13

4 minutes de lecture

Andrew se réveilla aux aurores, le lendemain matin. Le décalage horaire avec l’Europe le perturbait fortement, et il avait mal dormi. L’air était déjà tiède et saturé d’humidité. Dehors, le jour se levait, et les oiseaux chantaient en s’agitant bruyamment dans la végétation tropicale.

Il quitta sa chambre lentement et se dirigea vers la cuisine, d’où lui parvenaient des voix. La migraine avait reculé mais il se sentait courbaturé.

— Ce voyage interminable en 4x4 m’a cassé. Ces conneries ne sont plus de mon âge !, pensa-t-il en grimaçant.

Stella, Dewi et Sinta préparaient un copieux petit déjeuner en discutant. Ils accueillirent Andrew avec bonne humeur et lui indiquèrent une chaise.

— Alors, bien dormi, Andrew ?

— Bof… Plus ou moins bien, je dois dire. Le jetlag me secoue toujours pas mal.

Sinta se tourna vers lui, un grand plat entre les mains, et lui expliqua dans un anglais hésitant :

— C’est du riz cuit dans du lait de coco. On le mange avec des œufs, des oignons frits et du tempeh. J’espère que vous aimerez.

Timide, elle fit un pas en arrière et lui adressa un sourire.

L’Anglais parcourut le plat du regard, encore embrumé par la fatigue. Il nota la présence de tranches dorées et croustillantes, visiblement passées à la friture. Il se dit que cela devait être ce que Sinta appelait le tempeh.

Stella, ayant remarqué l’air dubitatif d’Andrew, vint au secours de Sinta.

— Le tempeh est un aliment traditionnel indonésien. On le fabrique à partir de graines de soja fermentées. Cela forme une sorte de pâte compacte que l’on coupe en tranches, puis que l’on fait frire.

Elle ajouta, avec prudence :

— Normalement, c’est moelleux à l’intérieur et croustillant à l’extérieur.

Andrew prit une petite tranche de tempeh, puis se servit un peu de riz mais délaissa les œufs et les oignons frits. Il n’avait pas très faim et essayait de ne pas montrer ses doutes sur ce fameux tempeh.

— Après tout, j’en ai vu d’autres chez les hommes-boue, se dit-il pour se rassurer.

Dewi apporta un énorme pot de café fumant.

— Le café est local. Il vient d’une plantation à quelques kilomètres d’ici. Vous allez voir, il réveille même les morts.

— Merci, Dewi. C’est exactement ce qu’il me faut, répliqua Andrew avec un sourire de gratitude.

Chacun étant servi, le petit déjeuner commença dans le calme. Le tempeh manquait de saveur et sa texture étrange étonna Andrew. Stella ne tarda pas à rompre le silence. Son regard se tourna vers Andrew.

— Comme tu as le contrecoup du voyage, nous avons pensé qu’on pourrait commencer doucement. Ce matin, je te propose d’écouter les enregistrements audio de Numéro 1 et de regarder les vidéos que tu n’as pas encore vues. Cet après-midi, on t’emmènera sur le terrain, pour que tu fasses le tour des caméras les plus proches d’ici.

— Cela me va parfaitement ! Je vous remercie d’adapter votre emploi du temps pour ménager le petit nouveau !, répondit-il avec un petit rire. Quel genre de planning avez-vous en temps normal ?

Dewi, détendu, répondit avec simplicité :

— Nous nous levons toujours de bonne heure. Le jour se lève très tôt, et de toute façon, les oiseaux font un tel vacarme qu’on ne peut plus dormir lorsqu’ils commencent leur journée !

— Ah oui ! J’avais remarqué, répliqua Andrew. Commencer tôt a des avantages. Je me souviens qu’en Papouasie, je fonctionnais de la même façon. On peut aller sur le terrain avant les grosses chaleurs du milieu de journée.

Il avait une légère nausée. Le tempeh ne semblait pas vouloir capituler sans livrer combat.

Stella acquiesça en hochant la tête.

— C’est exactement ça. Au cœur de la journée, nous sommes de retour et on peut faire tout le travail de gestion et d’analyse des données.

Andrew prit sa tasse.

— Je voulais vous poser une question. Avez-vous relevé des traces de Numéro 1 ? Avez-vous fait des moulages ?

Dewi rit doucement et regarda Stella d’un air amusé. Celle-ci s’éclaircit la voix, d’un ton légèrement théâtral, et répondit :

— Oui, c’est vrai que les empreintes sont des classiques, notamment dans le monde de la cryptozoologie, où il y a toujours un vieil aventurier pour brandir un moulage soi-disant réalisé dans la nature et affirmer qu’il appartient à un yéti ou à une autre bestiole mythique.

Elle marqua une pause. Sinta riait, en se cachant le bas du visage avec la main.

— Bon, tout d’abord, nous avons bien trouvé des empreintes que nous attribuons à Numéro 1. Elles se trouvaient à un endroit où les caméras montraient qu’il était passé durant la nuit. J’ai fait des moulages, mais je dois avouer que j’ai complètement raté mon coup ! Le résultat ne ressemblait à rien. On aurait dit une œuvre d’art postmoderne. C’était un désastre !

Ses paroles déclenchèrent l’hilarité générale, et Andrew se mit à rire lui aussi.

— OK, tu n’es peut-être pas une star du moulage, mais vous avez bien dû faire d’autres essais, non ?

Stella s’essuya les yeux, encore hilare, puis répondit dans un soupir :

— C’est vrai, on a essayé, mais aucun d’entre nous n’a vraiment obtenu de résultats convaincants. À force, comme nous avions des vidéos, et que nous avions décidé de collecter de l’ADN, on a fini par laisser tomber. On s’est dit que ça suffirait comme preuve.

Andrew, un peu surpris, lança avec un sourire en coin :

Blimey ! J’ai l’impression que ces mésaventures de moulage vous ont laissé… des traces !

Sa blague déclencha de nouveaux rires. Personne, dans le groupe, ne pouvait encore se douter que les occasions de rire allaient bientôt se faire plus rares.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Ernesto ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0