Chapitre 5 : Véritable nature
- Kaitlyn, que s’est-il passé ? s’écria Emma en voyant mon état lorsque j’arrivai chez elle.
Je ne pus répondre et, instinctivement, elle vint me soutenir pour m’emmener sur le lit de sa chambre. Je tremblais toujours et j’avais du mal à tenir debout après ce qu’il venait de se passer. Je réussis pourtant à tout lui raconter, en omettant la fille qui m’avait sauvée, de peur qu’elle ne me prenne pour une folle. Elle m’écouta parler avec patience mais ses yeux trahir la terreur qu’elle ressentie pour moi lorsque je lui décrivais ce qui m’était arrivé. Elle me prit dans ses bras à la fin de mon récit pour me réconforter. Quelqu’un avait essayé de me tuer. Je m’écartai alors d’elle, les yeux écarquillés et lui rapportai ma conversation téléphonique que j’avais eue lorsque j’étais avec Alex. Elle hocha la tête et parue réfléchir à tout ça.
- Tu … tu crois que je devrais en parler à Alex ? Je lui ai dit que je lui enverrais un message quand je serai arrivé mais peut-être vaudrait-il mieux que je lui en parle en face à face … non ?
- Oui, c’est peut-être mieux comme ça il ne s’inquiétera pas. Écoute, ce que je te propose, c’est de passer une soirée tranquille pour que tu puisses essayer d’oublier ça.
J’acquiesçai, heureuse de pouvoir penser à autre chose. J’envoyai un petit message pour dire à Alex que j’étais bien arrivé. Il me répondit dans la minute en nous souhaitant de passer une belle soirée. Nous la passâmes à regarder des films sur son ordinateur avant d’aller nous coucher. Nous avions une petite tradition dès que l’une de nous venait chez l’autre, c’était une bataille de peluche. Ce jour-là, même si je n’étais pas encore remise de l’incident, je tins quand même à perpétuer cette petite tradition pour recouvrer un peu du moral que j’avais perdue.
Nous avions éteint il y a déjà trente minutes lorsque, pour une raison inconnue je sombrai brutalement dans l'inconscience. Je dormis très mal cette nuit-là. Je me réveillai une bonne dizaine de fois avec, chaque fois, l'impression qu'un étau enserrait ma tête. La douleur vrillant mon crâne était telle que j’eus beaucoup de mal à ne pas crier pour éviter de réveiller Emma. Je songeai à chaque fois à prendre un médicament mais dès que j’essayais de me lever, la tête me tournait et je perdais connaissance pour me réveiller de nouveau un peu plus tard.
Lorsque, le lendemain matin arriva, je me levai avec soulagement en découvrant que la violente migraine qui avait pris d’assaut mon cerveau avait totalement disparue. Mais … quand Emma émergea elle aussi de sa léthargie, je vis que quelque chose n'allait pas. Sans même prendre la peine d'allumer la lumière, la lueur du jour dehors suffisant largement, elle me regarda avec de grands yeux comme s'il y avait un fantôme juste devant moi que je ne pouvais pas voir. Elle ouvrit la bouche, la referma, puis l'ouvrit à nouveau, hésitante …
- Kait … souffla-t-elle.
Amusée, je l'observai, sans remarquer que son expression n’avait rien d’amusant.
- Oui ? finis-je enfin par répondre, insouciante.
- C’est bizarre … on dirait que tu as changé mais je ne saurais dire quoi … ! lâcha-t-elle en me pointant du doigt.
Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas ce qu’elle voulait me dire. Voyant que je ne réagirais pas de moi-même, elle m’entraîna dans la salle de bain, en face du miroir. Je regardai mon reflet et eu aussi l’impression étrange que quelque chose avait changée. Je plissai les yeux et scrutai mon visage dans l’espoir de découvrir ce qui avait été modifié. Soudain, je saisis. Mes yeux. Auparavant noirs, ils étaient ce matin-là d’un bleu magnifique mais qui était très perturbant. Lorsque je posai mon regard sur Emma pour lui fait part de ce que je venais de voir et comprendre, celle-ci se rendit compte elle aussi que c’étaient mes yeux qui n’étaient plus comme avant.
- Comment c’est possible ? murmurai-je, sous le choc.
- Je n’en sais rien … par contre …
Elle s’interrompit, et je l’encourageai à poursuivre.
- Mon oncle m’a souvent raconté des histoires auxquelles je crois et, d’après ce que je vois et ce que tu m’as raconté … non laisse tomber, c’est n’importe quoi …
- Em …
Je me stoppai net en me remémorant l’horrible nuit que je venais de passer. Je lui racontai en lui détaillant le plus possible et la voyait écarquillé les yeux de plus en plus.
- Alors … c’est peut-être vrai … dit-elle tout bas.
Je n’aurai pas dû l’entendre dire ça et pourtant, je remarquai à cet instant que c’était le cas. Mais que se passait-il ? Je la saisis par le poignet et l’obligeai à me dire ce qu’elle avait en tête. J’avais peur et elle aussi, d’autant plus que j’étais plus grande qu’elle et que mon attitude n’avait rien de normal.
- Une transformation ! Je crois que tu es en pleine transformation mais je ne sais pas encore en quoi ! s’écria-t-elle alors que je resserrai ma prise autour de son poignet.
J’étais sidérée par cette révélation. Me rendant compte de ce que j’étais en train de faire, je la lâchai et m’adossai au mur.
- Kait … commença Emma en voyant l’expression de mon visage. Tu sais que j’ai un peu de matériel scientifique dans ma chambre et je sais quels tests faire pour savoir si ce que j’avance et vrai ou pas … Est-ce que tu veux que je les fasse ?
Elle avait parlé d’une voix douce, comme si elle avait peur que je me mette d’un coup à hurler ou à faire je ne savais quoi d’autre. J’hochai la tête, les yeux toujours fixés sur le carrelage blanc. Ses paroles me revenaient en mémoire et je compris subitement ce qu’elle avait dit implicitement.
- Je ne suis pas humaine, c’est ça ? dis-je faiblement, ayant du mal à assimiler la situation.
Lorsque je relevai la tête pour la regarder, attendant une réponse, je vis toute la compassion dans ses yeux et cela me suffit pour savoir que j’avais raison. Mes épaules s’affaissèrent. C’était trop d’un coup et j’avais le mauvais pressentiment que ça ne faisait que commencer. Je la suivis donc presque à contre cœur dans sa chambre, ne sachant pas vraiment si je voulais connaître la vérité.
Je finis par accepter car, malgré la peur de découvrir la vérité, Emma aimait plus que tout faire des expériences. Elle prévoyait d'être une grande scientifique plus tard. Je la laissai alors sortir son matériel : seringue, tubes à essai, microscope, plus quelques produits. Elle me prit un peu de sang dans le doigt et le fit couler dans l'un des tubes à essai. Elle fit ensuite de même avec son propre sang et un deuxième tube. Elle versa, dans chaque tube, du liquide vaisselle, un peu d'eau et du sel. Elle les agita avant d'ajouter de l'alcool à brûler et quelques autres composés chimiques. Ce qu'elle faisait devant moi me rappelais vaguement des travaux personnels de 3ème … autant dire que cela remontait à loin !
Il se passa alors quelque chose qui nous fit ouvrir des yeux grands comme des soucoupes. Tandis que le tube à essai contenant son sang virait dans les tons orange-rose, celui contenant le mien pris une couleur bordeaux et se mit à bouillonner très légèrement. Emma attrapa une pipette et récolta un peu du mélange pourpre, étala une goutte entre deux petites plaquettes de verres et positionna le tout sur son microscope. Je faisais les cent pas derrière elle comme une lionne en cage. Ma tête recommençait à m'élancer et une faim dévorante me tiraillait le ventre. Je le pressai dans l'espoir d’atténuer la douleur mais rien n'y fit si ce n'est qu'elle augmenta. Je m'assis sur le lit et soufflai, me concentrant sur ma poitrine qui montait et descendait : en haut, en bas, en haut, en bas …
- Kait ! Viens voir ! s'écria Emma.
D'un bond, je me levai et d'un autre, je fus près d'elle. Elle s'écarta pour me laisser regarder par la loupe binoculaire. J'observai, plissai les yeux, m'éloignai, me rapprochai… Puis je me redressai en la fixant d'un air interrogateur. Me poussant doucement, elle alluma son ordinateur et y brancha le microscope. Elle tapa un mot de passe et ouvrit un logiciel qui me permit de voir la lamelle en grand.
- Là ! dit-elle en montrant une zone de l'image. Tu vois le point blanc ? C'est un grain de sel.
- Euh… oui, d'accord… et alors ? demandai-je, interloquée.
- Eh bien, normalement, il doit se dissoudre au contact du sang et du mélange que j'ai ajouté ! Or, ici, ce n'est pas le cas…
Sauf que je ne l'écoutai plus. La brûlure de mon ventre et l'enfer qui rugissait dans ma tête avait tout à coup disparus. Mes yeux étaient rivés sur une veine qui palpitait dans le cou de mon amie. Mes dents me faisaient délicieusement mal. Et cette veine, si belle, si bleue… Délicatement, je dégageai ses cheveux de sa gorge, si blanche… et m'approchai…
- Mais qu'est-ce que tu fabriques ??
Revenant soudainement à la réalité, je vis le regard apeuré d'Emma balayer mon visage. Je reculai, mal à l'aise.
- Je … je ne sais pas ce qui m’a pris ! gémis-je.
Alors, son visage, rosie par la surprise, s'éclaira d'une lueur qui me fit mettre un pied en arrière dans un mouvement de défense mêlé à de la crainte.
- Je sais. répondit-elle en retrouvant son calme avec une vitesse qui me glaça jusqu'aux os.
Elle pivota vers le microscope et assena :
- J'avais raison. Tu n'es pas humaine. Ce que j'ai trouvé dans ton sang le prouve. J'ai fait quelques recherches et il contient une substance qui n'appartient qu'à une seule espèce. Une seule. Le spécialiste qui l'explique et une personne dont je suis très proche et à qui je confierais ma vie sans hésiter. Kait …
Elle marqua une pose et se retourna, les larmes aux yeux.
- Kait, reprit-elle, tu es un vampire.
Je la regardai, mon esprit refusant d'assimiler la nouvelle. Tout à coup, je me mis à rire !
- Un vampire ?? Mais ça n'existe pas voyons ! fis-je, secouée par un fou-rire qui semblait ne jamais vouloir s'arrêter.
- Kaitlyn ! Je suis très sérieuse ! Ce n'est pas une coïncidence ce que tu … as fait … ou essayé de faire tout à l'heure ! Mais mince ! Arrête de rigoler et concentre-toi un peu ! A ton avis, pourquoi tes yeux ont changé de couleur en une nuit et pourquoi tu as, je présume, des maux de tête et de ventre ????
- Désolée … je ne … peux pas … m'arrêter ! essayai-je d'expliquer en hoquetant. Mais … comment sais-tu … pour la douleur ?
- OK, soupira-t-elle, je t'emmène voir Jack !
- Qui ça ? demandai-je en retrouvant subitement ma gravité.
- Tu verras bien ! répliqua-t-elle simplement.
* * *
Emma frappa à la porte. Haute de trois mètres, en bois d'ébène et à deux battants, elle était très imposante. La maison, elle, ressemblait plus à un manoir avec ses trois étages, ses murs et son toit noir. Perdue au milieu de la forêt, à près de deux kilomètres derrière la villa d’Emma, l'atmosphère tout autour était tellement lourde et étouffante qu'elle en était palpable. Mes poils se hérissèrent sur mes bras. Je fus surprise de frissonner dans mon T-shirt malgré la tiédeur du matin.
Un homme ouvrit la large porte. Il nous dépassait de deux têtes (au moins !) et avait une fine barbe de trois jours qui le rendait, supposai-je, plus vieux que son âge réel. Ses yeux étaient d'un noir si pur, tout autant que ses cheveux.
- Kait, je te présente Jack, mon oncle. déclara Emma, en souriant de toutes ses dents. Jack, voici ma meilleure amie, Kaitlyn.
Le prétendu Jack haussa un épais sourcil, noir lui aussi, puis me tendit la main. Sans m'en rendre compte, je m'étais figée à la vue du colosse et le toisai avec méfiance. Comme je ne réagissais pas, Emma me donna un léger coup de coude dans les côtes. Je me repris tout de suite et serrai la main du géant en m'excusant de mon « impolitesse ».
- J'ai tendance à me méfier des gens que je ne connais pas. tentai-je de justifier, mais mon excuse sonnait faux.
D'un hochement de tête, il s'écarta et nous invita à entrer. Nous arrivâmes dans un gigantesque vestibule rectangulaire avec quatre portes, comprenant celle de l'entrée, situées sur chacun des quatre murs. Nous suivîmes Jack qui prit la porte de gauche. Elle donnait sur un salon près de trois fois plus grand que le seuil, qui était déjà vraiment grand. La pièce était meublée avec modernité, la blancheur du bois de chêne contrastant avec la noirceur de l'extérieur. Un feu, dans une cheminée de brique rouge, éclairait la pièce d’une lueur orangée, la rendant encore plus chaleureuse. C'était la première couleur que je voyais dans cette bâtisse.
Là, il nous fit asseoir autour d'une table basse en verre, sur un canapé en cuir … noir. Pendant qu'il allait de l'autre côté de la pièce ou était disposé un bar, séparant la cuisine du salon, j'observai les décorations alentour. Un silence s'installa … et dura cinq bonnes minutes durant lesquelles seuls les bruits de vaisselles émanant de la cuisine nous parvinrent. Je me décidai enfin à parler, troublant la quiétude de la pièce :
- Em … où est-ce qu'on est ? Et qui est ce Jack ? demandai-je, mal à l'aise.
- C'est mon oncle, et il se trouve que c'est aussi lui le « spécialiste ». Il ne parle pas beaucoup au premier abord mais tu verras que c'est un type génial dès qu'on le connaît un peu.
- Hum hum …
- Écoute Kait, tout ce que je te dis est vrai. Les vampires existent ! Mon oncle m'en a parlé pendant toute mon enfance et … tout ce qu'il m’a raconté se trouve être vérifié avec toi … du moins ce qu'on a essayé … Je n'en ai jamais rencontré, c'est vrai … mais lui si ! Il les a côtoyé et « étudié » des années durant ! Je le crois … et … tu sais que tu peux me faire confiance, hein ? débita-t-elle, sa voix se faisant suppliante sur la fin.
C'est ce moment que le maître de maison choisit pour réapparaître, un plateau dans les mains contenant trois tasses de chocolats chaud, du miel et des petits gâteaux.
- A mon avis, ma petite Emma tu ne devrais pas tarder à en rencontrer. Toi aussi Kaitlyn.
Il s'installa sur un fauteuil (noir) en face de nous et se mit à siroter sa boisson. Nous en fîmes tout autant, gardant le silence quelques instants pour savourer le breuvage. Il nous regardait, tour à tour. Gênée d'être ainsi observée, je me tortillai sur le divan. Puis, il reprit la parole :
- Ma petite Emma, as-tu les résultats que vous avez fait sur elle ?
- Bien sur mon oncle !
- Mais … mais comment le sait-il ?? m'étonnai-je.
- Heu … fit Emma en jetant un coup d’œil nerveux à Jack.
Il sourit.
- Je pense que l'on devrait aller dehors. Vous avez besoin de vous détendre toutes les deux pendant que je regarde ce que vous avez déjà fait. Je suis sûre que tu comprendras tout le moment venu.
Nous finîmes nos tasses puis le suivîmes à l'arrière de la demeure.
De nouveaux personnages entrent petit à petit en scène mais, d'après vous, sont-ils avec ou contre Kaitlyn ? J'attends vos théories en commentaires :D
(Et comme je sais qu'il y a encore des fautes dans mon texte que je n'ai pas vu, n'hésitez pas à l'annoter pour me dire si vous en voyez encore :P)
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