Chapitre 66 : Flagrant délit

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Comme si de rien n’était, Gwendoline termine son petit-déjeuner en silence, savourant la quiétude post-orgasmique de ce début de matinée printanière.

Quand elle a fini son repas, elle part à la recherche de son téléphone, puis se rappelle soudain qu’il est toujours dans son sac et qu’elle ne l’a pas utilisé depuis son arrivée ici. En revanche, celui d’Erwann est sorti, posé avec sa montre, bien en évidence sur une des commodes de la chambre. Elle apprécie le fait qu’il ne soit pas constamment greffé à son écran, attitude qui avait grandement le don de l’agacer chez son ex, qui était toujours les yeux rivés dessus. Konrad était accroc à son smartphone, au même titre qu'au sexe, à la cigarette et à l'alcool. Cela faisait beaucoup de dépendances à gérer d'un coup.

Ils sont si différents ! Le jour et la nuit. Erwann fait preuve d’initiatives et semble avoir de la ressource et des idées en pagaille. Elle aime cet état d’esprit, qu’elle cultive également, quoique trop peu à son goût. Grâce à lui, elle espère aller de l’avant et s’investir davantage vers un changement de carrière, et plus globalement, de vie.

Devenant de plus en plus ambitieuse, elle aime l’idée qu’on la booste pour relever des défis et affronter ses peurs ou ses blocages encore présents. Ce rôle conviendrait tout à fait au caractère d'Erwann et elle s’attend à ce qu’il la coache, la motive et lui donne le goût et l’envie de se dépasser. De même, elle n’hésitera pas à lui rendre la pareille et à l’encourager dans son ascension professionnelle, telle une supportrice bienveillante en coulisses.

***

Quand Erwann revient dans la chambre de la jeune femme, tapant deux coups discrets à la porte pour l’avertir de son entrée, elle termine ses préparatifs en brossant sa chevelure argentée. Il passe la tête par l'entrebâillement de la porte, levant un sourcil interrogateur pour savoir s'il peut entrer. Elle hoche la tête en guise d’assentiment.

Erwann s’approche d’elle et attrape la brosse en plein vol :

— Je peux ? demande-t-il en commençant à lui brosser les cheveux, avant d’avoir obtenu une réponse.

— Si cela te fait plaisir…

— J’adorais brosser les cheveux de Manon quand elle était plus petite. Elle les a toujours eu très longs et elle souffrait pour les démêler après la douche. En revanche, je n’ai jamais été très doué pour lui faire des coiffures un peu originales. Pas assez de patience. Elle a dû se contenter de simples tresses ou queues de cheval sans prétention.

Tandis qu’il passe et repasse la brosse ronde dans ses cheveux détachés, Gwendoline l’écoute attentivement, les yeux fermés, se délectant de ses confidences intimes. Son corps est parcouru de frissons à chaque passage, de la racine de son cuir chevelu jusqu’au bas de sa colonne vertébrale. En toute innocence et sans arrière-pensée, Erwann est en train de la rendre complètement folle. Et ce n’est pas l’épisode sexy auquel elle s’est adonnée quelques minutes auparavant qui a réussi à faire redescendre cette tension. Il lui faut se rendre à l’évidence, la proximité du jeune homme éveille en elle des envies de toutes sortes, qui feraient rougir n’importe quel enfant de chœur.

Elle ne sait pas comment ils ont réussi à s’endormir dans cette ambiance sensuelle qui les entoure constamment dès qu’ils sont dans la même pièce. Un exploit pour elle qui n’a jamais réussi à résister à l’appel de la chair d’un homme désirable. Bien que romantique, elle a toujours cédé aux tentations des premiers rendez-vous galants, assouvissant sans regret ses appétits sexuels. Si Erwann ne l’avait pas arrêtée hier soir, il est clair qu’il aurait fini dans sa bouche avant même que les flammes de la cheminée ne se soient éteintes.

Soudain, une idée saugrenue la traverse : et si Erwann avait un problème… technique, le rendant incapable d’aller plus loin ? Peut-être est-il éjaculateur précoce, ce qui expliquerait pourquoi il essaie de gagner du temps…

— Qu’est-ce qui te fait sourire comme ça ? demande Erwann qui la regarde, intrigué, en lui rendant la brosse.

Plongée dans ses délires imaginaires, la jeune femme relève la tête. Elle ne s’est pas aperçue qu’il avait terminé et l’observait ouvertement.

— Rien, rien, un truc stupide, laisse tomber, répond-elle en souriant. Merci pour ton aide.

— Je t’en prie. On y va ?

Gwendoline a presque fini de se préparer. Il ne lui reste plus qu’à se mettre du parfum et elle sera prête à partir vers leur destination mystérieuse.

Après un passage éclair dans la salle de bain pour se rafraichir après son petit-déjeuner, elle avait enfilé un jean et un pull épais à col V. Le grand décolleté qu’elle arbore à présent dévoile le début de sa poitrine et souligne la minceur de son cou, autour duquel sont entrelacés trois colliers de taille et de forme différentes.

Erwann remarque qu’elle s’est légèrement maquillée, ce qui lui donne l’air plus éveillé que lorsqu’il est venu la sortir du lit, tout à l’heure. Néanmoins, le jeune homme a aimé cette vision d’elle au réveil, naturelle et sans fioritures, avec sa chevelure décoiffée et son visage entièrement nu. Elle avait une fraîcheur presque adolescente, plus réservée et timide. Ce fût trop rapide à son goût, mais il se rappelle qu’il en profitera encore les deux matins à venir. Il se régale de découvrir son intimité, avec ses habitudes secrètes et ses petites manies.

Désormais apprêtée, Gwendoline lui apparaît plus femme, arborant cette attitude pleine d’assurance et d’enthousiasme qui la caractérise et qui l’a tout de suite séduit. Il aime toutes les facettes de sa personnalité et parmi les deux versions d’elle qu’il a vues jusqu’à présent, il ne saurait dire vers laquelle va sa préférence. Ce qu’il constate en revanche, c’est qu’elle lui plaît sous tous les angles.

***

Erwann n’a pas perdu ses bonnes habitudes citadines et continue à lui ouvrir la portière pour la laisser s’installer, avant de la refermer derrière elle et de prendre place sur le siège conducteur. Ils décollent de la villa un peu après onze heures trente, dans le beau et large SUV du photographe, qu’il conduit avec aisance, bien au fait de ses imposantes dimensions.

Gwendoline ne peut s’empêcher de le dévorer des yeux, matant son profil, sa pomme d’Adam dessinée, ses mains viriles qui dansent sur le volant. Les bijoux qu’il porte l’intriguent toujours autant, sans parler du pouvoir d’attraction qu’ils exercent sur elle. Elle ne cesse de penser à ses mains sur son corps. Le photographe porte un bonnet aujourd’hui, et la jeune femme comprend enfin à qui son amant lui fait penser. Avec sa chemise à carreaux portée sur un jean déchiré et des boots élimées, ce dernier ressemble encore plus à Johnny Depp qu’à son habitude.

— Pourquoi tu me dévisages comme cela ? demande-t-il en souriant, les yeux toujours fixés sur la route, cachés par ses lunettes de soleil.

— Parce que tu es beau. Et qu’il n’y a rien de plus sexy qu’un homme qui conduit.

— Ne me déconcentre pas, plaisante-t-il sans lui jeter un regard, imperturbable.

— Je n’oserais pas. Même si la tentation est grande de le faire.

Erwann sourit encore davantage.

— Arrête de me provoquer.

— Tu aimes ça.

— Oui. Mais même moi, j’ai mes limites.

— Je n’y peux rien si tu me rends incontrôlable.

— Je ne fais rien pour, pourtant.

— Tu respires, c’est déjà beaucoup.

Erwann éclate de rire, toujours concentré droit devant lui.

— Et toi, qu’est-ce que tu trouves le plus sexy chez une femme ?

— Qu’elle s’abandonne entièrement, répond-il du tac au tac.

Cette réflexion laisse Gwendoline muette et songeuse… Ce n'est pas vraiment sa spécialité, reconnaît-elle intérieurement, en repensant à tous les mauvais amants qu'elle a eus par le passé. Ils l'ont plus souvent laissée frustrée que comblée...

La voiture trace au milieu de la presqu’île de Crozon, qui commence à s’habiller de couleurs, après la grisaille terne de l’hiver. Au bout de quelques minutes de silence, alors que la jeune femme est plongée dans la contemplation du paysage, Erwann précise ses pensées, à propos de la question qu’elle lui a posée plus tôt :

— Comme toi ce matin.

— Ce matin ? demande-t-elle, sincèrement étonnée en le regardant.

Erwann dévoile un sourire carnassier qu’elle ne lui connaissait pas.

— J’avais oublié ma montre dans ta chambre, j’ai voulu revenir la chercher mais… tu étais… occupée. Je n’ai pas voulu te déranger…

Gwendoline ne dit plus un mot, tandis que son visage s’empourpre si violemment qu’elle s’apparente à une tomate trop mûre, derrière ses lunettes noires. Elle tourne la tête vers la fenêtre, pour dissimuler son sourire coupable et s’enfonce dans le siège passager, honteuse de réaliser qu’il l’a surprise en flagrant délit de plaisir intime.

— Moi aussi j’adore jouer Gwen… Moi aussi j’adore ça, termine-t-il de sa voix caverneuse.

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