus si elle était vivante ou morte. Elle aurait dû mourir, ce fameux jour où sa mère avait fait le grand saut à sa place.
Elle devait se secouer, devait elle rester, devait elle fuir?
Elle avait hésité une seconde de trop, déjà elle entendait les pas sur le petit chemin, elle s'enfouit dans l'édredon du lit où elle passait la majorité de son temps depuis un an. Une porte claqua, la lumière vive du jour troua d'un coup la pénombre du passé.
Un autre elle lui faisait face...Elle se figea, était-elle devenue folle !

  • Bonjour, je suis Sarah et...

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