Un faible gémissement rompit le silence. Stella tourna brusquement la tête vers le fond de la caverne, le cœur battant à tout rompre. Elle s’avança lentement, le dos courbé pour éviter le plafond bas, ses pas glissants sur le sol humide.

Dans une anfractuosité de la roche, elle distingua une masse sombre. Une touffe de fourrure tremblait légèrement, emmitouflée dans des peaux trempées.

Un souffle. Un halètement. Un battement de vie.

Elle écarta doucement les peaux. Ses yeux s’écarquillèrent.

— Oh… mon dieu…

Elle se retourna, la voix tremblante d’émotion :

— Un bébé… il y a un bébé ! Il est vivant ! Il a survécu !

Dewi, Sinta et Andrew se précipitèrent vers elle — et, dans leur élan, se cognèrent simultanément la tête contre le plafond rocheux.

— Aïe ! hurla Andrew. Mais c’est pas vrai ! La malchance me poursuit !

Ils tombèrent à genoux près de Stella, qui tenait doucement dans ses bras un petit corps maigre, recroquevillé, les yeux fermés, les membres tremblants. Il respirait. À peine, mais il respirait.

Stella sortit de l’abri avec le nourrissson. La pluie s’était arrêtée et quelques rayons de soleil timides réchauffaient le visage fripé du petit miraculé.

— Coucou mon trésor, murmura Stella, radieuse. Qui c’est le petit survivant trop mignon ? Tu es un petit garçon en plus ! Coucou mon grand !

— Il est vivant, souffla Sinta. C’est… irréel.

Dewi fronçait les sourcils, bouche bée.

— Je… je veux dire… c’est magnifique. Mais… il est drôlement moche, non ?

— Dewi ! protesta Stella, outrée.

— Bah quoi ? C’est vrai non ?

Stella sourit avec attendrissement, les yeux brillants.

Elle fouilla dans sa poche, sortit un chewing-gum froissé.

— On n’a plus de barre chocolatée… Tiens, petit, mâche ça. C’est plein de sucre.

Elle tourna son regard vers Andrew, soudain sérieuse.

— Andy, et si… on l’adoptait ?

Andrew cessa de se frotter la tête.

— Hein ? Quoi ? Mais… nous deux ? Ensemble ? Je croyais que tu m’avais quitté pour ce paléoanthropologue norvégien.

— C’est du passé, Andy. Ce bébé, c’est un nouveau départ.

— Bah écoute… d’accord. Allez. Soyons parents.

Stella éclata de rire, puis se tourna vers Sinta et Dewi.

— Bon, vous voulez être parrains ? Marraines ? On fait une famille polyamoureuse ?

Dewi leva les mains :

— Très peu pour moi. Je n’ai plus l’âge de ces conneries et j’ai perdu mon instinct paternel vers 1998.

Sinta rit nerveusement.

— Houlà, je n’ai rien contre les enfants mais je ne suis pas mariée moi ! Ma famille est très conservatrice et tu n’imagines pas le scandale si je reviens à la maison avec un môme. Même fossile.

Stella regarda à nouveau le bébé, attendrie.

— Il nous faut un prénom. Quelque chose de… mémorable.

Andrew acquiesça. Il fixa longuement le petit garçon, puis dit, d’un ton grave :

— Donald.

— Comme Donald Duck ? fit Stella.

— Non. Comme Donald Trump.

Un silence stupéfait suivit.

— Sérieusement ? demanda Dewi, abasourdi.

— Eh oui, répondit Andrew, un sourire narquois au coin des lèvres. Il a le cerveau sous-dimensionné, il refuse d’ouvrir les yeux, il hurle quand il n’a pas ce qu’il veut… et surtout, il a une tête à foutre le monde en l’air.

Stella éclata de rire.

— Parfait ! OK pour Donald ! Mais pas de perruque orange et on l’éloigne de Twitter !

Andrew se pencha vers le petit, caressa tendrement sa tête et murmura :

— Allez p’tite tête… prépare-toi à conquérir le monde. Mais cette fois, on va essayer de bien t’élever.