De retour dans la voiture, Stella et Andrew visionnèrent plusieurs vidéos, jusqu’à ce que la batterie du portable rende l’âme.

— Merde, plus de cinéma jusqu’au retour à la base !

Stella avait tout de même eu le temps de montrer certaines scènes parmi celles qu’elle considérait comme les plus importantes. Notamment celle où « numéro 1 » s’approchait de la caméra, l’air perplexe. Son petit visage plat tourné vers l’appareil, il avait fixé l’objectif pendant environ trente secondes d’un regard étrangement humain, puis avait brusquement disparu.

Andrew, très étonné, avait immédiatement demandé :

— Est-ce qu’il est repassé devant cette caméra, ou bien l’évite-t-il depuis qu’il semble l’avoir repérée ?

— Il est repassé dès le lendemain. Je crois qu’il s’est habitué à notre dispositif et qu’il ne le considère pas comme un danger.

— Qu’est-ce qui te fait penser qu’il s’agit d’un Orang Pendek ? C’est vrai que la légende de ces petits hommes des bois vient du sud de Sumatra, et qu’ils sont censés être très petits… mais c’est tout. Des créatures mythiques de ce type, il y en a dans toutes les régions du monde. De l’Afrique à l’Amérique. C’est une idée qui saute aux yeux quand on lit le bouquin d’Heuvelmans.

— C’est vrai. Les deux individus que je t’ai montrés ne ressemblent pas exactement aux descriptions traditionnelles de l’Orang Pendek. Le nôtre ne semble pas avoir cette longue crinière qui est censée le caractériser. La taille correspond à peu près, quoique nos spécimens soient un peu plus petits. L’Orang Pendek est censé mesurer entre un mètre cinquante et un mètre soixante.

Andrew se souvenait bien de ce qu’il avait lu sur les hommes sauvages de Sumatra. Il ajouta :

— Ce qui me frappe le plus, c’est qu’on n’a pas l’impression que numéro 1 porte de fortes canines. Pourtant, c’est une caractéristique souvent mentionnée dans les rapports des colons hollandais à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

— Je suis d’accord. Pour l’instant, je les appelle « Orang Pendek » par commodité, mais je sais que tout ne colle pas. Cela dit, les légendes reposent parfois sur des faits réels… Et ici, on ne peut plus douter. Nous avons découvert une nouvelle espèce d’homininés. Il est même possible que ce soit celle que décrivaient, de manière inexacte, les anciens rapports coloniaux. Du coup, « Orang Pendek », ce n’est peut-être pas un si mauvais nom.

Andrew bailla longuement. Il était épuisé. Ses yeux brillaient d’une étrange lueur.

— Excuse-moi, Stella… je suis complètement à plat. Je ne sais même plus où j’habite.

Stella éclata de rire en entendant cette expression qui lui rappelait sa « période bordelaise », comme elle aimait l’appeler.

— No offense, my Lord, répondit-elle avec un clin d’œil.

Ils s’adossèrent sur le siège arrière, un grand sourire aux lèvres. Le sommeil les emporta vite, profond, réparateur, et chargé de rêves étranges.