Chapitre XXXVII. jour de fête

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Montolieu, sa boulangerie, son épicerie, et ses librairies. Montolieu village perché sur les contreforts de la Montagne Noire méritait sa dénomination du village des livres. Il y avait des bouquinistes à chaque coin de rue. C'était le paradis des fouineurs, des habiles lecteurs et des amoureux de la prose et des poémes. Qui entrait ici pour du Ronsard et ressortait par là avec du Rimbaud. Ce village était le paradis des passionnés de littérature, celle qui sent le vélin, le vieux papier et l'encre sêche.

Sur la route de Saissac, à la sortie du village se dressait une fiére bastide, entourée de vignes et d'oliviers. C'était jour de fête en ce vingt juillet, la grande table était déployée sous le tilleul pluricentenaire. Les invités étaient attablés, le vin de Cabardés coulait à flot, le champagne se déversait en cascade des fontaines. C'était Non pas jour de noce, mais jour de triple noces.

D'abord les plus beaux, Monsieur Henry, quatre vingt cinq ans et la jeunette Tia Magdaléna de trois ans sa cadette. Lui oubliait tout avec elle, sa vie de malheur et de souffrance, son temps qui foutait le camp, ses souvenirs qui n'avaient plus trop d'importance maintenant et son âge dont il se fichait éperdument . Elle était non pas radieuse mais lumineuse. Le sourire accrochée à son visage parcheminé de veuve transportait son Henry au pays du bonheur éternel. Dans un torrent de rires de cris et de larmes de joies, ils s'étaient dit "oui".

Deux autres femmes attendaient aussi leur instant de bonheur. La seconde était Sarah, qui s'était remplumée, enceinte de six mois, elle avançait fièrement. Son visage aux joues rondes ruisselait de désir pour le beau Nicolas. L'arrivée prochaine de leurs jumeaux avait précipité les choses. Ils voulaient l'un et l'autre offrir un monde de sécurité où leurs enfants seraient choyés et dorlotés chaque instant du jour et de la nuit.

Mais la plus belle était sans conteste Reeve avec son énorme traine en tulle blanche et son petit ventre rond. Etienne était aux petits soins pour elle, dans deux mois à peine ils deviendraient parents. Ils avaient vécu une année en accéléré. D'inconnus, ils étaient devenus inséparables et fusionnels. Leurs gestes remplis de tendresse et de bienveillance fleuraient bon le bonheur. Tout était devenu si simple. Dans l'allée, sa princesse avançait, Etienne l'attendait avec l'impatience d'un jeune adolescent.

Tous avaient droits à une nouvelle chance...Il était loin le temps des jalousies, des coups de poignards dans le dos et des basses vengeances. Un triple mariage, la bastide des Miccoucouliers n'avait sans doute jamais vu pareilles noces.

Le riz tombait à flot, les bouquets pleuvaient Il y avait dans l'air une douceur langoureuse un peu miévre, mais qu'importe, un jour on rit, un jour on pleure, ainsi allait la vie.

A.R

La noce se poursuivit jusqu'à tard dans la nuit, la lune accompagnait les derniers invités vers la sortie. Henry et Tia étaient partis se coucher après avoir embrasé le dance floor avec un tango à faire rougir une nonne. Ils avaient un déhanché des plus sensuels et peut-être qu'au réveil ils regrettaient cet excès d'enthousiasme.

Reeve était heureuse de voir son grand-père aussi souriant et enjoué. Il souvenait d'elle par intermittence mais le savoir heureux la soulageait. Il resterait cet homme fort et fier. Dans ses bras, dans son enfance, elle avait trouvé calme et sérénité. Il l'avait consolé jour après jour, elle avait tant souffert de la perte de ses parents. Il avait été son confident dans ses galères d'adolescente, son roc quand la tempête l'assaillait.

Cette nuit, elle le confiait à une autre femme qui saurait l'aimer. Dans ces yeux, elle avait retrouvé l'étincelle de vie qui à Paris s'était essoufflée. Reeve les avait regardés monter dans le carrosse loué pour l'occasion. En voyant les casseroles et la pancarte jeune marié s'évanouir dans le chemin, une larme glissa sur ses lèvres et elle sourit.

À ses côtés se tenaient Sarah, Nicolas et Étienne, ils disaient au revoir aux derniers convives. Chacun des invités les remerciaient de cette réussite. Pour eux, la fête avait été digne de ce nom et resterait graver pour longtemps dans les mémoires de Montilieu. Le Maire les avait pris a part après la cérémonie pour les congratuler de l'énergie qu'ils mettaient à redonner vie à la bastide et aux ruines du château. Il les avait assuré du soutient du conseil municipal et s'était engagé pour mettre en place des chantiers éducatifs pour la rénovation. La dernière voiture s'éloignait.

Ils ne restaient que les quatre tourtereaux assis à l'abri de l'olivier. Etienne et Nicolas par mimétisme caressaient le ventre de leur épouse. Leur joie était décuplée lorsqu'ils sentirent les petits roulis, les bébés se portaient au mieux. Ils semblaient à leur façon affirmer leur caractère. Tout était calme, des lucioles parsemées de-ci de-la offrait un parterre des plus agréables. Le silence accompagnait cette fin de nuit. Nicolas et Sarah s'eclipsèrent, prétextant la fatigue. Reeve et Etienne furent sensibles à la délicate attention. Assis, enfin seul ils pouvaient rêver.

***

Sarah se réveilla en sursaut, vérifia l'heure. Elle s'était assoupie dans les bras de Nicolas, la tête posée sur son torse. Il dormait à poing fermé, sa faussete à la commissure des lèvres faisait toujours un effet fou à la jeune femme. À cette, raisonnablement elle ne voulut pas le réveiller et enfila sa nuisette. Elle descendit sans faire de bruit à la cuisine pour grignoter un reste de gâteaux et siroter un lait fraise. Elle découvrit de la lumière dans le bureau d'Étienne. Après avoir regarder dans l'embrasure de la porte, elle observait le visage fermé du maître des lieux.

- Tu sembles soucieux et pourquoi es-tu levé aussitôt ?

- Je pourrais te poser la même question.

- Oh j'ai fait un cauchemar et comme je ne voulais pas réveiller Nicolas j'ai pensé descendre prendre l'air. Et toi tu ne m'as pas répondu une fois de plus.

- Pourquoi une fois de plus ?

- Parce que quand je te vois le ciel à terre, le regard figé sur un point, je me dis qu'il y a un problème.

- Peut-être où juste une vue de mon esprit. Je viens de me marier, je suis le plus heureux des hommes et cerise sur le gâteau ma femme attend notre fils.

- Reeve m'a dit que quand elle te voyait comme ça, la seule chose qu'il fallait faire pour te ramener à la surface, c'était de te serrer dans les bras. Je peux si tu veux.

- Non, ça ira mais merci de ta sollicitude.

- Oh tu sais, si j'ai bien compris et appris quelque chose aux côtés de Reeve, c'est enthousiasme-toi et tu verras tout te sourira. J'ai envie d'y croire. Pas toi ?

- Si pourtant regarde, sur cette photo de groupe, rien ne t'interpelle.

- Comment, Nicolas a mis son noeud papillon de travers. Henry embrasse sans retenu Tia...

- Non, à côté de Reeve.

- Quoi il y a toi heureux, avec ta jolie cravate bleu roy.

- Justement la cravate tu es sûre de la couleur.

Etienne tendit le morceau de tissu dans ses mains, il avait les yeux rouges de celui qui venait de pleurer

- Mais elle est grenat tu as raison, mais alors qui est à côté de notre princesse.

- C'est lui, il est revenu.

- Pas possible, il est mort.

Sarah mis ses deux mains sur le bureau prête à imploser quand Etienne l'attrapa dans ses bras pour la rassurer.

- Ne crains rien, nous sommes là les uns pour les autres, une nouvelle vie commence. il ne pourra pas nous détruire. Il ne pourra pas casser notre bonheur.


FIN

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