La société.

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Partout, des corps mutilés. Ils courent les rues. Ces hommes et ces femmes, gracieusement habillés ont pratiquement tous des cicatrices. Des bras et des jambes coupées. Des organes manquant. Des blessures de guerre se dit-on. D'horribles sévices qu'aucun n'aurait pu vouloir subir. Pourtant ils affichent tous un large sourire, presque fière. Loin est l'époque houleuse des gueules cassées. Aujourd'hui, cette image de la société ne peut plus heurter la sensibilité de chacun. Elle est commune, habituelle et normale. Ici tout le monde connaît une personne dont l'intégrité physique est altérée. On ne les plaint pas, et eux ne cherchent pas la compassion. Sur les panneaux publicitaires, on peut voir ces corps atrophiés que jadis on aurait traité de monstruosité. Les pubs promeuvent ce physique, le mettent en avant. L'encourage presque. Tout a été adapté pour eux. Les seuls qui conservent encore leurs corps sont les plus riches mais aussi les plus pauvres. Ces premiers n'en éprouvent pas le besoin puisque ce sont eux qui en profitent. Ces derniers, eux, se complaisent à dire que ça ne fait pas le bonheur. Mais le visage des infirmes ne renvoie pas ce ressenti.


Comment a-t-on pu en arriver là ? La guerre peut-être, ou bien la stigmatisation d'une population ? Non. Désormais il n'y a plus de conflits. Une maladie ? Dans cette société tout peut se soigner. Une révolte du peuple alors ? Heureux il est, souverain depuis déjà des siècles. Alors peut-être est-ce la conséquence de la pollution ou bien de la radioactivité ? Cela aurait pu être possible, mais regardez-les. Il n'y a aucune malformation congénitale. Rien que des traces, parfois brunes, parfois blanches de points de sutures. Symbole du fantôme d'un membre ou d'un organe disparu.
Pour comprendre ce qu'il se passe, ce qu'il s'est passé et ce qu'il se passera, il faut se recentrer sur les ambitions de l'Homme au travers du temps. Au début, celui-ci était centré sur les principes de base d'une vie heureuse : se nourrir, s'accoupler, se protéger et sociabiliser. Puis avec les siècles et l'apparition d'un confort minimum, l'Homme, ne s´en satisfaisant plus et s'ennuyant de cette vie monotone, a été forcé de trouver de nouveaux buts dans sa vie . Plus grands, plus beaux, plus destructeurs. La vie éternelle, le pouvoir absolu, l'amour charnel, l’altération excessive des capacités neuronales et la richesse immodérée. Ces désirs, opportuns et rarement satisfaits ont donné lieu au rêve macabre d'une gamine. Fille de milliardaire et gravement atteinte par une maladie auto-immune, elle n'aurait tenu encore que quelques années. Mais au détour d'une publication d'un quelconque réseau social, elle demandait à son excentrique de père si cela était possible. Ce dernier, suffisamment riche pour pouvoir se permettre de donner 1$ par jour à chaque Homme -mais qui ne le faisait pas- riait à gorge déployée. Serrant sa descendance dans ses bras avant de lui répondre qu'elle était un génie incompris:


- Ma fille, l'argent fait le bonheur, tu le sais.


Ainsi, la machine infernale se mettait tranquillement, mais sûrement, en marche. « La médecine peut désormais soigner n'importe quelle maladie. » Annonçait un présentateur TV le lendemain de l'opération de la fille du milliardaire. Les gens, ébahis cherchaient compulsivement des informations. Ils avaient tous quelqu'un à sauver. Un oncle atteint du cancer des poumons, une mère en phase terminal d'un cancer du sein, une fille ayant la leucémie ou encore un ami, aveugle de naissance, qui ferait tout pour voir son fils naître. L'amour naît de l'amour, la haine naît de la haine, le chaos naît du chaos. Constamment, l'humain crée sa propre chute, et un jour, chacun est placé face à ses erreurs. Mais est-ce une erreur lorsque l'argent et le bonheur entre en jeu ? « Souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras poussière ». Cette locution avait disparu des bibles, après qu'un autre richissime avait payé pour la faire oublier:


- L'argent fait le bonheur. dit-il au pape en lui serrant la main, sourire de porcelaine accroché au visage. Une poupée de cire aux airs d’Être humain.


« On récupère tout, pas de gaspillage ! » Affirme un chirurgien spécialisé en amputation et en greffe dans un spot de pub. Âgé de 113 ans, il en paraît 25. « Je suis le fruit de mon propre travail ! » Continue-t-il en se déshabillant, contractant ses muscles parfaits dissimulés sous une peau huilée. « Vous pouvez être ce que vous voulez être. Car ne l'oubliez pas, l'argent fait le bonheur ! » Conclue-t-il avec un clin d’œil bleu azur. Sa pub renvoie à un site internet. Affichant en grand et gros « L'ARGENT FAIT LE BONHEUR, DITES MERCI A CHRIS PRATT » Comme beaucoup ses tarifs sont élevés. Mais après tout, tout le monde peut se le permettre si tout le monde donne, que dis-je, vend du sien.

***

Excusez-moi du retard, j'avais pas trop d'inspiration la semaine dernière, c'est venu ce matin !

Dites, y'a pas un problème de temps du passé ? Dans ma tête ca sonne plutôt bien mais j'ai l'impression que l'imparfait n'est pas adapté à la situation...

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