Voyage

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La petite taille et la morphologie des êtres humains poussèrent Candus et les siens à préférer la voie terrestre à la voie aquatique pour retourner chez eux. La cohorte avait perdu un membre -Celer- et la tristesse trainait dans la tête de chacun mais le but avait été atteint  : capturer vivant quelques individus tombés du ciel et cela provoquait des sentiments de curiosité, d’euphorie dans la réussite de leur objectif mais aussi de la crainte. Trois de ces bipèdes étrangers attendaient inconscients dans les poches ventrales de différents Piciegs ainsi qu’un rifle électrique intact confié à Ingrata. Samra reprenait lentement connaissance au chaud, contre l’abdomen de Candus, ce dernier tentant de pénétrer son esprit, en vain. Il sentait ce faible être vivant s'agiter mais la cavité musculeuse et innervée telle une bouche édentée permettait un maintien sans risque. Elle avait pour fonction première d’accueillir les nouveaux nés lors de nombreux cycles. Candus avait donné vie plusieurs fois et dominait l'intérieur de son marsupium.

La peur naquit du ventre. De ce sentiment assez nouveau pour les Piciegs se dégageait comme un goût ou une odeur âcre et il lui rappela les explosions surnaturelles quelques heures auparavant. Cet écho désagréable cessa brusquement quand une douleur parcouru le groupe. Un griffure vive, intime et profonde, qui venait d’un des marsupiums. Ils coupèrent leur course instantanément, se retournèrent vers celui d’où émanait cette folie et se figèrent. La cible de toutes les intentions se tenait debout, sa queue servant de trépied, tête baissée au maximum pour voir son ventre. Ses poils opalins tremblaient, vibraient comme lors d’une naissance. Une convulsion spectaculaire survint : la poche à l’ouverture orientée vers le bas, expectora une femme qui percuta violemment le sol boueux. L’individue recroquevillée, les bras croisés sur la poitrine, face contre terre et sur les genoux, toussant un fluide brun, redressa poussivement le haut du corps. Elle exhiba un lame courte, maculée du liquide dont elle était couverte presque entièrement. Elle hurla, se tourna vers « son parent » et planta aussi fort qu’elle put le couteau qu’elle avait utilisé comme couvert dans la toison. Le Picieg entaillé de nouveau agit d’instinct en virevoltant. Le choc entre son marteau caudal et l’envahisseuse ne laissait aucun doute. Le corps vola loin, roula comme si la gravité ne s’en souciait pas et s’immobilisa dans une flaque, face dans l’eau. Candus s’approcha lentement de l’être brisé en passant à proximité de son ami blessé pour s’assurer de sa survie, sans émettre aucune information à ses semblables. D’un geste précis, retourna le buste vers le ciel et scruta son visage un long moment. Ils repartirent ensuite, non sans se rappeler les uns les autres de sécréter plus d’humeur apaisante dans les marsupiums.

Ils arrivèrent aux premières galeries menant à la cité souterraine. Dans un mouvement naturel, ils se glissèrent dans un boyau adapté à leur corpulence, à flanc de coteau, sans changer de rythme. Retrouver la terre fraiche apportait un doux plaisir, mœlleux et revigorant. Candus guidait la troupe, permettant aux autres de s’économiser lors des bifurcations, montées et descentes irrégulières. Avec plus de sérénité, probablement dû à un environnement rassurant et familier, il tenta de toucher de nouveau l’esprit de son occupant. Des flashs, des images, des notions, des concepts, des émotions servaient de vecteurs de communication entre eux.

— réveillé ? instilla Candus.

— où où où où … ? ? ? ? paniqua-t-elle.

— sécurité.

— mort mort ? ? ! pensa-t-elle, affolée.

— vie, santé, sommeil.

— stase, voyage, étoile, transport énorme, métal volant…

— voyage. pas étoile.

— nom Samra, espèce humaine. Qui communique ?

—  Picieg. Personne d’ici. Lieu où nous vivons.

— Picieg ? … Où suis-je ?

— dans une poche ventrale. Nous voyageons vers ma cité, sous terre.

— je ne peux pas bouger !

— comme endormi. Presque coma.

Il tâcha d’apaiser son prisonnier, comme pour sa projéniture, avec des pensées calmes et douces margré des émotions agressives qui revenaient sans cesse. Il senti une force provenant de l'intérieur qui ouvrit très brièvement sa poche mais Candus étouffa rapidement cette tentative de sortie.

— où sont mes amis ? *bille*

— encore à l’endroit du bruit terrifiant. Bille ?

— quel but ? demanda timidement Candus.

...

— QUEL EST LE BUT ?!! hurla-t-il intérieurement.

Aucun écho ni sentiment ne lui parvenaient plus. La liaison dû couper, se dit-il, ou cet être a ressenti ma peur, mon aptitude à la violence…vivent-ils pacifiques malgré leurs outils pour se défendre ? J’aurai bientôt tout le loisir d’évaluer les réponses, se réjouissait-il.

L’expédition touchait à sa fin, ralentissant le rythme progressivement, contournant le centre de la cité jusqu’à atteindre une chambre souterraine en demi-cercle, cavité gigantesque de roche brune et de terre noire où des centaines de Piciegs s’agitaient, dans une cacophonie muette. Des torches flambaient les parois d'orange. Le silence télépathique se fit à l’arrivée de la troupe qui se plaça au centre de l’orchestra. Relayée naturellement de proche en proche, la parole interne de Candus retentie.

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