Chapitre 16 : Tout nouveau, tout… beau

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— Entre, elle est là.

Richard l’accueille avec un sourire serein. Erwann pénètre dans la maison et son regard tombe sur Gwendoline, assise sur le canapé, un mug de café au lait à la main.

— Erwann ! Mon dieu, mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ?! s’écrit-elle en se levant d’un bond, comme si le canapé avait un ressort géant qui l’aurait propulsé.

— Ma tronche, tu veux dire ? interroge-t-il platement.

— Mais c’est pas possible ! Comment tu t’es fait ça ?

Choquée, elle se rapproche de lui, la main tendue vers son visage. Erwann baisse la tête pour se cacher. Gwendoline relève son menton avec douceur, et le regarde droit dans les yeux, puis passe son pouce sur la longue cicatrice qui lui barre la face. Il se laisse faire, savourant le contact de ses doigts froids sur sa peau échauffée par la gêne de se montrer ainsi. La couture qui lui cisaille la joue démarre au coin interne de son œil et descend jusqu’au début de son maxillaire, juste sous l’oreille. La plaie réparée est récente, encore rouge et gonflée.

Submergée par la joie de le revoir, Gwendoline pleure sans s’en rendre compte. Erwann essuie ses larmes avec la manche de son pull.

— Que t’est-il arrivé ? répète-t-elle, la voix chevrotante.

— Je vous laisse, intervient Richard, appelez-moi quand vous aurez fini vos… retrouvailles.

Erwann fait un signe à son meilleur ami. Ce dernier s’éclipse sans un mot.

— Que s’est-il passé ? insiste Gwendoline, en l’obligeant à se tourner vers elle à nouveau.

Hypnotisée par son visage meurtri, elle détaille son impressionnante blessure. Erwann ne souhaite guère se replonger dans les évènements houleux de ses derniers mois, mais comprend sa question.

— Rien de grave, la rassure-t-il. Une altercation qui a mal tourné.

Les mains fraîches que la jeune femme pose sur ses joues lui font du bien. En revanche, il soutient difficilement son regard franc. Elle promène son pouce sur toute la longueur de la plaie, comme pour l’étudier. C’est la première fois que quelqu’un touche sa cicatrice en dehors du corps médical. Il croyait que cela lui serait désagréable. Mais quand c’est elle, le contact est apaisant.

— C’est trop gros pour être un coup de couteau.

Il secoue la tête.

— Ce n’était pas ça. Juste un tesson de bouteille brisé qui a volé dans ma direction. Je n’ai pas été assez rapide pour l’esquiver, plaisante-t-il à moitié.

Elle sourit aussi, malgré les larmes qui scintillent encore au coin de ses yeux verts.

— J’ai failli perdre un œil, mais tu vois, je suis chanceux, dit-il d’un air légèrement ironique. Je suis comme toi, désormais, je vois le bon côté des choses.

Gwendoline reste muette, toujours secouée de spasmes. Elle ne demande pas avec qui il s’est retrouvé en conflit. Elle s’en doute. Avec beaucoup de douceur, elle continue de caresser sa joue et constate, qu’au-delà de sa balafre, il a aussi changé physiquement.

Le breton ne porte plus sa barbe longue, mais une simple ombre de quelques jours. Ses cheveux aussi ont subi une transformation. Ils sont coupés courts, les côtés rasés ont repoussé, et à présent, le jeune homme ressemble davantage à un Gérald de Palmas esquinté qu’à un Johnny Depp du temps de sa splendeur. Même ses bijoux ont disparu. Seule une bague orne encore son annulaire droit, celle que sa mère lui a offert, si son souvenir est exact.

— Pourquoi tous ces changements ? finit-elle par demander, presque aphone.

En attendant sa réponse, toujours sous le choc de sa découverte, elle continue de le scruter de son regard émeraude, encore noyé du trop-plein d’émotions fortes. Même si la vision de sa blessure est difficile à supporter, elle ne peut s’empêcher de le dévorer des yeux.

— La barbe, ils me l’ont enlevée pour m’opérer, explique-t-il calmement. Et entretenir ma coupe habituelle me demandait trop d’efforts. Ce n’était pas gérable avec les soins quotidiens de l’hôpital, ni ceux que j’ai eu à faire à la maison ensuite.

Il passe la main dans ses cheveux d’avant en arrière puis continue sur sa lancée, bavard. Étrangement, lorsqu’elle le questionne à ce sujet, il accepte de se dévoiler sans tabou.

Parce que c’est elle.

— J’ai demandé à Bud de me faire quelque chose qui soit plus facile à vivre, dit-il sur un ton las. Je n’ai plus mon style original, celui qui t’a plu à l’époque. Mon image en a pris un sacré coup… je suis beaucoup moins plaisant à regarder maintenant. J’espère que cela ne te… répugne pas trop.

— Me répugner ? reprend-elle, étonnée, entre deux hoquets. Tu es encore plus beau qu’avant.

Erwann éclate de rire, les yeux de plus en plus humides.

— Tu n’es pas objective, Gwen.

— Non, c’est vrai, répond-elle, sincère. Ce qui m’a plu chez toi en premier c’est ton esprit, ta personnalité, pas ton physique. Mais même avec cette cicatrice, Erwann, tu es très séduisant.

— Oui, le côté « gueule cassée » plaît aux femmes apparemment, dit-il avant de se rendre compte de sa boulette. Gwen, je ne voulais pas dire ça. Je suis désolé.

Elle baisse la main et se recule un peu.

— Pardonne-moi, la supplie-t-il, aux abois.

— Pour ?

— Pour tout. Pour ce que je viens de dire à l’instant… pour ce qui s’est passé ce matin… pour ce qui s’est passé il y a cinq mois… pour toutes mes conneries.

Sa voix est incertaine et caverneuse. Elle entend la peur dans ses intonations.

— J’essaie de me rappeler ce que tu as fait de mal mais je n’arrive pas à m’en souvenir. Ni pour maintenant, ni pour ce matin, ni pour… l’autre fois. Quand je te vois, avec cette marque qui a dû te faire atrocement souffrir, je me dis que mes petits malheurs ne sont que bien peu de choses.

Il s’avance vers elle en secouant la tête.

— Ne dis pas ça. Je sais que ton séjour à l’hôpital est dû à un évènement qui aurait pu mal tourner et je m’en veux toujours.

— Tu n’as pas perdu ton œil et je suis toujours là, résume-t-elle, philosophe en levant les épaules. Tout va bien.

Erwann sourit, soulagé. Tandis qu’elle plonge ses yeux dans les siens, le regard du Breton devient de plus en plus flou. Des larmes commencent à s’accumuler, menaçant à tout moment de couler le long de ses joues. Il essaie tant bien que mal de les retenir, en répétant :

— Tout va bien alors.

— Pourquoi tu pleures ? demande-t-elle en se rapprochant de lui.

Elle porte la main à son visage pour récupérer les gouttes salées qui tombent une à une.

— Avant de venir te rejoindre ici, j’avais peur que tu me trouves trop laid pour me toucher encore… peur de te dégoûter, dit-il, la voix cassée.

— Il n’en est rien. Je te regarde et je ne vois que l’homme magnifique qui m’a séduite. Tu es toujours aussi beau.

Il hoche la tête et deux nouvelles perles brillantes glissent le long de ses joues, dévalant sa peau comme une petite avalanche en montagne. Gwendoline s’accroche à son cou, enserrant sa nuque entre ses mains croisées. Il la prend dans ses bras en retour et enfouit son nez dans ses cheveux pour s’enivrer de son parfum sucré. La retrouver aujourd’hui alors qu’il croyait l’avoir perdue à jamais est inespéré. La bouche collée près de son oreille, il murmure :

— Tu m’as tellement manquée.

— Toi aussi, tu m’as manqué, si tu savais...

— C’est si bon de te revoir. Je ne m’y attendais pas. Tu as bien fait de venir.

— Maintenant que je suis là, je peux te demander une faveur ?

— Tout ce que tu veux.

— Fais-moi l’amour.

Étonné, Erwann la regarde en éclatant de rire :

— Ici ? maintenant ?

— Ici et maintenant.

Le photographe la reprend dans ses bras et l’enlace plus fort. Puis prend son visage en coupe et l’embrasse avec ferveur, avec désespoir, avec intensité, avec la peur au ventre… Il s’interrompt pour reprendre son souffle et l’en dissuader.

— Ce n’est pas une faveur ça.

— Alors fais-moi l’amour, dit-elle en écrasant sa poitrine menue contre son torse.

— Pas comme ça…

— S’il te plaît, ne m’oblige pas à te supplier.

— Tu n’en as pas besoin. C’est ce que je désire aussi et tu le sais mais…

— Erwann, je t’en prie, l’interrompt-elle sans lui laisser une chance de s’exprimer.

— Je veux me racheter une conduite d’abord.

— Ce n’est pas nécessaire, assène-t-elle en plaidant sa cause. Je te l’ai dit, tout a été pardonné. Et moi aussi j’ai mes torts. J’aurais dû être plus… tolérante, moins…

— Bretonne ?

Elle s’esclaffe, ravie de retrouver leur complicité d’autrefois.

— Oui, voilà, moins bornée, moins tête de mule. Tu étais venu t’excuser, tu avais fait toute cette route pour me parler et je ne t’ai pas écouté. Je te demande pardon.

— J’ai déjà oublié. Le coup du tesson probablement. Ça m’a remis les idées en place, dit-il en riant à son tour.

— C’est douloureux ?

— Un peu sensible mais ça passe.

— Quand tu m’embrasses, ça te fait mal ?

— Non.

— Embrasse-moi.

Comblé, il s’exécute sans demander son reste. Sa langue retrouve avec plaisir la petite bille d’acier qui orne celle de sa compagne. Leurs bouches se cherchent l’une l’autre jusqu’à en perdre haleine.

— Prends-moi, souffle-t-elle, entre deux baisers enflammés.

— Suis-moi.

Erwann l’entraine vers un couloir. Il connaît la maison par cœur et sait où se situe la chambre d’ami. D’autant que cette dernière a un verrou. Il fait entrer la jeune femme la première et referme la porte derrière lui. Verrou y compris. La chambre est plongée dans la pénombre, les volets presque entièrement fermés. Erwann allume une petite lampe de chevet.

— J’ai dormi ici tout à l’heure, dit-elle alors qu’il la reprend dans ses bras.

— Bud t’a bien accueilli ?

— Comme une reine. Tu avais raison, il est génial.

— Oui, je m’en doutais, vous allez bien vous entendre.

Il la dirige vers le lit, tout en l’embrassant encore, puis s’allonge sur elle, veillant à ne pas l’écraser en se maintenant sur les coudes. Gwendoline l’accueille entre ses jambes et essaye de le déshabiller. Le Breton sourit, amusé de la voir si aguicheuse. Une attitude qu’elle avait déjà eue autrefois et qui l’avait férocement émoustillé.

— Je veux te sentir, fait-elle en bougeant son bassin contre son bas ventre.

— Gwen, j’ai pas de capotes sur moi.

En quittant la chambre d’hôtel comme une voleuse, tôt ce matin-là, Gwendoline se souvient qu’elle a abandonné son matériel sur la table de nuit.

— Moi non plus, soupire-t-elle… je n’ai rien, tu sais, je ne suis pas malade.

— Je n’ai pas fait de tests récents. Et j’ai eu…

— Moultes relations. Oui, je sais, Richard m’a raconté.

— Je suis désolé. Attendons, pour être sûrs. Même si je me suis protégé, on ne sait jamais.

— Je n’en peux plus d’attendre, Erwann. Ça fait des mois qu’on aurait dû faire l’amour. Je te veux maintenant. Je veux te sentir en moi, je veux ton corps, ton cœur, tout.

— Tu as déjà tout, Gwen, je te jure. Et depuis le premier jour.

Pour démontrer ce qu’il vient de lui dire, il lui dévore la bouche comme s’il n’avait pas manger depuis des jours, des semaines, des mois. Comme si elle était la seule nourriture à disposition et qu’il avait dû jeûner depuis leur dernière rencontre.

— On ira faire des tests lundi, insiste-t-elle. On fera ce qu’il faut, mais prends-moi. Je te veux. Je te veux entièrement.

— Ne me tente pas ainsi, j’ai tellement envie de toi.

— Fais-moi l’amour, Erwann. On n’a rien, on est sain et en bonne santé.

Son corps brûlant qui se trémousse sous lui est une invitation qu’il ne peut plus refuser. Sur le point de craquer, il émet une dernière suggestion.

— Je me retirerai.

Elle hoche la tête, satisfaite de ce compromis. Puis le regarde déboutonner la chemise qu’elle porte de ses doigts fébriles. Dès qu’il a fini de lui ôter son skinny noir, elle se jette sur lui et soulève son pull pour le dévêtir à son tour. Prudent, il veille à ne pas frotter l’encolure étroite contre sa cicatrice.

D’un mouvement leste du bras, il envoie valdinguer les fringues dans le décor de la chambre. Comme d’habitude, elle ne porte pas de sous-vêtement. Il se repaît de son corps nu qu’il a chéri autrefois avec tant de joie. Puis se met debout et retire son jean, avant de se rallonger en caleçon sans plus attendre. Une seconde éloigné d’elle est une seconde de trop.

— Ton boxer, vire-le.

— Laisse-moi le temps de m’occuper de toi.

— Je suis prête, Erwann, je suis plus que prête, je suis surexcitée. Tu peux y aller. Viens.

Il glisse sa main entre ses cuisses et insère deux doigts en elle. Elle gémit voluptueusement de cette intrusion inespérée.

— Hum, plus que prête, dit-il en ressortant sa main et léchant ses doigts comme s’il les avait trempés dans un pot de confiture.

Gwendoline passe ses mains sous le tissu, sur ses fesses qu’elle palpe avec envie. Elle tire sur l'élastique, essayant de l’arracher.

— J’ai compris le message.

Il se met sur le côté pour la laisser s’occuper de son caleçon. À genoux, elle l’enlève avec une énergie proche de la hargne et le balance à l’autre bout de la chambre, dégommant la lampe de chevet au passage. Elle s’éteint dans un grésillement incertain, les plongeant dans la pénombre. Ils éclatent de rire de concert.

— Bon bah ça s’est fait, décrète Erwann, hilare.

Elle rit plus fort, les mains sur la bouche, et s’excuse.

— Pas grave, on lui en rachètera une autre.

Malgré le manque de clarté, elle le distingue dans les dernières lueurs du jour. Étendu dans le plus simple appareil, il s’offre à ses yeux affamés. Elle le dévisage sans fausse pudeur, se régale de ce corps tatoué et sublime qu’elle a attendu pendant des mois. Dont elle rêve depuis si longtemps.

— Tu es superbe, dit-elle en se rapprochant au plus près de lui, comprimant son sexe humide contre sa verge en érection.

Avec agilité, il la prend dans ses bras, la soulève et la renverse sur le dos. Puis se met sur elle pour reprendre le dessus, attrape une de ses cuisses et la pénètre aussitôt. Ni lui, ni elle, ne peuvent attendre un instant de plus. La sensation de plénitude est intense, immédiate, et les transcende instantanément. Elle se mord la lèvre pour ne pas crier de plaisir. Erwann pose son front contre le sien et, après cette première percée en elle, arrête de bouger.

— Donne-moi quelques secondes. Je me concentre, halète-t-il, sous le coup de l’émotion.

— Va aussi doucement que tu veux, mais reste en moi, ordonne-t-elle à voix basse, en soupirant d’aise. Reste en moi.

— C’est juste… tellement bon.

Il respire fort, les paupières closes.

Tenir. Tenir. Tenir bon.

Elle cherche sa bouche et lui donne un baiser doux, pour garder contact avec lui, pour ne plus le quitter, pour ne faire plus qu’un avec son corps, son cœur, son âme.

Il bouge. Un peu. Elle le sent de plus en plus. Ferme les yeux pour savourer son sexe qui la remplit, avant de pousser un râle d’extase lorsqu’il s’enfonce davantage. Cela ne peut pas être plus merveilleux, pense-t-elle au comble du bonheur.

— Dis-moi si je te fais mal car je ne suis pas… à fond…

Grossière erreur de sa part. Cela peut être encore plus merveilleux.

Je dédicace ce chapitre entier à Divgau ! Merci pour ta patience et ta fidélité ! Merci d'aimer Erwann et Gwen autant que je les aime :-)

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